Pourquoi plusieurs rapports ?

 

GUERRE, n.f. Lutte entre des personnes, hostilité [1]

L’expression « guerre des chiffres » est employée pour la première fois par la journaliste du Monde, Leatitia Van Eeckhout, afin d’objectiver l’enjeu qui existe derrière la publication de plusieurs rapports d’enquête. L’expression est particulièrement adaptée puisque ces rapports ont des conclusions divergentes à propos de l’impact réel de la piétonisation sur Paris. L’expression est par la suite relayée dans des articles de presse et semble dire quelque chose sur l’arène dans laquelle se déroule la controverse.

Nous pouvons diviser les rapports en deux catégories : ceux commandés par la région Ile-de-France, et ceux commandés par la mairie de Paris. Ces deux types de rapports produisent des résultats différents quant aux effets de la piétonnisation des berges rive droite. Un problème se pose donc : pourquoi existe-t-il plusieurs rapports ?

La question de l’existence de deux catégories de rapports peut effectivement se poser. Au premier abord, celle de l’existence des rapports de la région Ile-de-France semble peu pertinente. La mairie ayant la compétence en matière de voirie, il est nécessaire de se demander pourquoi la région a commandé ces rapports. Si sa légitimité à le faire paraît faible, elle existe réellement dans les conséquences qu’a la fermeture des berges rive droite. La mesure impacte les automobilistes, parisiens comme franciliens. Les habitants de la région qui prenaient quotidiennement leur voiture pour traverser Paris sont donc directement touchés par cette dernière. En publiant des rapports, la région Ile-de-France peut ainsi pointer du doigt les inconvénients de la fermeture des voies sur berge.

Durant cette controverse, la région Ile-de-France et la mairie de Paris se sont fortement opposées notamment au sujet des impacts que la piétonisation de la rive droite aura sur Paris. C’est par presse interposée que Valérie Pécresse et Anne Hidalgo défendent leurs position : alors que la première affirme que le projet aura des conséquences désastreuses sur la circulation et la qualité de l’air, la seconde assure le contraire. Pour étayer leur propos, chacune se dote d’un comité de suivi pour apporter des preuves scientifiques. Valérie Pécresse s’appuie sur l’IAU tandis qu’Anne Hidalgo finance des rapports réalisés notamment par Airparif ou BruitParif. Les rapports de l’une et de l’autre se contredisent alors.

A titre d’exemple, dans un rapport d’étape[2] faisant le bilan de la période hivernale de 2016, l’IAU constate un report conséquent de la circulation, à la suite de la fermeture des voies sur berge rive droite:

« sur les deux principaux itinéraires de report (quais hauts et boulevard Saint-Germain), les augmentations de trafic sur l’ensemble de la journée demeurent toujours aussi significatives »

Cependant, questionnée par la Commission d’enquête publique en août 2016[3], la ville de Paris assurait :

« Le report principal de circulation sur le quai haut rive droite ne représentera qu’une partie limitée (moins de 25%) du trafic actuel du quai bas et, au global, les flux cumulés quais bas et quais hauts seront en baisse, entraînant également localement un impact positif sur la qualité de l’air comme le volet « air et santé » de l’étude d’impact le démontre.».

Face à ces résultats contradictoires, le dialogue semble stérile : tandis que Valérie Pécresse estime que les chiffres révèlent la gravité de la situation[4], les soutiens d’Anne Hidalgo les contestent et dénoncent une campagne de désinformation de la part de Présidente de la Région Ile-de-France[5].

 Mais au-delà de la méthode employée,  y a-t-il une véritable différence entre les chiffres ?

 

[1] Larousse en ligne

[2] Institut d’aménagement et d’urbanisme d’Ile de France (2017), Comité régional de suivi et d’évaluation des impacts de la piétonisation des voies sur berge rive droite à Paris – 3e rapport d’étape – Bilan septembre à décembre 2016, Paris, 32 p. Consulté le 12 avril 2017. Disponible sur : https://www.iau-idf.fr/fileadmin/DataStorage/SavoirFaire/NosTravaux/Amenagement/voiesberges/Rapport3-ComiteRegionVSB-19012017.pdf

[3] Mairie de Paris (2016), Rapport d’enquête – Enquête publique – projet d’aménagement des berges de seine rive droite a paris – du mercredi 8 juin 2016 au vendredi 8 juillet 2016 inclus, Paris, 104 p. Consulté le 12 avril 2017. Disponible sur https://api-site.paris.fr/images/84463.

[4] PIALOT D., « Voie sur berges : la guerre des chiffres », La Tribune, publié le 27 janvier 2017. Consulté le 31 mai 2017. Disponible sur http://www.latribune.fr/regions/ile-de-france/voies-sur-berges-la-guerre-des-chiffres-633663.html

[5] VAN EECKHOUT L., « Circulation à Paris, la guerre des chiffres », Le Monde, publié le 18 novembre 2016. Consulté le 31 mai 2017.