Réglementations et labels

   D’après les analyses économiques faites jusqu’à présent, nous avons donc pu relever une incompatibilité entre les prix auxquels les éleveurs ont besoin de vendre leurs produits – pour obtenir des revenus leur permettant à la fois de vivre, de moderniser leurs exploitations et de garantir la qualité de la viande produite – et les prix pratiqués par la grande distribution qui cherche à s’imposer sur le marché international. Pour tenter de concilier les deux, de plus en plus de labels et de réglementations sont mises en place, le but étant de permettre à la grande distribution de justifier d’un prix plus important auprès du consommateur (qui pourra grâce à ces divers sigles connaître les raisons expliquant le prix), et par suite de mieux rémunérer les éleveurs.

Paul : « C’est vrai qu’il faut être à l’écoute des consommateurs : comme beaucoup d’autres éleveurs, je suis prêt à investir pour garantir une meilleure qualité de la viande et de meilleures conditions de vie pour mon bétail, mais à condition que les consommateurs soient prêts à payer le prix correspondant… »

   Des produits réglementés garantissent certaines conditions au consommateur qui en échange les paye plus cher, et deviennent ainsi rentables pour l’éleveur ; cependant cela n’est valable que si les produits fonctionnent bien et que les consommateurs considèrent que ces garanties valent la peine de payer plus cher. En effet, la mise aux normes et le respect des réglementations constitue pour les éleveurs un investissement non négligeable, en tout cas d’après un article du Monde (1), et pour qu’il s’avère rentable, il faut que le label correspondant soit effectivement reconnu par le consommateur !


François, au ministère : « Cependant, pour avoir le droit d’apposer des labels à leurs produits, les éleveurs doivent respecter des réglementations qui garantissent au consommateur une certaine qualité. Il est du ressort des de l’Etat Français et de l’Union Européenne de décider des standards à respecter pour pouvoir utiliser telle ou telle appellation contrôlée. Par exemple, une viande portant l’appellation Label Rouge doit provenir d’un animal nourri exclusivement à partir de fourrage produit sur l’exploitation, et respectant la Charte des Bonnes Pratiques de l’Élevage (2). Mais les labels et autres appellations ne sont pas uniquement des contraintes pour les agriculteurs, elles peuvent aussi se révéler être un avantage compétitif, en faisant appel à la conscience du consommateur. Ainsi, les éleveurs français réclament, comme le souligne Christine Rouquet, un étiquetage d’origine de la viande sur tous les produits y compris les produits transformés, pour permettre aux consommateurs de faire le choix de la viande française y compris dans des pâtes, des saucisses ou des surgelés par exemple. La réponse à cette demande dépend elle aussi des organismes juridiques, qui seuls ont le pouvoir d’imposer des réglementations liées à l’origine de la viande. Un chercheur de l’INRA explique que le blocage du processus vient encore de la grande distribution qui, par un tel procédé, reviendrait à défavoriser, et donc à « tuer » certains produits pourtant très rentables pour elle. »


Laura : « Cette idée me paraît en effet très intéressante ! Comme ça, je peux choisir exactement quel prix je suis prête à payer pour tel ou tel type d’élevage. »

   De plus, les labels permettraient de garantir non seulement certaines règles vis à vis des conditions de vie des animaux, mais ils peuvent aussi influer sur des paramètres environnementaux ou sanitaires.

   Ainsi, pour reprendre l’exemple du Label Rouge, les animaux malades dont la viande va être étiquetée ne doivent pas attendre plus de deux semaines avant qu’un médicament leur soit administré, et il n’est pas non plus autorisé de leur administrer des hormones. Ces garanties ont ainsi le pouvoir de rassurer certains consommateurs, pour qui ces questions de santé sont problématiques, comme nous le verrons dans un des enjeux suivants. De plus, certains des labels portent aussi sur des pratiques environnementales d’élevage, comme le label européen AB par exemple (3). En effet, ce label interdit l’utilisation de produits génétiquement modifiés pour la nourriture du bétail, ainsi que l’utilisation d’intrants solubles et d’engrais non organiques dans les champs. Nous avons donc pu voir, en analysant les cahier des charges de différentes réglementations, que le système « par label » impose aussi des pratiques plus respectueuses de l’environnement et peut donc contribuer, à diminuer l’impact environnemental de l’agriculture (4). Le système de la labélisation ne résoud cependant pas tous les problème et ne joue un rôle que d’incitation, à la différence des réglementations. Les labels présentent aussi en France le désavantage d’être “auto-décernés par les organisations de producteurs” (5), alors qu’il serait plus logique que ce soit des associations de consommateurs qui s’occupent de ce contrôle de qualité. On remarque aussi les limites du système des labels par les nombreuses confusions et le manque d’information des consommateurs sur la signification exacte de chacun des labels.

 

(1) Le Monde, 22/07/2015, Comprendre la fixation des prix, des marges et des subventions dans l’agriculture (retour)
(2) Voir cahier des charges Label Rouge, disponible à l’adresse suivante (retour)
(3) RÈGLEMENT (CE) N° 834/2007 DU CONSEIL du 28 juin 2007 relatif à la production biologique et à l’étiquetage des produits biologiques et abrogeant le règlement (CEE) n° 2092/91, accessible à cette adresse (fichier pdf) (retour)
(4) Le Point, 23/07/2015, 5 gestes pour sauver la planète (retour)
(5) Larrère R et Burgat F (2009), Éthique et bien-être de l’animal d’élevage, pages 154 (retour)

 

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