Les médicaments s’inscrivent dans un parcours de soin de la maladie d’Alzheimer, car selon certains acteurs comme le Professeur Ceccaldi, membre du bureau de la Fédération des Centres Mémoire de Ressources et de Recherche (CMRR) (centres qui exercent une activité de recherche clinique et de formation sur la maladie d'Alzheimer) ils permettent au patient de rentrer dans un parcours de prise en charge. Mais pour d’autres acteurs, comme le docteur Claude Leicher du syndicat MG France, les alternatives non-médicamenteuses, comme par exemple des mesures de l’ordre de l’accompagnement social, seraient plus efficaces et ne constitueraient pas un « abandon » des malades.

De cette façon, la question de la prise en charge médicamenteuse ou non est un enjeu pour les différentes parties prenantes parce qu’elle contribue à prôner des parcours de soin différents. Cette question souligne l’enjeu des traitements alternatifs ou encore la difficulté pour un patient de se sentir intégré dans un circuit de prise en charge. Mais la question de l'efficacité de ces techniques non-médicamenteuses est débattue. 

La nécessité du médicament pour rentrer dans un parcours de prise en charge

Plusieurs acteurs contre le déremboursement des médicaments anti-Alzheimer, comme les associations de malades et de familles et les représentants des CMRR, mettent en avant le risque que le déremboursement ait pour effet de diminuer le nombre de diagnostic, voire qu’il implique des sorties du circuit de prise en charge, et donne au patient le sentiment de se sentir abandonné

Le parcours de soin peut se définir comme l’enchaînement adéquat des différentes compétences professionnelles liées aux soins que sont les consultations, les interventions techniques ou biologiques, le traitement médicamenteux et non médicamenteux ou encore la prise en charge médico-sociale.

 

D'après le rapport du professeur Clanet « Quel parcours pour la personne atteinte de la maladie d'Alzheimer » du 11 avril 2017, « le déremboursement est un signal négatif envoyé à la collectivité des patients avec risque de démédicalisation et désintérêt de la prise en charge, argument fortement ressenti par les associations ».

En effet, pour l’association des familles France Alzheimer et maladies apparentéesla prescription des médicaments est primordiale, car cela incite les personnes à consulter et à se faire diagnostiquer. 

« Il faut se souvenir de l’époque d’avant les médicaments. Dans l’immense majorité des cas, la maladie n’était pas diagnostiquée (…). L’arrivée du premier médicament, l’Aricept en 1994, a permis de mieux structurer la prise en charge et surtout a favorisé le diagnostic. Car les familles sont allées consulter. », Brigitte Huon, vice présidente de l'association France Alzheimer et maladies apparentées , dans un article de La Croix du 28 Octobre 2016

 

« On peut le regretter mais c'est souvent ainsi que cela fonctionne. Sans médicaments, certaines maladies ont du mal à exister. C'est quand une molécule arrive qu'on voit s'organiser des congrès médicaux, que des groupes de personnes se fédèrent pour en parler », Professeur Le Jeunne, dans une interview du journal La Croix du 22 Novembre 2016 

En effet, le médicament est associé au diagnostic et permet une meilleure structure de la prise en charge du patient. Sans médicament, les patients risquent de moins consulter un médecin. Le médicament vient en quelque sorte donner de la « consistance » à la maladie. Il permet au moins la mise en place de soins paramédicaux : les consultations-mémoire, l’accompagnement, la stimulation cognitive, par exemple.

Cet argument a aussi été soutenu par le professeur Mathieu Ceccaldi, membre des CMRR, lors de notre entretien. Ce dernier estime que « la mise en route du traitement facilite l’intégration au parcours de soin ».

Mais ce n’est pas seulement du côté des patients qu’une rupture dans la démarche médicale s’opèrerait suite au déremboursement. Le déremboursement des médicaments provoque aussi une rupture de la part des médecins et un « désinvestissement du corps médical » selon le Docteur et gériatre Christophe Trivalle. En effet, dans une interview du 21 Octobre 2016 donnée à La Tribune, ce dernier affirme que« sans médicament, un médecin ne s’intéresse plus à une maladie ». On voit donc que le problème est double et réciproque. De plus, retirer ces médicaments du marché irait à l’encontre de la recherche, car cela freinerait l’initiative médicale.

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De plus, toujours selon le Docteur Trivalle, aucun pays n'a encore déremboursé de médicaments anti-Alzheimer. La France serait ainsi le premier à le faire, et cela pourrait envoyer un très mauvais signal et pourrait même aller jusqu'à provoquer la « disparition » de la maladie d'Alzheimer selon lui. 

« Si on supprime ces médicaments, la France sera le premier pays qui verra ainsi disparaître la maladie d'Alzheimer, car plus personne ne fera de bilan diagnostique pour une pathologie sans aucun traitement. Et on en reviendra à la démence sénile et au bon vieux gâtisme d'antan », article du Docteur Christophe Trivalle, Le Monde, 20 Septembre 2011.  

« Ce qui nous inquiète en fait (…) c’est qu’il y a une position qui consisterait à faire de la maladie d’Alzheimer une maladie à part, pour laquelle il n’y aurait pas intérêt à proposer une prise en charge médicale. Et c’est presque idéologique ; il y a des médecins qui défendent l’idée que médicaliser ne sert à rien, voire serait néfaste. Il y a l’idée que l’Alzheimer ne serait pas une maladie, mais que c’est un état lié au vieillissement que l’on médicalise trop, et que c’est dangereux de médicaliser. Mais pour nous, la médicalisation est indispensable », extrait de notre entretien avec le Professeur Ceccaldi.

 

Lors de notre entretien, le professeur Ceccaldi a critiqué la vision fataliste selon laquelle la maladie d’Alzheimer ne serait pas une maladie mais un état lié au vieillissement. Il affirme que s’il est d’accord pour progresser dans la médicalisation et améliorer les médicaments, il ne souhaite pas la démédicalisation, car cela signifierait tirer un trait sur tous les progrès effectués jusqu’à présent.  « Aujourd’hui, on arrive à diagnostiquer de manière plus précoce, à aider les patients et les aidants familiaux davantage que l’on ne le faisait quand on n’avait pas encore ces traitements ».
Selon lui, les traitements médicamenteux forment un petit ensemble au sein du parcours de soin, et ont donc une place importante.

 

De plus, le professeur Ceccaldi souligne que pour lui, il existe une vision néfaste des spécialistes dans l’opinion publique, qui seraient présentés dans les médias comme « des gens vendus à l’industrie pharmaceutique dont l’obsession est de prescrire des médicaments qui tuent ». Mais pour Ceccaldi, « cette présentation caricaturale est absurde, parce qu’elle occulte la possibilité de travailler ensemble et d’avoir une attitude constructive ».

L'entrée dans un parcours de soin ne nécessite pas forcément de médicaments

Mais les acteurs favorables au déremboursement des médicaments (Collège de la Médecine Générale, HAS...)  considèrent que ceux-ci ne sont pas nécessaires pour faire rentrer les patients dans un parcours de soin. En présentant la France comme un pays sur-consommateur de médicaments, ils mettent plutôt en avant des alternatives non-médicamenteuses, et présentent les médicaments comme inefficaces, dangereux, et non nécessaires pour rentrer dans un parcours de prise en charge. Certains médecins dénoncent ainsi « l’effet placebo du médicament », comme par exemple le Docteur et auteur du blog « Pour raisons de santé » Luc Perino, pour qui le médicament s’adresse en effet plus aux familles qu’aux patients, car il vient rassurer les familles. (« Alzheimer : cacophonie sur les médicaments », Le Monde, 7 novembre 2016). 

Le Professeur Olivier Saint-Jean, membre de la Commission de la transparence de la Haute Autorité de la Santé (HAS), institution publique indépendante qui contribue à la régulation du système de santé, dénonce un problème typiquement français selon lui : l’omniprésence des prescriptions médicamenteuses dans le système de santé, et la dépendance des malades eux-mêmes aux médicaments. Il se place contre l’argument des opposants au déremboursement consistant à dire que s’il n’y a plus de médicaments, il sera plus difficile pour les malades d’entrer dans un système de prise en charge. Pour lui, c'est faux : en France, les malades ont droit à l’allocation personnalisée d’autonomie (APA, qui est une aide accordée par l'Etat aux personnes qui ne sont plus autonomes pour pouvoir engager des tiers-personnes qui viennent chez eux pour les aider, les sortir etc.), même sans prendre de médicament. Il dénonce une prescription des médicaments trop automatique en France et propose d’autres types de solutions non médicamenteuses : des ateliers de stimulation cognitive, l’art-thérapie ou encore la sensibilisation des aidants.

« Maintenant, nous avons une prise en charge globale que l'on peut proposer, avec les centres de séjour, les centres de mémoire, les équipes à domicile. Rien ne justifie la poursuite de la prescription de médicaments inutiles. », Olivier Saint-Jean, dans une interview de Libération du 21 septembre 2015

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Pour les acteurs favorables au déremboursement des médicaments (HAS, MG France...), une absence de médicament n’empêcherait pas la prise en charge des patients. Par exemple, le Professeur Bergmann conteste l’argument de Brigitte Huon pour qui l’existence d’un médicament est primordiale pour entrer dans un parcours de prise en charge. Selon lui, « il y a encore cette idée dans la profession que si on ne prescrit rien, on est un mauvais médecin » (interview donnée à La Croix le 22 Novembre 2016). Mais il refuse de dire qu’une prise en charge ne peut se mettre en place qu’à partir du médicament, en prenant l’exemple de l’obésité : il n’existe pas de médicaments pour soigner l’obésité, mais pourtant, les personnes concernées viennent en consultation et sont prises en charge.  

« Il n’y a pas d’arguments solides pour considérer que ne plus prescrire ces médicaments constitueraient une perte de chance », extrait de notre entretien avec Patrick Semenzato, membre de la HAS.

 

Contre l’argument des opposants au déremboursement comme les associations ou les Centres Mémoire de Ressources et de Recherche, pour qui la prescription de médicaments est primordiale pour rentrer dans un parcours de soin, la HAS répond que si elle avait considéré que ces médicaments pouvaient jouer un rôle dans la prise en charge, elle en aurait pris compte dans sa décision. Lors de notre entretien avec Patrick Semenzato, membre de la Haute Autorité de la Santé, ce dernier a affirmé que dans son évaluation du médicament, « la Commission de la transparence n’a pas considéré que le fait que ces médicaments ne soient plus pris en charge pourrait constituer une perte de chance pour les patients, donc en pratique justement une dégradation de la prise en charge ».


De même, pour le syndicat de médecins généralistes MG France, le déremboursement des médicaments ne va absolument pas décourager les patients à rentrer dans un parcours de prise en charge. Lors d’un entretien avec le Docteur Claude Leicher, président du syndicat, ce dernier nous a affirmé que l’on peut « tout aussi bien traiter les patients en utilisant des stimulations cognitives, en ayant recours aux capacités intellectuelles », avec par exemple des activités de lecture, de mots croisés qui permettent de garder la mémoire plus longtemps, ou en gardant le patient inséré dans un milieu de vie qu’il connaît pour ne pas aggraver son état. Le seul traitement possible pour le Docteur Leicher qui n’est pas alternatif, est l’accompagnement des patients. Et pour cela, « il faut aider les aidants », notamment avec les aides à domicile, car ce sont eux qui jouent le rôle principal dans l’amélioration de l’état des malades.

 

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« La HAS dit des choses qui donne l’impression à France Alzheimer qu’on ne veut plus s’occuper des patients. Pour cette association, il s’agit de dire que la prescription de médicaments est le mode d’entrée dans la prise en charge ; mais on peut rentrer en prise en charge sans avoir recours aux médicaments », extrait de notre entretien avec Claude Leicher, président du syndicat MG France.

Le représentant du syndicat MG France milite plutôt pour la « déprescription », qui a pour but d’arrêter les médicaments, après en avoir discuté avec le patient et sa famille et avec leur accord. Pour le Docteur Leicher, « généralement, cela ne pose pas de problèmes : tout le monde est conscient qu’il y a des risques avec les médicaments ».

 

En ce qui concerne la question de la crédibilité du médecin, le Docteur Leicher avance que si un médecin qui ne prescrit pas peut être décrédibilisé aux yeux des patients, il en va autrement auprès de la communauté scientifique. De surcroît, cette vision des choses a beaucoup évolué aujourd’hui aux yeux des patients. Sur les cinquante dernières années, le médecin intervenait surtout dans les maladies aigües, qui impliquaient pratiquement toujours un traitement et une guérison. Dans la majorité des cas, le médicament qui permettait de stopper la maladie était efficace. « Le médecin et le médicament avaient une image très positive ». Mais aujourd’hui, « les médecins font face de plus en plus à des maladies chroniques, dues au vieillissement. Pour ces maladies, les médicaments ne sont pas autant efficaces, et c’est pourquoi ils sont beaucoup moins prescrits ». De plus suite à des scandales comme l’affaire du Mediator les gens ont pris conscience que les médicaments pouvaient être dangereux. Aujourd’hui, les mentalités sont en train de changer, et « on​ assiste ainsi à un renversement progressif dans la population de cette idée là qu’un médecin doit absolument prescrire des médicaments​ ».

Qu'est-ce que l'affaire du Mediator ? 

Il s'agit d'un scandale ayant éclaté en 2010, lorsque quatre plaintes ont été déposées contre le laboratoire Servier qui commercialisait le médicament Mediator. La famille d'un patient décédé et un autre patient s'estimant victime de la prise de benfluorex, la molécule du médicament, ont déposé plainte contre X au Tribunal de grande instance. 

Le Docteur Leicher estime ainsi que ce scandale doit être une leçon pour les autorités publiques, et qu'il faudrait veiller à ce qu'il ne se reproduise pas avec les médicaments anti-Alzheimer.

L'efficacité des traitements non-médicamenteux en débat

Mais les soins non-médicamenteux contre la maladie d’Alzheimer sont-ils assez développés en France ? Ont-ils prouvé leur efficacité ?

Lors de notre entretien avec l’association LECMA-Vaincre Alzheimer, Catherine Silva, chargée de communication de l'association, nous a affirmé qu’il existe de plus en plus de solutions non médicamenteuses, surtout pour traiter les troubles comportementaux liés à la maladie, comme l’agressivité. « Mais l’efficacité de ce type de prise en charge n’a pas encore été suffisamment prouvé scientifiquement, hormis le sport. Cela dit, les effets se remarquent au cas par cas, quand on parle aux patients ».

L’efficacité de ces traitements non-médicamenteux est ainsi un point sur lequel les différents acteurs de la controverse s’opposent.

« Les approches thérapeutiques non-médicamenteuses sont très peu développées en France et leur évaluation satisfait rarement à la rigueur imposée dans les essais thérapeutiques médicamenteux », extrait du Plan Maladies Neurodégénératives de 2014-2019.

Le programme du Plan Maladies Neurodégénératives (PMN) 2014-2019 déplore le manque de sérieux de l'évaluation de l'efficacité des alternatives non-médicamenteuses.

Il préconise de tester plus rigoureusement l’efficacité des mesures proposées selon les standards de la recherche en biologie avec des « interventions randomisées contrôlées ». Ainsi, il est connu de manière pratique que certains facteurs comportementaux ralentissent l’évolution des maladies neurodégénératives : la marche ou l’exercice physique, le nombre d’interactions sociales dans une journée, le traitement des dépressions associées. De nombreuses méthodes de prise en charge thérapeutique non-médicamenteuse sont également proposées, incluant la stimulation cognitive, le Yoga, le Tai-chi, la danse, la musicothérapie. Selon le rapport, comprendre les mécanismes sous-jacents à ces améliorations offrirait de nouvelles pistes thérapeutiques pour de nouveaux traitements ou compléterait les traitements médicamenteux existants.

Le rapport du professeur Clanet du 11 avril 2017 vient aussi remettre en question l’efficacité de ces méthodes non-médicamenteuses. En effet, le rapport identifie divers types d’interventions alternatives comme :

  • l’éducation thérapeutique destinée à la personne malade
  • la remédiation cognitive et jeux d’entrainement cérébral, stimulation cognitive
  • l’ergothérapie, exercice physique et interventions multidomaines
  • les massages, et la contact thérapie
  • la musicothérapie,
  • les thérapies comportementales, la thérapie par réminiscence
  • les additifs alimentaires, régimes et autre produits « naturels »: vitamines E, B, D, Oméga 3 etc..
Musicothérapie. Source : Pixels (libre de droits)

Mais les preuves scientifiques de l’efficacité des alternatives non-médicamenteuses sont faibles. En effet, comme écrit dans le rapport, « si certaines d’entre elles apportent quelques éléments de preuve, il faut constater que les conclusions des méta analyses se terminent toujours par le même type de conclusion : pas ou faible niveau de preuve, nécessité d’études complémentaires de méthodologie plus rigoureuse ».

De plus, certaines études plus récentes et mieux menées méthodologiquement (comme PLASA, ICTUS, ETNA 3) échouent également à démontrer l’efficacité des interventions proposées.

Mais cependant, une étude en vie réelle de chercheurs (PIMOUGUET C et al., Journal of Alzheimer Disease n°56, 2017, p. 509-516) a apporté une preuve de l’intérêt de l’ergothérapie chez les personnes atteintes d’Alzheimer à un faible niveau et confirme le bien-fondé de la mise en place de ce dispositif. D’après le rapport, « la pratique clinique montre également dans de nombreuses situations que des interventions adaptées aux besoins de la personne et individualisées peuvent apporter un gain en terme d’amélioration de la qualité de vie ».

« Les interventions psychosociales, comme l’évaluation des médicaments ne doivent pas échapper à l’exigence scientifique. La réalisation de telles études impose l’appui sur des préconisations méthodologiques encore insuffisantes qui devraient faire l’objet de recommandations d’experts en ce domaine. Il est également nécessaire de constater que de telles études, dont les coûts sont aussi élevés que les essais de médicaments, trouvent difficilement les financements nécessaires, par manque d’intérêt de l’industrie et l’absence de compétitivité dans les appels d’offres académiques », extrait de notre entretien avec le Professeur Ceccaldi. 


Les aspects méthodologiques de l’évaluation de l’efficacité de ces méthodes alternatives non-médicamenteuses sont aussi un point important. 
Il est en effet très compliqué de juger de l’efficacité de ces méthodes, et surtout de pouvoir évaluer leur efficacité. Comme nous l’a raconté le professeur Ceccaldi lors de notre entretien, pour évaluer un traitement, on doit procéder à une méthode en double-aveugle. Cela signifie que ni le patient ni le médecin ne savent si c’est le médicament ou un placebo qui a été prescrit au patient, afin qu’il n’y ait pas de biais dans l’évaluation régulière des médicaments. Mais le problème des méthodes non-médicamenteuses, comme la musicothérapie par exemple, c’est « qu’on ne peut pas avoir une méthodologie qui permette d’obtenir une évaluation objective des résultats » d’après le professeur Ceccaldi, car on sait forcément que le patient a écouté de la musique.

Mais il ne faut pas oublier que les traitements médicamenteux et non-médicamenteux peuvent être et même devraient être complémentaires pour le professeur Ceccaldi, car sinon on se prive forcément d’un moyen qui peut être efficace ou pas.

Mais d’un autre côté, il faut tout de même évaluer l’efficacité de ces techniques non-médicamenteuses, dans l’intérêt du patient, afin de ne pas mettre en œuvre une méthode qui pourrait en fait aggraver son état.


Cette question de l’usage de techniques non-médicamenteuses met en évidence des conflits d’intérêt entre différents acteurs de la controverse. Tandis que les Centres Mémoire de Ressources et de Recherche, représentés dans nos entretiens par le professeur Ceccaldi, reprochent à la Commission de la transparence de la Haute Autorité de la Santé « d’avoir dit qu’on allait remplacer les médicaments par des approches non-médicamenteuses », alors que « ce n’est pas son rôle », Patrick Semenzato, représentant de la HAS dans nos entretiens, nous a dit que la HAS avait rappelé l’existence de techniques non-médicamenteuses, mais que ce n’était pas le travail de la Commission de la transparence d’évaluer l’efficacité de ces méthodes. On voit donc bien que les acteurs de la controverse sont en désaccord sur le point de la mise en œuvre de traitements alternatifs non-médicamenteux, et sur l’évaluation de l’efficacité de ces traitements non-médicamenteux.

« La vérité, c'est qu'Olivier Saint Jean appartient à un courant de pensée anti-médicament en gérontologie. Je suis le premier à défendre les approches non pharmacologiques, mais les médicaments sont un autre aspect de la prise en charge. La France est à contrecourant de ce qui se fait ailleurs et va se marginaliser pour faire de la recherche sur Alzheimer. Si les institutions veulent se doter d'experts « neutres », il faudrait qu'elles s'assurent aussi de l'absence de conflits d'intérêts idéologiques », extrait d'une interview du professeur Ceccaldi au journal Le Quotidien du Médecin du 20 Octobre 2016 (« La décision de la HAS de dérembourser les anti-Alzheimer fait des vagues », Le Quotidien du Médecin (site web), 20 Octobre 2016).

Conclusion

Ainsi, la place des médicaments constitue un enjeu important dans la question du déremboursement des médicaments contre la maladie d’Alzheimer. D’un côté perçus comme indispensables pour intégrer le patient dans un parcours de prise en charge (par France Alzheimer, LECMA ou les CMRR), d’autres les considèrent comme inutiles et dangereux (à l'instar de MG France et la HAS), et prônent au contraire l’usage de méthodes non-médicamenteuses pour ralentir le développement de la maladie d’Alzheimer.
Pour des acteurs comme le Professeur Ceccaldi, ces deux techniques médicamenteuses et non-médicamenteuses auraient tout intérêt à être utilisées ensemble de façon à délivrer au patient le traitement le plus optimal possible.

Mais la volonté de mettre en place un traitement optimal doit aussi faire face à d’autres enjeux : la question du coût des médicaments ou des alternatives non-médicamenteuses doit se poser, et il s’agit de se demander quelle est alors la meilleure allocation possible de l’argent public capable de fournir au patient le traitement le plus optimal et le plus efficace possible. 

 

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