Risques d’étatisation : ouverture ou fermeture ?

Risques d’étatisation : ouverture ou fermeture ?

L’un des objectifs de la loi et de l’article 47 est de permettre plus de transparence du système de santé pour éviter certaines inégalités voire certains abus. Par exemple, le Collectif Interassociatif Sur la Santé (CISS) pouvait déjà accéder à la base de données de l’assurance maladie et cela a permis de pointer les montants très variables des tarifs journaliers de prestations non prises en charge par l’assurance maladie.

Cependant, certains acteurs remettent en question la manière dont les données sont mises à disposition et s’interrogent sur l’identité de ceux qui auront accès à celles-ci. Ils craignent une complexification dans l’accès aux données de santé, certains allant même jusqu’à dire que c’est un moyen pour l’administration de garder la main sur ces bases. Ce serait donc une manière d’ouvrir les données sans réellement les ouvrir, voire même en les fermant. Le danger de ré-identification des données ne serait alors qu’un prétexte. Certains estiment qu’une telle étatisation des données de santé n’est absolument pas profitable au monde de la santé. C’est le cas d’Eric Henry, ancien président du Syndicat des Médecins Libéraux.

« A terme, les médecins généralistes deviendront des ouvriers du soin, au sein des mutuelles ou des entreprises qui font du data. Nous finirons par être subventionnés pour exercer, comme les agriculteurs qui sont subventionnés par la PAC. Certains iront jusqu’à se suicider comme c’est déjà malheureusement le cas chez les agriculteurs«  Entretien réalisé avec Eric Henry.

En effet, il estime que les éventuelles retombées économiques espérées dans l’ouverture de ces données ne serait pas réinjectée dans le monde de la santé, ce qui explique une certaine réticence de la part des médecins.

« Les autorités martèlent que la santé est déficitaire. En réaction, on invente des data qui des data pour créer des richesses qui ne reviennent pas dans le domaine de la santé. Nous sommes libéraux, donc nous aimerions que notre travail et notre production nous profitent. » Entretien réalisé avec Eric Henry.

Ainsi, l’ouverture des données ne se révélerait pas être plutôt une fermeture, en raison du contrôle de la CNIL ? L’économiste Frédéric Bizard a son avis sur la question. Il considère les institutions en charge de l’attribution des accès aux données ne peuvent pas être prises au sérieux. En effet, selon lui, seulement deux personnes s’occupent de la santé à la CNIL et elles n’ont que très peu de ressources. La CNIL serait même un moyen de contrôle non démocratique. Il insiste d’ailleurs sur le fait qu’il est possible de contourner la réglementation et obtenir les données de santé même si ce n’est pas pour un intérêt public. Il admet cependant que l’ouverture des données de santé est une réelle avancée, mais que c’est sa mise en oeuvre qui pose problème.

« La boîte de Pandore a été ouverte mais il ne faut pas la refermer tout de suite. Lorsqu’on est un pays comme la France, on se doit d’avoir une réflexion aboutie, or ce n’est pas le cas en ce qui concerne les données de santé actuellement.” Entretien réalisé avec Frédéric Bizard.

Sources :
Entretien réalisé avec Frédéric Bizard, économiste et professeur à Sciences Po.
Entretien réalisé avec Eric Henry, ex-président du Syndicat des Médecins Libéraux.

Schéma général

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