Une entrave à la liberté de la presse ?
A l’origine, les journalistes n’avaient pas accès aux données de santé. A la fin des années 90, trois journalistes du nom de François Mayle et Philippe Houdart et Jérôme Vincent parviennent à obtenir l’accès aux bases de données des hôpitaux, et s’en servent pour créer un « palmarès des hôpitaux » dans le journal Le Point, et mettent ainsi en lumière les chiffres de mortalité dans certains services de chirurgie.
Avec le projet de loi et l’article 47 de celui-ci, le ministère semble vouloir mieux contrôler les méthodes de traitement des données employées par les journalistes. Bien qu’aucun problème ne soit apparu par le passé, Marisol Touraine se défend,
« Certains titres de presse pourraient vouloir accéder à des données de santé qu’ils utiliseraient de manière plus nominative. » Marisol Touraine, dans Mediapart, « La délicate ouverture des données de santé », 14/04/2015.
Du point de vu des journalistes, cela ressemble fortement à de la censure et à une entrave à la liberté d’expression. Sur le papier pourtant, la loi est très prometteuse. Des données jusqu’ici verrouillées, telles que des informations relatives aux prescriptions et actes des professionnels de santé seront à présent accessibles. Cependant, de nouvelles règles sont fixées pour avoir accès à ces données. Entre autres, il faut pouvoir prouver que les fins de ces études présentent un caractère d’intérêt public et présenter ses méthodes à un comité d’experts. Cette loi semble donc complexifier l’accès à ces bases de données pour les journalistes et bien encore soulève des interrogations de la part de certaines associations de journalistes telles que l’Association des Journalistes de l’Information Sociale (AJIS).
En effet, la présence de ces « experts » pose problème. Qui seront-ils ? Pourquoi seraient-ils habilités à juger du travail de la presse ? Est-il possible que ce comité soit constitué de membres de l’institution au centre de l’enquête de ces journalistes ? Dans ce cas, ils risqueraient d’empêcher les résultats d’apparaître si ceux-ci ne leur conviennent pas.
Aux yeux de l’AJIS et de ses membres, ce projet de loi ressemble fortement à de la censure, qui est par ailleurs interdite par la loi.
En signe de mécontentement, L’AJIS a multiplié les tribunes dans de nombreux journaux comme Mediapart.
« Le journaliste de données est l’avenir en matière de santé. Cet article cherche à entraver la liberté d’informer. Et on revient de plus loin encore, car dans le projet initial, les journalistes n’avaient plus aucun accès aux bases de données. » Véronique Hunsinger, dans Mediapart, « La délicate ouverture des données de santé », 14/04/2015.
Le 14 avril 2015, lors du vote du projet de loi par les députés, ces derniers se sont arrêtés au cas du travail des journalistes qui risquerait d’être contrôlé si cette loi est validée. En conséquence, plusieurs amendements d’appel ont été déposés, dans le but de permettre aux journalistes d’avoir accès à des données non anonymisées du SNDS.
En réponse à ces critiques, le gouvernement avait adopté un nouvel amendement le 10 avril 2015, soulignant que les organismes de presse pourraient accéder aux données de santé au même titre que les citoyens ou les professionnels de santé. De plus, leurs travaux seront publiés avant de devoir les révéler à l’INDS. Enfin, le comité d’expertise de l’INDS serait choisi en fonction de la finalité du traitement des données. Autrement dit, une section spécialisée examinerait les traitements des données par les journalistes en ayant en tête que la finalité est d’informer le public.
Cependant, cela n’empêche pas les journalistes d’être inquiets vis-à-vis du futur de leur travail de traitement des données médico-administratives. A leurs yeux, ce projet de loi présage une fermeture des données plutôt qu’une ouverture (voir Risque d’étatisation : ouverture ou fermeture ?). Déjà en 2015, Le Point s’est vu refuser l’accès à la base de données hospitalières, l’administration se justifiant qu’elle attendait les textes de loi pour savoir le comportement à adopter face à cette requête.
Source :
Coq-Chodorge C. (2015, 15 avril). La délicate ouverture des données de santé. Mediapart. Disponible ici
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