L’exemple des pays étrangers
Nombreux sont ceux qui s’interrogent sur le bien-fondé d’une ouverture des données de santé au public en France. Pour conforter ou nuancer leur opinion, ils peuvent se référer à la situation de plusieurs pays étrangers qui ont déjà mis en oeuvre l’ouverture de leurs données de santé.
La Commission Open Data a d’ailleurs publié un rapport sur l’ouverture des données de santé dans divers pays étrangers faisant état de la situation au Royaume-Uni, aux Etats-Unis, au Canada, au Danemark et à Singapour. Ces 5 pays ont été sélectionnées parmi d’autres car ils permettaient de représenter la grande variété des démarches utilisées. Cette diversité découle de plusieurs facteurs comme les types de données mis à disposition, le type d’acteurs associés, voire le cadre juridique du pays.
Des raisons communes à l’émergence de l’Open Data en santé :
Les pays qui sont déjà entrés dans la révolution de l’Open Data en santé partagent plusieurs caractéristiques que l’on peut également attribuer à la France, à la veille de sa transformation. Parmi elles :
Une volonté politique forte : Dans les cinq pays de l’étude, une initiative gouvernementale a permis de porter sur la place publique le débat sur l’ouverture des données de santé. Ainsi, le gouvernement canadien a lancé sa première Open Data Initiative dès 1990 alors que le Danemark a lancé son programme Open Data Innovation Strategy visant à uniformiser l’accès aux données publiques pour favoriser l’innovation et la croissance économique, rendre l’action publique efficace et transparente. En France, un équivalent serait la consultation en ligne sur le Big Data lancée en avril 2016 (voir Chronologie) auprès des citoyens par Marisol Touraine.
L’existence de bases de données structurées : L’ensemble des pays qui ont ouvert leurs données ont pu le faire grâce à la présence d’institutions publiques chargées de centraliser les données de santé nationales (des agrégateurs). Ces bases de données ont un périmètre large et une profondeur importante (nombre d’années couvertes). Au Danemark, un registre national des patients a permis la constitution d’une base de données très complète et appariable à d’autres bases grâce au système d’identifiant personnel unique des patients. A l’inverse, les Etats-Unis possèdent une multitude d’agrégateurs, qu’ils soient publics ou privés, avec des possibilités limitées pour l’appariement des bases de données. Celles-ci sont ainsi plus fragmentées, limitant la couverture des données mises à disposition du public. En France, le SNIIRAM et à terme le SNDS correspondent à ce type de structure de stockage de données.
Un cadre réglementaire précisé : À l’exception de Singapour, les pays étudiés disposent tous de textes de lois relatifs au droit de l’information permettant une action régularisée. Ces lois permettent notamment d’éviter certains excès comme la potentielle ré-identification des patients via un jeu de données. Par exemple, au Canada, l’Access to Information Act de 2010 exige aux entités publiques régionales de publier la liste des données dont ils disposent, et d’ouvrir les données demandées en format exploitable. En France, on peut citer la loi Informatique et Libertés du 6 janvier 1978.
Des approches différentes :
Le Danemark et le Canada ont une politique assez similaire dédiée à l’information du patient sur le système de soins. Effectivement, ces deux pays mettent à disposition des données présentant une large couverture sur la santé publique et l’offre de soins. Au Danemark, il est possible de consulter le National Patient Register contenant l’ensemble des données relatives aux interactions de chaque patient avec le système de santé en choisissant des critères d’agrégation.
De leur côté, le Royaume-Uni et les Etats-Unis se concentrent sur l’autonomisation du patient tout au long de son parcours de soins. Par exemple, aux Etats-Unis, des classements sur la prise en charge dans les hôpitaux sont publiés alors qu’au Royaume-Uni, il est possible de consulter des indicateurs de mortalité post-hospitalière par établissement.
Enfin Singapour a la particularité de se consacrer à un accompagnement plus poussé dans la réutilisation des données mises à disposition. En revanche, l’ouverture de ces données au grand public est limitée à quelques jeux de données agrégées. L’Etat encourage activement la réutilisation des données entièrement accessibles : le site officiel Open Data accueille les applications développées à partir de ces données. Par exemple, la plateforme OneMap adossée à ce site est ouverte aux développeurs qui souhaitent y intégrer des fonctionnalités nouvelles ou des visualisations géo-localisées des jeux de données.
Les services développés grâce à l’Open Data en santé :
Pour juger de l’efficacité de l’Open Data dans différents pays étrangers, il est important de constater quelles nouveautés cela a engendré en termes de services de santé. Citons ici quelques exemples :
Au Danemark, un registre complet des professionnels de santé a été créé. Ce registre, comprend les nom, prénom, date de naissance, lieu de travail, profession et date d’obtention du diplôme de tous les professionnels de santé. Cette base permet donc un accès facilité aux coordonnées de chaque praticien du pays.
Au Canada, des jeux de données ont permis le développement de services d’information au patient particulièrement utiles. Par exemple, l’un d’entre eux contient les durées moyennes d’hospitalisation et les tarifs pratiqués dans les hôpitaux en fonction de la région, de l’âge du patient et du type d’intervention. Cet outil s’appelle le PatientCost Estimator qui permet donc à quiconque d’estimer le coût et la durée d’hospitalisation moyenne liés à son intervention.
Au Royaume-Uni, le site NHS Choices propose une note de satisfaction des patients pour chaque cabinet médical du pays. Ces données permettent d’orienter les patients à choisir un cabinet médical et permet même la prise de rendez-vous en ligne.
Les dérives de l’Open Data en santé :
Ainsi, les arguments pour ouvrir les données de santé en France vis-à-vis de la situation à l’étranger ne manquent pas. Néanmoins, certaines dérives ont également pu être observées et inquiètent certains spécialistes. Dans certains cas, c’est le principe même de mutualisation en santé qui est remis en cause, comme aux Etats-Unis, où l’exploitation trop lâche des données pourrait conduire à une grave atteinte de la vie privée.
“Aux Etats-Unis et au Canada, les assureurs peuvent se brancher pratiquement en direct sur les laboratoires d’analyses et avoir accès aux informations pour les utiliser dans leurs tarifications, avec pour conséquence une hypersélection des risques.” Marc Tremblay, directeur de la souscription chez le réassureur mutualiste MutRé.
On comprend alors les craintes de certains acteurs face aux risques liés à l’ouverture massive des données de santé (voir Risque de Commercialisation et La Disparition du Secret Médical ?).
Sources :
Rapport final sur la commission Open Data, Enseignements du panorama international, p.33-36.
(2017, 27 janvier). Faut-il avoir peur de l’ouverture des données de santé? Mutualité Française. Disponible ici
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