Quelles seront les économies réalisées avec l’installation du compteur ?

27 mars 2014 | Commentaires fermés

A : Pour ERDF 

 linky-avantages

L’une des images extraite du site Internet d’ERDF décrivant le nouveau compteur Linky

1 ) Meilleure flexibilité du réseau

  • Meilleur échange d’information entre producteurs et fournisseurs d’un côté et consommateurs de l’autre

    Ces nouveaux compteurs améliorent la prévisibilité de la production d’électricité d’une part, et de la demande d’électricité d’autre part grâce à une communication plus étroite et réciproque entre le consommateur d’un côté et le producteur et le fournisseur de l’autre. Cela permet ainsi d’assurer l’équilibre entre l’offre et la demande. Les gains attendus sont en premier lieu économiques via une baisse des coûts de gestion du réseau (relevé à distance, petites interventions évitées, diminution des pertes non techniques). Aussi, en facilitant le déploiement de solutions d’effacement des consommations (voir quelques lignes plus bas), les compteurs pourraient permettre de minimiser l’augmentation de la puissance totale du parc français ou encore de diminuer les importations d’électricité pour combler le déficit de production aux heures de pointe.

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  • Les compteurs intelligents pourraient améliorer la gestion de l’électricité à une époque où l’évolution de l’offre et de la demande deviennent plus difficile à contrôler

    Il faut se projeter en 2020, quand les énergies vertes représenteront 23% de l’énergie consommée en France, comme le pays s’y est engagé auprès de la Commission européenne (13,1% en 2011). Les énergies renouvelables comme l’éolien ou le solaire étant par essence intermittentes et non stockables, les smart grids permettront au réseau électrique de gagner en flexibilité. Via les compteurs, des signaux seront envoyés en temps réel aux appareils ménagers, pour leur éviter de se mettre en route aux heures de pointe (effacement). Au contraire, si un coup de vent favorable propulse une grande quantité d’énergie éolienne sur le réseau, le consommateur sera incité à profiter d’un tarif avantageux.

     Lorsque la capacité immédiate de production ne peut garantir les besoins en électricité, deux principaux canaux permettent de combler l’écart. Une première solution «classique» fait appel à des moyens de production supplémentaires par l’importation d’électricité ou l’activation de centrales thermiques très coûteuses et très polluantes. Une seconde solution passe par l’adaptation de la demande. Des tarifs évolutifs combinés aux possibilités techniques des compteurs communicant s peuvent permettre l’effacement diffus , c’est à dire la réduction temporaire de la consommation d’électricité d’un grand nombre de petits sites. Grâce aux compteurs communicants , les gestionnaires d’énergie peuvent en effet , avec l’accord du consommateur, arrêter à distance certains équipements électriques temporairement ou en différer leur usage , par exemple lors de périodes de forte production d’électricité d’origine renouvelable. L’objectif est ici de réduire les coûts de production de l’énergie.

    Pour mieux cerner ces différentes questions, lisez la retranscription de notre entretien téléphonique avec un cadre d’ERDF.

flexibilite

2) Possibilité de contrôler le compteur à distance

    Pour ERDF, les intérêts sont ici multiples puisqu’ils pourront alors faire par exemple le relevé de compte directement à distance et ils n’auront ainsi plus besoin de techniciens, ce qui implique une diminution des frais de déplacement ainsi que des coûts de main d’oeuvre. La question de l’emploi se pose également puisque cela donne alors l’impression que les compteurs intelligents viendront remplacer les techniciens (même si a priori dans un premier temps le déploiement des compteurs à grande échelle créera de nombreux emplois). Egalement, nous pouvons lire sur le site Internet d’ERDF :

 » Les interventions  simples, comme la mise en service ou le changement de puissance pourront se faire du jour au lendemain et non plus sous 5 jours. Plus besoin de prendre rendez-vous ou d’attendre le technicien, ERDF opérera à distance. »et que, « en cas de panne sur le réseau, le diagnostic sera facilité. La ré-alimentation en électricité sera donc plus rapide.  »

    Ici, ERDF met l’accent sur le fait que les avantages créés par Linky sont autant bénéficiaires pour le fournisseur que pour le client, ce dernier gagnant beaucoup en qualité de vie. Néanmoins, il semble clair que le compteur offre à ERDF la possibilité de réduire énormément son coût de distribution de l’électricité.

 

B : Pour le consommateur 

 

1) Facturation sur une consommation réelle et personnalisation de l’offre

     Alors que l’arrivée d’une facturation bien calculée aurait du réjouir les consommateurs, des voix se sont levées pour protester contre les conséquences de cette nouvelle possibilité apportée par Linky. Sur la base de ses études, l’UFC-que-choisir y voit à nouveau un moyen pour EDF de soutirer encore plus d’argent au consommateur. Le changement de compteur va rigidifier les abonnements, c’est-à-dire qu’un foyer n’aura plus la marge que lui octroyait le précédent compteur. En effet, les mesures de consommation étant imprécises, les abonnements et limitations de puissances devaient l’être autant voire plus pour s’adapter aux fluctuations de consommation. Il y avait donc selon UFC plus de la moitié (55%) des foyers qui souffriraient avec le compteur actuel de « mal-tarification » : 5 millions d’entre eux seraient sur-tarifés alors que 10 millions d’entre eux seraient sous-tarifés.  »C’est possible du fait de la tolérance des compteurs actuels, qui ne disjonctent pas systématiquement lorsque la puissance appelée dépasse celle de l’abonnement », a expliqué Alain Bazot, président de l’association. Cela implique deux choses à la fois . D’une part, pour 5 millions de foyers dont la puissance maximale de l’abonnement était trop importante, il y aura une réévaluation du prix de sorte qu’ils économiseront quelques 35 millions d’euros. Cependant, pour ceux dont l’abonnement sous-estimait la puissance requise effectivement, il y aura une réévaluation que l’on chiffre à 308 millions d’euros. Globalement les consommateurs sont perdant de 283 millions d’euros. L’UFC-que-choisir résume globalement des perspectives dans le graphe ci-dessous.

   Le distributeur d’électricité ERDF (filiale d’EDF), à l’origine de Linky, a contesté vigoureusement les calculs de l’UFC, en soulignant que l’expérimentation à grande échelle, menée auprès de 300 000 foyers à Lyon et en Indre-et-Loire, avait montré des cas de changements de puissance très inférieurs. « Au total, nous avons observé moins de 1 % (0,88 % exactement) de demandes de changement de puissance effectuées suite à la pose de Linky », a déclaré Marc Boillot, directeur de la stratégie et des grands projets d’ERDF. En outre, il juge légitime que le changement de compteur soit l’occasion d’adapter l’abonnement à la puissance du disjoncteur, lorsque les deux ne correspondent pas, s’agissant selon lui d’une « anomalie contractuelle ».

2) Le changement de facturation sera-t-il payant ?

  Autre point de litige : l’UFC déplore que le changement de puissance soit facturé 36 euros par ERDF. Selon ses propres calculs, ERDF empocherait ainsi 545 millions d’euros avec le déploiement de Linky. En outre, elle reproche aux fournisseurs de courant de manquer à leur obligation de conseiller à leurs clients un abonnement adapté. L’UFC propose deux mesures : affiner les grilles d’abonnement en instaurant des niveaux de puissance intermédiaires (pour facturer chaque foyer au plus près) et rendre le changement de puissance gratuit durant les deux ans qui suivront l’installation de Linky.

   Sur ce point, la Commission de régulation de l’énergie (CRE) avait elle-même recommandé, à la lumière de l’expérimentation menée par ERDF, que le distributeur effectue gratuitement les changements de puissance entraînés par la pose de Linky. De son côté, ERDF souligne qu’il respectera le barème de prestations décidé par la CRE et que cette question pourra être abordée dans le cadre de discussions auxquelles participe le régulateur.

   En France, les consommateurs d’électricité doivent payer en plus de leur consommation de courant proprement dite un abonnement dont le montant dépend de la puissance souscrite (le plus souvent de 6, 9 ou 12 kilovoltampères).

3) Une prise de conscience du consommateur  entraînera t elle une baisse de sa consommation ?

    Pour que le compteur électrique communicant Linky permette de faire des économies d’énergie, il devra être doté de compléments a expliqué François Moisan, directeur Stratégie, recherche, international de l’Agence de l’environnement et de maîtrise de l’énergie (Ademe) dans cet article de l’Usine Nouvelle.

« Tout seul, Linky ne fait que de la relève de consommation sans qu’un agent ne soit obligé de se déplacer », a-t-il indiqué. Des propos qui s’inscrivent dans le droit fil de ceux tenus par Jean-Louis Bal, directeur production et énergies durables, lors du forum Bip Enerpresse le 10 juin dernier: « Linky est une brique technologique mais ne permettra pas à soi seul que les consommateurs fassent des économies d’énergie (…). La première étape ce serait que le consommateur puisse lire dans son salon sur un écran le détail de sa consommation ».

    L’enjeu est double, il faut que le consommateur prenne conscience de ses abus de consommation (s’il y en a) mais également il faut l’accompagner dans sa démarche de consommer plus efficacement, le conseiller ainsi qu’essayer de lui faciliter les choses. Le premier pas serait sûrement de lui donner accès gratuitement à sa consommation affirme ainsi l’UFC Que Chosir et l’ADEME. Mais il faut aller plus loin pour l’ADEME semble t il. Il faut pouvoir donner des outils au consommateur qui lui permette lui même de contrôler certains appareils à distance pour lui donner une véritable influence sur sa consommation. Le comportement du consommateur vis à vis de sa consommation varie en fonction du mode de communication mis en place. Le Ministère estime qu’avec « une meilleure information des consommateurs, on peut viser un objectif de réduction de 5 à 15% des consommations ». L’interface tester « doit durer 50 ans », le compteur ayant « vocation à pouvoir s’adapter aux futures évolutions technologiques ».Par exemple, si l’envoi régulier d’un relevé des consommations réelles n’engendre qu’un gain de 4,6% sur la consommation, l’affichage de ces informations sur un écran dans le logement (apposé sur le compteur ou indépendant) peut générer jusqu’à 11% d’économies.

    Supposée représenter la légitimité du compteur, l’accès à la consommation (ou à ces différentes formes de compléments que pourraient proposer ERDF) porte aussi à débat. En effet, l’argument sur lequel se fondaient les économies annoncées était justement cette capacité de connaitre à tout instant sa propre consommation. Aussi, pour l’ADEME, cette connaissance en libre accès constitue une condition sine qua none de l’intérêt du compteur. Cependant, des associations de consommateurs craignent sérieusement que ces données ne soient pas en libre accès mais payantes. Cela pourrait en somme rendre totalement inutile de tels dispositifs. En effet, si les économies escomptées sont de l’ordre de cette facturation que voudrait mettre en place EDF, le consommateur n’y gagnerait strictement rien.

Pour mieux expliquer éclairer ces propos, voici un extrait du rapport de l’ADEME :

«  Si le compteur Linky, tel qu’il est actuellement conçu, apporte des bénéfices en termes de comptage et de gestion du réseau électrique voire de diminution du contenu CO2 du kWh électrique, ses bénéfices pour le consommateur en termes de maîtrise de la demande restent encore théoriques. Divers retours d’expériences étrangères montrent que le compteur communicant peut être un instrument efficace s’il est intégré dans une politique globale d’économies d’énergie incluant différentes mesures incitatives pour le consommateur (mesures tarifaires, outils de communication…). L’ADEME recommande que tous les consommateurs puissent avoir accès directement et gratuitement sans démarche active de leur part à des informations minimales sur leur consommation leur permettant de mieux maîtriser leurs usages sans avoir à passer par des services ou des prestations payantes supplémentaires. »