La question du déremboursement des médicaments est également une question de finances publiques. Toutefois, il ne s’agit pas de réaliser des économies pour la Sécurité Sociale (les sommes en jeux ayant une « incidence économique limitée sur les finances de la Sécurité sociale » selon l’association France Alzheimer, opposée au déremboursement), mais bien de trouver le meilleur usage de l’argent public pour soutenir les malades et leurs familles.

La première question est celle de l'évaluation de l'efficacité médico-économique de ces produits. Il s'agit de savoir si le remboursement des médicaments est une mesure d’aide financière efficace, à savoir si le coût qu’il représente pour la Sécurité Sociale « vaut le coup », ou bien s’il serait plus judicieux d’allouer ce montant à une autre forme de soutien aux patients, en aide humaine par exemple.

Or pour déterminer quel mode de soutien privilégier et aider les individus là où ils en ont le plus besoin (prise en charge à domicile, frais d’hébergement en institutions, traitements, etc), il est également nécessaire de déterminer la structure du coût de la maladie pour les patients et leur famille.

Enfin, pour voir le jour et être évaluable en termes d’efficacité, toute mesure prise par les pouvoirs publics doit faire l’objet d’un suivi rigoureux mais difficile à mettre en place, pour déterminer d’une part les moyens financiers qui peuvent être levés et d’autre part s’assurer que les dépenses sont effectivement allouées aux postes initialement prévus.

Quel coût du remboursement pour la Sécurité Sociale ?

La première incertitude qui complique la prise de décision concerne le coût même du remboursement des médicaments pour la Sécurité Sociale. En effet, on a pu lire dans la presse une multiplicité de chiffres. 

Dans un article de La Tribune du 20 juillet 2011, on apprend que selon IMS, une entreprise de conseil pour les industries du médicament et les acteurs de la santé, le marché français a représenté en 2010 « environ 280 millions d’euros ». D’après un rapport de la Cour des Comptes évaluant le Plan Alzheimer 2008-2012, publié en février 2013, les médicaments contre l’Alzheimer représentaient « pour l’assurance maladie une dépense qui, selon la direction générale de la santé, devrait être de l’ordre de 380 millions d'euros en 2012 ». Le syndicat de médecins MG-France enfin, favorable au déremboursement, avançait en octobre 2016 dans un article de La Croix  que ces molécules coûtaient  « 130 millions d’euros tous les ans à l’assurance-maladie ».

Pourquoi tant de divergences dans les chiffres ? Selon le rapport de Michel Clanet en 2017, qui fait un compte rendu de la situation du parcours de soin pour les malades d'Alzheimer, « la diminution du coût observée depuis 2011»  serait due à deux facteurs : « la diminution de la prescription et la générification ». En effet, en 2011, la Commission de la Transparence de la Haute Autorité de Santé (HAS) dégrade pour la première fois le Service Médical Rendu, d’« important » à « faible », et demande dans ses recommandations de bon usage un suivi plus régulier de l'utilité de ce traitement sur le patient, ce qui a eu pour conséquence une diminution du nombre de prescriptions.  D'autre part en 2012, le prix des quatre médicaments a été baissé par le CEPS (Comité Economique des Produits de Santé, chargé de fixer les prix des médicaments en France), à hauteur de 28% pour les médicaments génériques et 18% pour ceux étant encore sous brevet.

L’association France Alzheimer estime que 3 millions de Français (9 millions d'Européens) étaient directement ou indirectement (la famille d'un malade, par exemple) touchés par la maladie d'Alzheimer en 2016. Plus de 850.000 personnes en sont atteintes et près de 225.000 nouveaux cas sont diagnostiqués chaque année.

L'étude « Combien coûte la maladie d'Alzheimer ? » réalisée en 2015 par la Fondation Médéric Alzheimer évaluait à 5,3 milliards d'euros le coût annuel de la maladie d'Alzheimer en France.

 

Du fait du vieillissement de la population observé de nos jours dans les pays développés, la maladie d'Alzheimer et les démences apparentées deviennent un enjeu majeur des politiques de santé publique à l'échelle mondiale.

On estime ainsi qu'il y aurait dans le monde 24,3 millions de déments chez les sujets âgés de plus de 60 ans. Il devrait y avoir 4,6 millions de nouveaux cas chaque année, soit un cas toutes les sept secondes. Ce chiffre doublera tous les vingt ans, pour atteindre 81,1 millions en 2040.

En 2015, un rapport de l’organisation Alzheimer’s Disease International estimait à 733 milliards d’euros le coût annuel de la maladie dans le monde, ce qui représentait plus de 1 % du PIB mondial.

Réalisé par Marchal et Fourgous

Selon le professeur Olivier Saint Jean, porte parole de la Commission de la Transparence de la HAS, dans Les Echos le 21 janvier 2016, sur les 850 000 malades d’Alzheimer en France, « seuls 30 000 à 40 000 patients consomment encore ces médicaments ». L’article ajoute que « chaque année le nombre de patients traités chute de 10% ». Le coût pour la sécurité sociale diminue donc avec eux. 

« Le coût moyen remboursé d’une boite de traitement est passé de 78,6 € en 2011 à 35.8 € en 2015. Le montant total (montant tous régimes) de remboursement pour ces médicaments est passé de 205.7 M€ en 2012 à 90.3 M€ en 2015. »

Source : rapport Clanet 2017. 

Etat des lieux de l’utilisation en vie réelle des quatre médicaments. Source: rapport Clanet 2017

Ce qui a pu précipiter cette baisse de coût pour l’Etat provient peut-être de la diminution du taux de remboursement des médicaments en 2011, passant de 65 à 15%. Cependant, la prise en charge à 100% des patients en ALD (Affection Longue Durée) exonérante avait été maintenue. C’est elle qui est prioritairement remise en cause aujourd’hui par la volonté de déremboursement.

Certaines affections de longue durée (ALD) sont dites « exonérantes », c'est-à-dire qu'elles permettent une prise en charge à 100% des soins par la Sécurité Sociale, car leur gravité ou leur caractère chronique nécessite un traitement long et très coûteux. La demande doit être effectuée tous les 5 ans auprès du médecin traitant, qui transfert le dossier à la Sécurité Sociale : c’est ensuite elle qui évalue chaque dossier au cas par cas.

« Cette reconnaissance permet une prise en charge à 100 % des soins, traitements ou examens en lien avec la pathologie et elle s’applique aux actes et prestations remboursables dans la limite des tarifs de la sécurité sociale :

La prise en charge orthophonique ;

La prise en charge par une Equipe Spécialisée Alzheimer (ESA) ;

La prise en charge infirmière, libérale ou par un service de soins infirmiers à domi­cile (SSIAD) ;

La prise en charge en hôpital de jour ;

Les consultations médicales et les traitements médicamenteux en lien avec l’affection ;

La prise en charge des transports à l’hôpital. »

Source: Site de France Alzheimer

Selon le rapport Clanet 2017, 32% des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer ou de symptômes apparentés sont actuellement pris en charge au régime d’ALD.

L'évaluation médico-économique

L’évaluation médico-économique est définie par un rapport de l'Inspection Générale des Affaires Sociales (IGAS) datant de décembre 2014 comme une méthode qui « consiste à mettre en regard les bénéfices cliniques d’une stratégie de soins, d’une technologie ou d’un produit de santé et ses coûts, en les comparant à des alternatives, en vue d’une allocation optimale des ressources disponibles ».

En Angleterre, l’évaluation médico-économique des technologies de santé existe depuis les années 1990. Le National Institute for Health and Care Excellence (NICE) est ainsi chargé de produire des analyses en termes de coût-efficacité des médicaments et traitements disponibles sur le marché; et ce sont ces dernières qui déterminent le niveau de remboursement de ces produits par le National Health Service (NHS, équivalent de la sécurité sociale en France).

La décision est prise en fonction d’un seuil monétaire, qui met en rapport  l’efficacité thérapeutique additionnelle et le supplément de coût induit par un certain produit de santé, en comparaison d'un produit référence. Les bénéfices du traitement sont exprimés en quality-adjusted-life-years (QALY), qui correspondent aux années de vie gagnées pour un patient, en les pondérant par leur qualité (sur une échelle de 0 à 1). Le seuil d'efficience est fixé depuis 2004 sous la forme d’un intervalle de 20 000 à 30 000 £ par QALY.

C'est sur la base d'une telle évaluation que le NICE a annoncé en 2005 la fin du remboursement par le NHS du Donepezil, de la Rivastigmine et de la Galantamine. Cependant, en janvier 2011, sur la base d'un rapport d'étude de PenTAG (qui use notamment d'un nouveau modèle économétrique pour mesurer le rapport coût-efficacité), le NICE revient sur sa décision.

En France, l’évaluation médico-économique des produits de santé n’est pratiquée que depuis 2012, date à partir de laquelle un "avis d'efficience" émis par la commission de l'évaluation économique et de santé publique (CEESP) de la HAS peut être pris en compte lors de la négociation du prix des médicaments par le Comité Économique des Produits de Santé Publique (CEPS). Cette évaluation n’intervient donc pas pour déterminer le niveau de remboursement des produits de santé. 

Sa place dans les prises de décisions est encore très réduite et a avant tout une valeur consultative et informationnelle, car c’est encore l’approche médicale qui prédomine dans les avis rendus par la HAS.

Ces dépenses valent-elles le "coût" ?

La question qui suit est de savoir si autant de dépenses sont médicalement efficaces, c'est-à-dire si elles valent leur coût.

Les études médico-économiques sur le rapport coût-bénéfice des médicaments anti-Alzheimer font défaut. La Cour des Comptes, dans un rapport de 2013, déplore ce manquement et demande à la HAS de réaliser une étude médico-économique sur l'apport de ces médicaments « au regard de leur coût pour la collectivité ». Ce genre d'études, fréquentes en Angleterre mais encore peu utilisées en France, aideraient à la prise de décision en « rationnalisant » les dépenses de santé (cf. encadrés déroulants à gauche).

Malgré l'absence d'évaluation médico-économique fiable, les acteurs se contredisent sur l'intérêt de telles dépenses pour le remboursement des médicaments, notamment car ces sommes pourraient être réallouées de manière plus judicieuse.

Le rapport Clanet met ainsi en évidence le fait que le débat autour du déremboursement ne concerne pas la réalisation d'économie pour l'Etat, car en cas de déremboursement, l'argent serait réinvesti ailleurs :

« La confirmation de la décision de déremboursement de ces médicaments conduirait de fait à une diminution des dépenses de santé évaluée en 2015 à 90 000 K€ (CNAM). Dans ce cas de figure, la communauté Alzheimer est unanime pour considérer comme essentiel le report budgétaire équivalent à cette dépense, selon des modalités à étudier, vers le financement des actions destinées à améliorer le parcours des patients. ».

La Commission de la Transparence de la HAS souhaite ainsi réallouer les sommes dépensées pour le remboursement des médicaments anti-Alzheimer vers les aides-soignants et les accompagnements para-médicaux. De même, le professeur Leicher, président du syndicat des médecins généralistes MG France, propose une

« solution de répit, le patient reste chez lui, mais de façon périodique il est accueilli dans un endroit où on s’en occupe bien et où on le stimule. Il faudrait aussi apporter des aides financières aux familles, car dans une famille avec une personne atteinte de troubles cognitifs, il faut parfois adapter les logements, le lieu de vie (salle de bain). Il faut également avoir une aide-ménagère, une infirmière qui viennent s’occuper des patients. »

 

En revanche, pour Mathieu Ceccaldi, directeur de la Fédération des Centres Mémoire de Ressources et de Recherche, la somme qui pourrait être économisée par le déremboursement ne serait pas suffisante pour être réallouée au soutien des soins informels ou para-médicaux. Ainsi, une boite de médicaments coûte entre 40 ou 50 euros par mois. 

« Si on traduit ça en aide humaine, cela doit faire trois ou quatre heures d’aide par mois : c’est ce qui va aider les gens ? ».  

Ainsi, si le soutien financier de l'Etat pour la totalité du parcours de soin (notamment l'aide aux aidants) est bien nécessaire, il semble que celui-ci nécessite un investissement plus conséquent que celui permis par les économies du déremboursement. Le Plan Maladies Neurodégénératives 2014-2017 lancé par Marisol Touraine met ainsi l'accent sur les enjeux de prise en charge médico-sociale et notamment sur le soutien des proches-aidants.

Quel coût pour les patients eux-mêmes ?

Les incertitudes liées à l’efficacité médico-économique des médicaments soulèvent à leur tour des incertitudes sur le coût même de la maladie pour les patients. Il s’agit donc de déterminer trois éléments cruciaux pour toute prise de décision :

  • le coût du traitement médicamenteux journalier ou mensuel
  • la place du coût des médicaments dans le coût total de la maladie pour les malades
  • les inégalités sociales vis-à-vis de ces coûts.

Tout d’abord, il est très difficile d’estimer le coût journalier du traitement médicamenteux pour un malade, puisqu’il n’existe pas de profil type. Le coût individuel dépend ainsi de la gravité de la maladie, du type de médicament adapté au profil du patient, et s’il est pris sous forme générique ou non. Il faut également prendre en compte son affiliation (ou non) au régime de longue durée (ALD), qui rend possible un remboursement pris en charge à 100% par la sécurité sociale (voire encadré plus haut).

Le tableau à droite indique les prix actuels des boîtes des médicaments, tel qu’on peut les trouver dans une pharmacie du 5ème arrondissement de Paris choisie au hasard. De ces prix doivent être déduits les 15% remboursés par la sécurité sociale (selon le contrat de mutuelle, la prise en charge peut aller jusqu’à 80%).

Prix actuels des médicaments dans une pharmacie choisie au hasard

Données tirées de l'observation des prix dans une pharmacie du 5ème arrondissement de Paris choisie au hasard le 12 juin 2017.

Ces données ne donnent cependant pas un accès direct au coût journalier du traitement : dans un avis de janvier 2009, la Haute Autorité de la Santé donne l’estimation suivante (ce sont les données de ce type les plus récentes à ce jour, or les prix des médicaments ont baissé depuis).

Source : recommandation de bon usage des médicaments par la HAS en Janvier 2009

Au-delà du coût du traitement médicamenteux en lui-même, les dépenses engendrées par Alzheimer sont multiples pour un malade. L’apport d’un soutien financier par les pouvoirs publics est donc d’autant plus nécessaire, qu’il passe ou non par le biais du remboursement des médicaments.

L’étude socio-économique GERAS, mise en avant par la l'association France Alzheimer, association de malades se plaçant contre le déremboursement, a évalué sur une durée de 36 mois de l’évolution des coûts supportés par les malades et leur famille en France, en Angleterre et en Allemagne. Prenant en compte les coûts directement médicaux (hospitalisation, traitements, visites chez les professionnels de santé), médico-sociaux (aide à domicile, transports), le coût de l’aide informelle et de l’institutionnalisation, elle met en avant le déséquilibre dans la structure du coût : ainsi, seulement 10% des frais seraient des dépenses médicales.

Dans la même lignée, une étude de 2014 menée par des chercheurs de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique a montré la part prédominante des soins non-médicamenteux et tout particulièrement du « soin informel », aussi appelé aide humaine, c’est-à-dire de la prise en charge du malade par les aidants familiaux qui ne sont pas directement payés. Or cette aide a bien un coût, et la difficulté de son évaluation fait qu’il est parfois laissé de côté dans les études économiques du coût. Ici, l’étude a pris le parti de combiner deux modes d’évaluation, à savoir la méthode du coût d’opportunité (évaluer la valeur de l’aide en comparant au montant que l’aidant aurait pu gagner en travaillant plutôt qu’en s’occupant du patient) et celle du « proxy good » (qui consiste à faire l’approximation du prix d’un tel service sur le marché).

La question du coût pose enfin une question des inégalités face à ces coûts.

Selon Catherine Silva, chargée de communication à l’association de familles et de patients LECMA Vaincre Alzheimer, « dérembourser creuserait encore plus les inégalités sociales. C’est toujours les mêmes personnes qui peuvent bénéficier des médicaments, et ce n’est pas normal. »

« Nous avons fait une enquête : environ la moitié des Français refuseraient de se faire diagnostiquer s’ils ressentaient des symptômes de la maladie, et ce à cause du coût des médicaments. »

 

Catherine Silva, chargée de communication LECMA Vaincre Alzheimer

Le soutien financier apporté aux familles et aux patients doit ainsi également prendre en considération le milieu socio-économique des malades, car celui-ci influe beaucoup sur les coûts selon l'Institut Belge pour l’Economie de Santé (IBES). Ainsi en France, le montant de l'aide versée par l'Etat aux personnes en situation de dépendance de plus de 60 ans (donc notamment les malades d'Alzheimer), l’Allocation Personnalisée d’Autonomie (APA), varie selon le niveau de revenu du demandeur.

Cependant, l'APA sert uniquement à rémunérer le soin informel et les dépenses non-médicamenteuses: elle ne peut donc pas être utilisée comme moyen de lutter contre les inégalités face aux prix des médicaments. De plus, selon l’étude citée plus haut de l'Ecole des Haute Etudes en Santé Publique, elle ne permet de couvrir en moyenne qu’un cinquième des coûts totaux des patients.

La grille aggir & l'Allocation Personnalisée d'Autonomie 

Pour bénéficier de l'APA, il faut être éligible selon des critères définis par la grille Aggir (Autonomie, Gérontologie, Groupes Iso-Ressources), qui évalue le degré de dépendance du demandeur, et le niveau d'aide dont il a besoin.  Elle classe ainsi les individus en six groupes d'"iso-ressources" (Gir), qui correspondent chacun à un montant d'aide.

Elle s’appuie sur 17 critères :

  • Dix qui évaluent les capacités à accomplir des activités corporelles et mentales, et qui permettent de déterminer le Gir
  • Sept variables "illustratives" qui servent à orienter le plan d’aide adapté au profil de l’individu.

En 2012, Marisol Touraine demande à un comité de scientifiques de réévaluer la pertinence de l’échelle Aggir pour cibler les personnes les plus nécessiteuses, afin de s'assurer qu'elle permet de réduire les inégalités économiques d'accès aux soins. Des économistes français et irlandais réalisent alors une étude (publiée en 2014) qui confirme que les dépenses pour les soins sont plus élevées chez les patients éligibles à l’APA. 

La difficulté d'effectuer un suivi financier des mesures publiques

Au delà de savoir où allouer l'argent public en priorité pour soutenir les malades d'Alzheimer et leurs familles (médicaments, institutions, recherche, soutien aux aidants), le suivi financier des mesures budgétaires en lui même est complexe à réaliser.

Source : Pexels (libre de droits)

Cela nécessite tout d'abord de pouvoir estimer le montant des ressources que l'on peut mobiliser. Pour cela, les pouvoirs publics peuvent s'appuyer sur des études économétriques qui évalue la « willingess to pay » (propension à payer) des individus, c'est à dire l'ordre de grandeur de prix qu'ils sont prêts à payer pour acquérir et consommer un bien ou un service donné. Le but ici est donc de déterminer la disposition des citoyens à payer plus d'impôts pour permettre le développement de traitements contre Alzheimer, même lorsqu'eux-mêmes ne sont pas directement concernés par la maladie. Une étude réalisée par des chercheurs de l'Université d'Hamilton au Canada a ainsi montré que les individus interrogés étaient en moyenne disposée à verser 99,19$ d'impôt supplémentaire pour permettre le financement d'un traitement symptomatique de la maladie avec 30% de chance d’effets secondaires, et 130,26$ pour un traitement guérissant la maladie et sans effets secondaires.

Il faut en outre assurer un suivi financier régulier des mesures prises, afin de pouvoir évaluer leur rapport coût-efficacité. Dans son rapport public annuel de février 2013 dédié au Plan Alzheimer 2008-2012, la Cour des Comptes (CC) regrette que les deux premiers plans nationaux pour lutter contre la maladie (2001-2004, puis 2004-2007) n'aient "fait l'objet d'aucun chiffrage prévisionnel global lors de leur lancement ni non plus à leur expiration, d’évaluation précise de l’effort supplémentaire qu’ils ont représenté". Pour le plan 2008-2012, un chiffrage provisionnel avait été réalisé, mais il s'est "révélé approximatif, car réalisé selon des méthodologies différentes par les administrations concernées" (toujours selon la CC), ce qui a rendu difficile l'évaluation de l'effort financier effectivement consenti.

Conclusion

On voit donc comment la question du remboursement des médicaments contre Alzheimer ouvre un débat sur la meilleure manière d’allouer les ressources publiques pour aider les malades et leur famille. Pour cela, il faut pouvoir évaluer le  coût que représente le remboursement pour la Sécurité Sociale au regard des bénéfices qu’il apporte à la population concernée, ce qui nécessite des évaluations médico-économiques rigoureuses, qui font encore défaut pour le moment.

Cependant, comme la structure du coût de la maladie du point de vue des individus semble déséquilibrée vers les dépenses non-médicamenteuses, la communauté Alzheimer (associations, chercheurs et organismes publics) est unanime pour dire qu’il faut fournir un meilleur soutien financier aux dépenses médico-sociales comme l’aide humaine. Simplement, certains acteurs comme la HAS considèrent que ces dernières doivent se substituer au remboursement des médicaments, alors que d’autres, comme les associations de patients France Alzheimer et LECMA Vaincre Alzheimer, ou encore la Fédération des CMRR, pensent que ces deux mesures sont complémentaires car le coût du remboursement est minime pour la Sécurité Sociale.

Ainsi, comme le souligne le Pr. Ceccaldi lors de l'entretien que nous avons réalisé avec lui, ces médicaments « coûtent de moins en moins à la solidarité nationale », du fait de la diminution du nombre de prescriptions (voir plus haut). En effet, depuis les recommandations de bon usage des médicaments données par la HAS aux médecins généralistes en 2011 suite à la première réévaluation du SMR, les médicaments ne sont plus prescrits systématiquement et font l'objet d'un suivi régulier des effets apportés au patient. En cas d'inefficacité, le traitement n'est pas renouvelé. Plutôt que de parler d'une efficacité « universelle » qui s'applique à tous les malades, les médecins des CMRR mettent donc en avant une efficacité qui doit s'appréhender au cas par cas, pour chaque malade : ce point est l'objet du dernier nœud de notre controverse.

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