Dr Claude Leicher, Président du syndicat MG France

Le docteur Claude Leicher a participé à la formation du syndicat de médecins généralistes MG France dans son département de la Drôme en 1986. Il fait partie de MG France au niveau national depuis 1993 et en est le président depuis 2009.
Claude Leicher est aussi membre du Haut Comité pour l’Avenir de l’Assurance Maladie (HCAAM) qui est une instance de réflexion et de propositions qui contribue à une meilleure connaissance des enjeux, du fonctionnement et des évolutions envisageables des politiques d’assurance maladie depuis 2003.
En 2005, une première alerte lancée par l’agence du médicament sur l’un des médicaments contre la maladie d’Alzheimer pointant une surmortalité d’origine cardiovasculaire chez les patients traités le fait réagir et forge son positionnement pour le déremboursement de ces médicaments. En s’appuyant sur les rapports de la Haute Autorité de la Santé (HAS), sur le dossier pharmacologique des produits et sur la presse scientifique, le Docteur Leicher considère qu’un remboursement n’a plus lieu d’être.
En effet, selon lui, l’efficacité des médicaments contre la maladie d’Alzheimer n’est pas démontrée et les effets secondaires sont trop importants. Le déremboursement ne découragerait pas, d’après lui, les patients à rentrer dans un parcours de prise en charge. Il recommande l’utilisation de techniques non médicamenteuses telles que la stimulation cognitive mais également l’accompagnement des patients ainsi que l’aide aux aidants. Au sein du syndicat, le Docteur Claude Leicher nous apprend que les médecins pratiquent la « déprescription ». Il s’agit d’arrêter les médicaments après en avoir discuté avec le patient et sa famille qui sont généralement d’accord car conscients des risques induits par la prise de ces médicaments. Pour le Docteur Claude Leicher, la prévention des troubles cognitifs est très importante : il faut identifier les facteurs de risque et se concentrer dessus pour faire reculer de façon générale la pathologie.

Pr Mathieu Ceccaldi, Président de la FCMRR

Le professeur Ceccaldi est chef du service de neurologie à l’Hôpital de la Timone à Marseille. Il est également Président du conseil scientifique en sciences médicales de l’association France Alzheimer et maladies apparentées et Président de la Fédération nationale des Centres Mémoire de Ressources et de Recherche (FCMRR).

Il nous apprend que la recherche a aujourd'hui plusieurs objectifs : elle se concentre que les « disease modifiers » et non pas sur la recherche de traitements symptomatiques, elle met l’accent sur l’identification des facteurs de risques et sur l’importance des diagnostics précoces et enfin tente d’améliorer les conditions de vie du patients.

Le Professeur Ceccaldi se place contre le déremboursement des médicaments contre la maladie d’Alzheimer. Selon lui, les médicaments ont été mis sur le marché à partir d’études qui ont montré des effets modestes mais significatifs. De plus, les effets secondaires sont connus et contrôlés par les spécialistes qui prescrivent ces médicaments. Les améliorations dues à la prise de ces médicaments se voient dans le quotidien mais ne sont pas bien reflétées dans les études. Il n’y pas de prescription systématique car chaque patient est différent.
Il affirme également que 80% des spécialistes des différents CMRR en France considèrent que les traitements sont toujours efficaces. De plus l’argent économisé, selon lui, serait insuffisant pour permettre une réallocation dans l’aide humaine. Le professeur Ceccaldi déclare que la mise en route du traitement facilite l’intégration dans le parcours de soin et la compréhension d’Alzheimer comme une véritable maladie et non pas seulement un état lié au vieillissement. En ce qui concerne les techniques non-médicamenteuses, le Professeur Ceccaldi soutient qu’elles sont complémentaires à un traitement médicamenteux mais ne se suffisent pas à elles-mêmes. Le mot d’ordre est l’adaptation au patient selon lui et les possibilités de prise en charge non-médicamenteuses d’un patient restent environ neuf dixième de son travail.

Catherine Silva, Chargée de communication de LECMA

Catherine Silva est responsable de communication et de web marketing dans l’association LECMA Vaincre Alzheimer.
Elle est chargée de la diffusion d’informations concernant les actualités sur la maladie d’Alzheimer. Catherine Silva travaille en collaboration avec des médecins et des chercheurs pour fournir l’information écrite et vidéo sur les avancées de la recherche. Elle s’est engagée dans l’association car selon elle, la maladie d’Alzheimer est un véritable enjeu de santé publique. C’est une maladie qui fait peur et il y a un réel espoir chez les patients et leurs familles de trouver un traitement aujourd’hui. Elle se place contre le déremboursement des médicaments contre la maladie d’Alzheimer. Elle explique que les effets bénéfiques des médicaments ont été démontrés maintes fois par la recherche. Ces médicaments ont des effets symptomatiques différents d’un patient à l’autre. Cependant, pour certains patients, même si leur efficacité n’apparait pas sur le long terme, les médicaments permettent de vivre mieux pendant un certain temps. Elle rappelle qu’il faut bien évidemment prendre en compte le rapport coût/bénéfice et donc aller consulter un spécialiste qui fera cette évaluation. Selon elle, le déremboursement toucherait les classes sociales les moins aisées et donc creuserait les inégalités sociales. En effet les médicaments sont chers et la prise en charge non médicamenteuse l’est aussi ce qui revient à une somme très importante pour les familles. Le déremboursement pousserait les patients à refuser de se faire diagnostiquer. Catherine Silva confirme que les solutions non médicamenteuses sont de plus en plus nombreuses mais que leur efficacité n’est pas démontrée : leurs effets ne se remarquent qu’au cas par cas. Elle insiste également sur l’importance de la prise en compte des facteurs de risques qui jouent un rôle dans la prise en charge du patient.

Patrick Semenzato, Chef de projet évaluateur au service des médicaments de la HAS

Patrick Semenzato est chef de projet évaluateur au sein du service des médicaments de la Haute Autorité de la Santé (HAS). La mission du service des médicaments de la HAS est d’assurer le secrétariat scientifique de la Commission de Transparence. Il nous explique que la Commission de Transparence s’est auto-saisie pour réévaluer le Service Médical Rendu des médicaments (SMR). Elle a rendu un avis en 2016, qualifiant le SMR d’insuffisant, avis qui forgera la position de la HAS pour le déremboursement des médicaments contre la maladie d’Alzheimer. Les raisons pour lesquelles la Commission de transparence a rendu cet avis sont les suivantes : le traitement est uniquement symptomatique, l’efficacité des médicaments n’est pas significative par rapport aux placebos, la pertinence clinique est discutable et la transposabilité en vie réelle peu convaincante : les patients choisis pour les études n’étaient pas représentatifs par exemple.
De plus, Patrick Semenzato nous rappelle l’existence d’effets secondaires graves et grandissant avec la durée de plus en plus longue de la prise des médicaments. Il affirme que les études montrent des effets extrêmement modestes des médicaments et de plus, elles ne montrent rien sur l’amélioration des troubles du comportement, sur la qualité de vie ou encore sur la mortalité.
Mr Semenzato soutient que le déremboursement des médicaments contre la maladie d’Alzheimer ne constitue pas une perte de chance pour les patients et donc pas de dégradation dans leur prise en charge. De plus, il atteste que le médicament joue un rôle modeste et a une place peu importante dans la stratégie thérapeutique.