Frédéric Simard est directeur de l’Institut de Recherche pour le Développement (IRD). Il travaille sur les Maladies Infectieuses et Vecteurs : Ecologie, Génétique, Evolution et Contrôle. Il a une formation d’entomologiste. Il a travaillé 4 ans au Sénégal, 6 ans au Cameroun et 4 ans au Burkina Faso.
1- Où en est-on aujourd’hui de la lutte contre le paludisme ? En Afrique ? En Asie ?
Même chose que Vincent Robert dans les grandes lignes. « L’OMS interdit d’utiliser un seul médicament car cela produit des résistances » à propos des nouveaux traitements. Le meilleur moyen pour lutter contre le vecteur est la moustiquaire imprégnée. Chaque pays développe son propre « Plan National de Lutte contre le Paludisme » (PNLP). « C’est un peu du chacun pour soi. » Chaque PNLP coordonne les centres de santé. « L’OMS a un rôle de conseil ».
2- Quel est la répartition des fonds ? Rentabilité des laboratoires pharmaceutiques ?
« La répartition de l’argent dépend de l’origine des fonds : quand Bill Gates dit « Ma priorité c’est ça », tout le monde suit le pognon, que ce soit la bonne ou la mauvaise solution ». « L’OMS n’a d’autre choix que d’emboîter le pas ». Au sujet de la rentabilité des laboratoires : « Une solution est de s’associer à des recherches en cours. Pour les insecticides par exemple, on travaille avec des grandes boites d’agro-alimentaires : on « détourne » les molécules destinées à l’agriculture les moins toxiques pour l’homme ». On utilise la recherche en agro-alimentaire pour trouver des insecticides adaptés.
3- Que dire de la gestion des PNLP ?
Tout est améliorable, il y a de la corruption mais ce n’est pas pire qu’ailleurs. Il y a moyen d’ajouter de la transparence. L’OMS a peur de faire l’ingérence et reste donc prudente en ne donnant que des conseils aux Etats.
4- Quelles sont les responsabilités de l’homme ?
Le moustique vecteur a besoin de l’homme pour vivre : « Là où il n’y a pas d’hommes, il n’y a pas d’anophèles ». Les insecticides sont à double tranchant : « on élimine les moustiques mais aussi leur prédateurs ce qui pose problème ». Réchauffement climatique : « C’est très complexe, la réaction d’une bestiole face au réchauffement climatique est impossible à anticiper. Il y aura des endroits où le paludisme va apparaître, d’autres où il va disparaître ». « Les réactions seront sans doute différentes en Afrique, en Asie et en Amérique du Sud, les moustiques transmetteurs risquent d’envahir les villes, le paludisme pourrait devenir plus urbain. » Déforestation : « On rend l’environnement favorable aux moustiques », « En Afrique, le risque est très important », « Le comportement humain est hyper important et a un impact considérable sur l’expansion ou non de la maladie ».
5-Quel est votre point de vue personnel sur la question:
« Il manque de l’évaluation pour juger de l’efficacité de l’impact de chaque moyen de lutte. Nous ne savons pas si nous sommes réellement efficaces, quels moyens sont vraiment adaptés, l’efficacité des moustiquaires imprégnées est certaine mais il faut maintenant assurer la qualité de ces moustiquaires et c’est déjà plus complexe. » Il faudrait faire appel à des entreprises comme Expertise France pour évaluer la lutte avec des outils performants.
6- Existe-t-il des moustiques génétiquement modifiés ?
A l’IRD, il y a avant tout des chercheurs. « On est très frileux en France sur les OGM ». On pourrait transformer génétiquement le moustique, plusieurs pistes sont envisagées :
- gènes de l’anthropophilie : l’homme pourrait devenir répulsif pour les moustiques.
- vacciner le moustique lui même : vaccin anti-transmission.