La répartition des impôts payés par les compagnies pétrolières

 

 

 

  1. 1. Répartition des impôts entre les gouvernements fédéral, provincial et municipal

 

L’étude du CERI montre que la plus grande partie des rentrées d’argent du gouvernement provenant des huiles lourdes vient au gouvernement fédéral (en rouge) et non au gouvernement provincial de l’Alberta. Cependant, comme le montre le graphique suivant, l’Alberta devrait recevoir plus d’argent provenant des royalties à cause du régime spécial qui leur est accordé. C’est principalement le gouvernement de l’Alberta qui reçoit les royalties alors que les autre taxes son réparties d’une manière plus égalitaire.

 Au cours des vingt années de la période d’étude, le CERI (Canadian Energy Research Insitute) estime que le revenu total du gouvernement serait de 123 milliards de dollars (sous forme d’impôts sur le revenu, d’impôts sur les entreprises, d’impôts provinciaux et fédéraux à la vente de produits, d’impôts sur la propriété privée, etc.) résultant des investissements et du développement des huiles lourdes.

 

2. Répartition des impôts reçus par l’Alberta

La projection montre que les impôts reçus par l’Alberta seront en majorité des royalties

Cette projection sur les prochaines années (période d’exploitation des huiles lourdes) montre que la majorité des revenus de l’Alberta seront les Royalties (une taxe proportionnelle au nombre de barils produits).

Corporate tax signifie les impôts payés par les entreprises et Personnal income tax les impots payés par les particuliers.

(sources: Canadian Association of Petroleum Producers (CAPP), Oil Sands Economic Impacts Across Canada CERI report, Alberta‘s oil and gas royalties CAPP, www.capp.ca)

 

 

3. Le régime spécial des impôts en Alberta pour les huiles lourdes 
 

 

Pour permettre le développement de l’industrie pétrolière des huiles lourdes, la province de l’Alberta offre un régime d’impôts favorable aux entreprises du domaine des huiles lourdes souhaitant investir en Alberta dont voici le détail:

Il y a deux phases dans le régime de paiement des royalties pour les projets huiles lourdes :

1) Pendant la première phase dite de « pre-payout » les entreprises paient les royalties à un taux plus faible (de 1% d’après le Pembina institute). Cette phase correspond à la phase qui suit celle du développement initial mais qui précède le moment où les coûts de construction sont remboursés et le projet commence à faire des profits.

2)Après que le projet est devenu profitable vient la phase de « post payout »: le taux des royaltiesaugmente (le taux passerait alors de 1% à 25%).

 

Cette politique fiscale a été implémentée pour reconnaître que les entreprises doivent investir des milliards de dollars pour démarrer et étendre des projets d’huiles lourdes avant qu ’ils puissent en attendre des profits résultant de la production.

Il faut noter que la somme perçue par la province pour les royalties se calcule selon:

Somme payée = coût du baril * taux de royalty

 

Voici l’évolution temporelle des revenus de l’Alberta provenant de toute l’industrie pétrolière. Il faut noter que pour le moment, d’après le CAPP, les huiles lourdes ne représentent que 10% de ces revenus.

 

(sources: CAPP-Alberta’s oil and gas royalties, Pembina Institute-Oil Sands Fever)

 

 

 

 

 

4. Questions posées par la répartition des impôts ainsi que par le régime spécial des impôts.

 

  • Le régime spécial des impôts et la taxation en général

Le gouvernement de l’Alberta a fait paraître au travers du CAPP une brochure (FAIRE LIEN) visant à rassurer les habitants de l’Alberta, leur disant qu’ils reçoivent suffisamment de bienfaits économiques de la part du développement de l’exploitation des huiles lourdes et de l’industrie pétrolière et que l’industrie ne s’enrichit pas sur le dos des albertains en leur pillant leurs ressources.

Dans cette brochure on explique également que « de toute façon, de meilleurs revenus pour l’industrie pétrolière signifient plus d’impôts pour la province ainsi que plus d’emplois pour les albertains ».

 

Ce point de vue « trop libéral » est critiqué par le Pembina Institute. Pour cet acteur, le gouvernement provincial devrait maximiser les rentrées d’argent liées à l’industrie pétrolière pour redistribuer aux Albertains et pouvoir ainsi consacrer plus de moyens à l’environnement. D’après cet institut, le gouvernement laisse une part « plus grande que ce qui serait juste » à l’industrie pétrolière. Il base son argumentation sur une comparaison à d’autres régions productrices de pétrole. Cependant, les calculs de rentes de l’institut ne sont pas apparents dans leur ouvrage et les auteurs ne nous ont pas répondu quand on a voulu les interroger.

 

Ce document affirme que les entreprises de l’industrie pétrolière reçoivent 15% de profits en trop par rapport à la « valeur réelle des ressources » (« true value of oil and gas ressources »). Cependant, les auteurs n’indiquent pas exactement ce que cela représente, ni comment ils l’ont calculé. Un comparatif par rapport à d’autres régions productrices de pétrole étaye leur argumentaire mais les calculs ne sont jamais précisés. Par ailleurs les chiffres sont toujours tout ronds (15% par exemple: il n’y a pas de chiffres après la virgule, et c’est un multiple de cinq) ce qui nous pousse à nous interroger sur la manière avec laquelle ces calculs et chiffres ont été trouvés.

Afin d‘accélérer le développement de la région, de faciler le développement par des entreprises du secteur privé, et d’assurer que le développement puisse concourir avec celui d’autres zones pétrolières à l’échelle mondiale, les gouvernements provincial et fédéral ont prévu des régimes de taxes particuliers. Ceci a déjà été précisé pour le gouvernement provincial et les royalties. Pour ce qui est du gouvernement fédéral, il a fait des « corporate tax cuts » (des exonérations sur l’impôt payé au gouvernement fédéral).

Dans l’ouvrage du Pembina Institute on trouve:

« ``[Au vu des faibles royalties pour la production des huiles lourdes, il] parait que, du moins implicitement, le gouvernement de l’Alberta ait opté pour des niveaux d’activité plus élevés dans l’industrie pétrolière au dépens d’une plus faible somme provenant de cette production’’ »

 

En effet, dans la phase de pre-payout (la phase 1) le taux de royalty n’est que de 1% contre 25% dans la deuxième phase. Ces chiffres sont trouvés uniquement dans l’ouvrage de Pembina et pas dans les ouvrages et brochures du gouvernement. L’ouvrage stipule ensuite qu' une telle différence de taux de royalty incite les entreprise à réinvestir sans cesse, repoussant déraisonnablement l’échéance de l’avènement de la phase 2. L’opinion des auteurs est que les entreprises ne rentreront pratiquement jamais dans la phase 2 et que le gouvernement albertain et donc les Albetains et leur environnement seront « volés de leurs ressources ». Pour eux c’est déjà le cas d’entreprises qui sont en phase 1:

Les revenus de royalties diminuent alors que la production de pétrole issu des huiles lourdes augmente.

 

D’après cet acteur, cette politique qui date des années 60 est révolue et devrait évoluer pour mieux servir les Albertains. Cependant, pour le gouvernement canadien, c’est ce qui a permis et qui permet aujourd’hui le développement spectaculaire et économiquement bénéfique de la région: le ministre de l’environnement du gouvernement canadien aurait affirmé:

 
« Le Canada a montré qu’il peut transformer des rêves impossibles d’énergie en réalité. Quand les huiles lourdes de l’Athabasca ont été découverts dans les années 60, il n’y avait pas de technologie pour les exploiter et la faisabilité économique était simplement insensée. Cela a pris des décennies de dévouement et, surtout, d’aide fédérale considérable (40 milliards de dollars à travers de diverses actions fiscales et d’exonérations d’impôts) pour transformer par la suite ce projet impossible en une industrie bondissante qui fournira des montants énormes et d’énergie et de richesse à notre pays pour des décennies à venir »

Stéphane Dion, ministre de l’environnement, gouvernement du Canada

 

Les populations locales et les Albertains ils semblent plutôt d’accord avec le gouvernement. Ils sont très contents d’avoir un bon emploi et une très bonne situation d’emploi. La standardiste de 1800-ALBERTA numéro vert du gouvernement provincial nous a dit au cours d’un entretien téléphonique qu’il « faudrait d’abord trouver des gens mécontents du développement des huiles lourdes avant de pouvoir les interroger ». Ils ont l’air assez peu nombreux ou du moins assez peu connus.

D’après Philip Cooper, responsable communication de la municipalité de Wood Buffalo ainsi que des majors pétrolières, il n’y a pas assez de main d’œuvre en Alberta, notamment dans la région de Wood Buffalo. Par ailleurs, la municipalité de Wood Buffalo se plaint de ne pas pouvoir suivre l’évolution démographique de son agglomération du point de vue des infrastructures, et éponge une dette de 263 millions de dollars! (cf. l’article publié par cbc radio où la municipalité cherche à modifier le régime des impôts). Cette évolution démographique fulgurante (+11% de population par an, l’agglomération bien que très au nord dans une zone où il fait très froid l’hiver serait d’après Philip Cooper la 3 e plus grande agglomération de l’Alberta d’ici 2010!) est signe que les opportunités professionnelles (rémunération par exemple) y sont exceptionnelles, et que le manque de population et de main d’œuvre freine le développement de l’activité économique, fait rare dans une province et un pays où le chômage à longtemps été un grand problème de société. (e mail de Philip Cooper)

 

Liens:

Interviews (toutes), osf , partie emploi de la controverse, partie environnement (éventuellement problèmes environnementaux liés au développement trop rapide de la ville)

 

 

Conclusion

 

Le Pembina Institute par exemple critique la politique fiscale de la province et stipule que le développement des huiles lourdes n’est pas dans le cadre du développement durable que ce soit du point de vue environnemental (pas assez de moyens pour préserver l’environnement) ou économique (pas assez de revenus pour les albertains et trop de profits pour l’industrie).

Cependant le gouvernement Albertain se justifie par une volonté de promouvoir une industrie qui était un pari économique fou à sa découverte, et que à l’horizon de la durée totale de l’exploitation des huiles lourdes, les revenus du gouvernement provincial auront augmenté de façon spectaculaire.

(sources 1800 Alberta)