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Pour pouvoir réparer un objet, il faut avoir les bonnes informations afin de pouvoir diagnostiquer le problème, savoir quelles pièces remplacer et comment. En conséquence, plusieurs tentatives de ces dernières années ont eu pour but l’obtention de cette information.

 

Tout d’abord certains essayent de réparer eux-mêmes, sans mode d’emploi. C’est le schéma classique des repair cafés qui permettent aux gens d’apporter des objets, souvent de l’électroménager, qui peuvent être réparés avec des volontaires. Une entreprise Américaine, iFixit, a poussé ce concept plus loin en créant une plateforme de partage sur laquelle les individus mettent en commun des informations et expériences de réparation. Le site Internet propose ainsi des tutoriels pour plus de 8000 objets, sans compter les explications sur comment bien écrire, photographier et documenter une réparation pour qu’elle soit utile aux autres.

 

D’autres associations abordent le problème sous un autre angle : plutôt que de chercher une solution de réparation pour chaque objet, elles luttent pour avoir une législation qui obligerait les entreprises à publier les informations nécessaires aux consommateurs et aux boutiques de réparation pour prolonger la vie des objets.

 

C’est aux États-Unis, en plein scandale de la réparation des automobiles en 2010, que les premiers projets de loi émergent, sous la pression de nouveaux acteurs tels que AAIA (Automotive Aftermarket Industry Association) ou encore CARE (Coallition for Auto Repair Equality) : ces projets de loi prévoient que les guides et diagnostics des véhicules, mis à la disposition des réparateurs agrées, soient accessibles au plus grand nombre : les propriétaires des véhicules et les réparateurs indépendants. Dans un article paru en Décembre 2013 dans le States News Service, on apprend que le projet de loi a été approuvé par le Sénat “Right to repair now law in Massachusetts”. Sur le site massachusetts.repair.org, le projet de loi S.96 au Sénat est présenté comme nécessaire, comme une “chance de garantir les droits fondamentaux des consommateurs”. Avec l’appui d’acteurs incontournables de la controverse tels que iFixit et The Repair Association, le site Internet invite la population civile à faire pression auprès de leurs élus pour contrer l’influence importante des grands manufacturiers. Les habitants du Massachusetts sont ainsi invités à écrire des lettres à leurs représentants, afin de défendre principalement deux causes :

 

  • Leur droit à l’information : modes d’emploi, documentation..
  • Un accès à des pièces détachées ou aux outils nécessaires à la réparation.

 

C’est aussi le cas plus récemment de The Repair Association, qui lutte pour un « Fair Repair Bill » aux Etats-Unis. Ce projet de loi donnerait plus de droits aux consommateurs en ce qui concerne la réparation : les individus et réparateurs auraient plus d’information, notamment sous forme de schémas techniques qui leur permettraient de réparer leurs objets avec moins de difficulté et en toute légalité. Il est proposé dans plusieurs Etats et le New Jersey est devenu le 2 juin 2017 le 12e Etat à considérer officiellement un tel acte. Gay Gordon Byrne, directrice générale  de l’association, nous a confié au cours d’un entretien qu’elle voyait un effet boule de neige sur le passage de ces lois aux Etats-Unis : « Une fois que la première loi sera votée, les autres Etats suivront rapidement ». Elle annonce que, si une législation aboutie dès cette année n’a que 25% de chances d’avoir lieu, elle relèverait ce pourcentage à 75% l’an prochain. Plus encore, elle croit fortement à un effet domino : à la première législation aboutie (en Europe, ou aux États-Unis), le monde entier devrait être impacté. Elle parle d’une révolution imminente.

 

Mais la législation aux Etats-Unis n’évolue pas seulement par les lois : certains procès ont une portée presque aussi importante. On a ainsi pu observer une récente évolution avec l’affaire Impression Products VS Lexmark. Lexmark vendait à l’échelle internationale des cartouches d’encre pour imprimante de deux types: chères et réutilisables ou l’inverse. La différence ne résidait que dans la configuration de la puce portée par la cartouche, qui rendait inutilisables les cartouches jetables que l’on avait re-remplies. Impression Products, une entreprise de taille bien plus réduite, a eu l’idée de collecter ces cartouches, de désactiver leur puce et de les revendre pleines. Lexmark a alors attaqué en justice son concurrent pour deux raisons : d’une part la vente des cartouches aux Etats-Unis alors que Lexmark avait fait signer à ses clients un contrat l’interdisant et d’autre part l’importation de cartouches vendues à l’étranger. La décision de la Cour Suprême en faveur d’Impression Products en mai 2017, après deux ans de débat, a eu un impact largement supérieur au simple marché de l’impression : elle concerne plus généralement « les droits de possession d’un objet et la question de savoir si le détenteur d’un brevet peut ou non dicter la façon de réparer, modifier ou réutiliser quelque chose que l’on a acheté » explique Kyle Wiens, co-fondateur et directeur général de iFixit dans un article de Wired. La Cour Suprême des Etats-Unis a notamment établi un nouveau principe, celui d’expiration de brevet qui stipule que les droits du possesseur d’un brevet disparaissent quand il vend l’objet à un consommateur.

 

Enfin une dernière solution est apparue avec la controverse autour des tracteurs John Deere : le piratage de logiciel. De plus en plus de fermiers semblent avoir recours à des programmes achetés à des Ukrainiens pour pouvoir diagnostiquer, modifier et réparer leurs tracteurs sans passer par le constructeur, qui d’une part n’offrira que des réparations très coûteuses à cause du déplacement d’un technicien, et d’autre part ne leur permettra pas de réparer leurs tracteurs eux-mêmes, comme ils le faisaient avant.

 

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