Qu’est-ce qui rend la réparation si dure pour les différents acteurs?

 

Le coût sur le marché

La réparation ne vient pas gratuitement dans l’économie actuelle, notamment pour les producteurs et les consommateurs. Nous avons déjà vu en quoi ce dernier groupe était contraint par le prix, la complexité et parfois l’impossibilité de réparer, mais qu’en est-t-il de la charge économique des réparations pour les entreprises ?

 

Il est tout d’abord intéressant d’observer qu’il n’y a pas de loi qui oblige une entreprise à avoir des pièces de rechange à sa disposition – seulement la loi de Hamon sur la consommation qui, depuis mars 2015, demande aux entreprises d’annoncer le nombre des pièces de rechange disponibles, qui peut être nul.

 

Appareil photo entièrement démonté – pixabay.com

 

Ce n’est pas pour autant que produire des pièces supplémentaires n’est pas avantageux. Au contraire, selon une étude, le service après-vente des entreprises spécialisées en fabrication et en ingénierie comptait en 2003 pour 40% à 50% des profits, pour seulement 25% des revenus (Dennis & Kambil, 2003). Cela est dû à une grande différence de prix entre un objet neuf et un objet reconstruit à partir de pièces de remplacement. Ce dernier objet peut être jusqu’à sept fois plus cher que l’original (Vaziri, 2014).

 

Le service après-vente des entreprises spécialisées en fabrication et en ingénierie comptait en 2003 pour 40% à 50% des profits, pour seulement 25% des revenus.

 

Masoud Vaziri, dans sa thèse, cherche à faire le bilan sur les moyens optimaux pour rentabiliser le service après-vente d’une société. En faisant cela, il souligne un grand nombre de facteurs qui rendent ce domaine très complexe. Il évoque notamment :

 

  • Une concurrence des pièces de rechange de moindre qualité mais moins chères
  • Une demande irrégulière dans le temps
  • Un stockage qui coûte de l’argent et qui doit être bien organisé géographiquement
  • Une différence de durée de vie de pièces d’un même objet

 

Il en émane un réel enjeu économique pour les industries manufacturières et un challenge pour arriver à la régulation la plus juste possible.

 

Certaines sociétés s’y opposent très ouvertement. Apple est la plus visible d’entre elles, faisant régulièrement du lobbying contre les lois Right to repair aux Etats-Unis. Mais ce n’est pas le seul exemple car d’autres multinationales comme Huawei, Samsung, Sony et Microsoft y sont également réticentes.

 

La “réparabilité” en pratique et la motivation du consommateur

En revanche, d’autres entreprises mettent tout en place pour que la réparation soit techniquement possible, mais cela n’implique pas toujours une réelle augmentation des réparations. Dans une étude sur les ordinateurs portables OLPC (One Laptop Per Child) au Paraguay (Rosner et Ames, 2014), certains obstacles à la réparation de ces ordinateurs sont apparus bien qu’ils soient conçus pour être réparés. Si des petites interventions étaient possibles grâce aux pièces de rechanges fournies avec l’ordinateur, d’autres ne l’étaient pas: que ce soit l’écran ou le clavier, qui était essentiellement une couche de caoutchouc, il n’y avait pas de pièces de remplacement prévues et lorsqu’elles l’étaient, elles étaient trop chères.

 

Ordinateur One Laptop Per Child – www.flickr.com

De plus, un grand nombre de réparations ne pouvaient pas être faites sur place et même si les enfants et les professeurs étaient encouragés de réparer eux-mêmes ce matériel, c’était rarement le cas. En outre, un obstacle à la réparation est parfois la simple motivation du consommateur.

 

Un obstacle à la réparation est parfois la simple motivation du consommateur.

 

Il ne faut donc pas généraliser les bruyantes publications des associations pro-réparation et les milliers de tutoriels disponibles sur les sites d’iFixit, Spareka ou autre part sur le web à l’ensemble des consommateurs.

 

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