Le MAUSS

Mouvement anti-utilitariste en sciences sociales
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Pascal Combemale, qui a fait partie de ce mouvement :

 

« Le MAUSS c’est le Mouvement Anti-Utilitariste en Sciences Sociales dont le pape est Alain Caillé, qui a été fondé au début des années 1980 pour réagir à une tendance générale en sciences sociales qui privilégie une sorte de modèle de l’homo oeconomicus, de l’action rationnelle, intéressée […] et en référence aussi à Marcel Mauss, […] à ces travaux, à son analyse du don, du fait social total et éventuellement aussi […] aux engagements politiques de Mauss, très proche de Jaurès, d’un socialisme d’ailleurs qu’on pourrait qualifier d’associatif ».

La revue du MAUSS, dirigée par Alain Caillé est pluridisciplinaire et mêle des débats scientifiques, éthiques et politiques, abordés sous différents angles : sociologique, anthropologique, économique, philosophique et historiques. Un numéro de 1996 a été consacré au revenu de base.

 

Le revenu de base au sein du MAUSS

C’est à travers la logique du don-contre don de Marcel Mauss que le MAUSS appréhende l’idée d’un revenu de base. Cela questionne la notion d’inconditionnalité que promeut le revenu de base : selon Marcel MAUSS, le don même s’il n’implique pas explicitement de contrepartie, induit une réciprocité. Ainsi, au même titre qu’un « don gratuit » ne serait pas recevable, un revenu purement inconditionnel, sans aucune contrepartie, n’est pas envisageable.

C’est pourquoi dans sa conception du revenu de base, Alain Caillé parle d’ « inconditionnalité conditionnelle ».

Alain Caillé explique d’abord que l’inconditionnalité est spécifique et nécessaire aux relations humaines. Il ne peut pas exister de lien social et de société sans une certaine inconditionnalité. En effet, le lien social suppose d’avoir à un moment, choisis la confiance et le vivre-ensemble plutôt que la vie séparée, en prenant le pari de la socialité des autres et de la confiance dont ils feront preuve. L’inconditionnalité est donc la base même de la confiance. Toutefois, la confiance permise par le don implique toujours un impératif de réciprocité, à l’image de la démocratie, où les droits impliquent des devoirs et les créances doivent correspondre aux dettes.

Ainsi, dans tout rapport social, il y a plus ou moins d’inconditionnalité et plus ou moins de conditionnalité.

En effet la volonté de faire tout reposer sur l’inconditionnalité a pour conséquence la multiplication des conditions pour bénéficier de cette inconditionnalité. A l’inverse, vouloir tout faire reposer sur le contrat –soit la conditionnalité- menace la société d’une perte de repère, se traduisant à long terme par une inconditionnalité de la violence.

Un revenu de base dans quel but ?

Selon Pascal Combemale : « Du point de vue du MAUSS, la ligne directrice de la réflexion c’est la démocratie. Que veut dire vivre dans une démocratie ? L’idée est qu’il existe des conditions matérielles de fonctionnement d’une démocratie. C’est en référence à un idéal -peut être un mauvais idéal- qui est que les citoyens, même les plus modestes d’entre eux peuvent participer à la vie civique, à la vie sur l’agora, parce leurs conditions matérielles d’existence sont garanties, aussi modestes puissent-elles être. […] Pour être un citoyen à part entière il ne faut pas être asservi à la nécessité. »

Il est ainsi nécessaire d’instaurer un revenu minimum de citoyenneté qui soit inconditionnel mais dans le même temps lié de manière très forte aux institutions. Dans un article de la revue, Alain Caillé explique qu’un revenu de base doit être instauré dans le but de « réanimer l’expérience démocratique en posant la démocratie comme intrinsèquement désirable ».

Le revenu de base correspondrait ainsi à la logique du don dans le sens où, si l’Etat n’exige explicitement rien en retour de la part de l’individu récipiendaire, le don a pour but de nourrir une confiance réciproque, censée conduire à un certain engagement vis-à-vis de la société. Ainsi, la conditionnalité d’un revenu de base vient d’un engagement à prendre part à la vie collective, à participer à des activités socialement utiles. En un mot, à exercer pleinement son rôle de citoyen, sur un modèle qu’on peut rapprocher de celui de la cité Athénienne. Le revenu de citoyenneté permet ainsi de valoriser des activités anciennement délaissées car non rémunérées.

 

Quel revenu de base ?

Le revenu de citoyenneté dont parle Alain Caillé, doit reposer sur un principe d’égalité. Selon lui, il doit être touché de manière inconditionnelle par ceux dont le revenu serait en-dessous d’un certain seuil. Cela obéit à un premier principe qu’il expose, selon lequel « tout Etat doit assurer à chacun de ses ressortissants un niveau de ressources au moins égal à la moitié du salaire de base local ou de son équivalent ». Dans son idée, cela va de pair avec l’instauration d’un revenu maximum, d’après le second principe qu’il énonce : « Aucun Etat ne doit tolérer qu’une personne obtienne des gains annuels régulièrement supérieurs à cent fois le salaire de base ».

Vient ensuite la question de l’espace de redistribution. Définir un revenu de base minimum ainsi qu’un revenu maximum à l’échelle internationale n’est pas réalisable. C’est pourquoi selon Caillé, il faut instaurer un revenu de base à l’échelle nationale, dans tous les pays mais de manière différentiée selon leur niveau de développement. L’instauration d’un revenu maximum doit par exemple commencer à être mise en place dans les pays les plus riches, et dans les pays les plus pauvres, il faudrait joindre à l’instauration d’un revenu de base une abolition de la dette.

A propos du revenu de base, la vision du MAUSS se rapproche de celle du MOC, par rapport à la conception en termes de don, la mise en place d’un revenu maximum et la volonté d’une extension de la sphère de la gratuité. Serge Latouche et Paul Ariès font partie de ces deux mouvements.

 

Source de l’image: www.le-livre.fr