Hans Rietveld est responsable des programmes de lutte contre les maladies tropicales chez Novartis, et en particulier le paludisme. Il nous donne le point de vue d’un laboratoire pharmaceutique privé dans cette controverse.
1 – Quelle est votre expérience dans la lutte contre le paludisme ?
J’ai travaillé dans le domaine de la lutte contre le paludisme pendant plus de dix ans. J’ai fréquemment voyagé dans une quinzaine de pays concerné par le paludisme en Afrique subsaharienne. Nous avons assisté à d’important progrès : une réduction significative du nombre de cas et de leur mortalité. De nombreux chiffres sont disponibles dans le World Malaria Report 2014.
2 – Faut-il lutter contre le paludisme (opportunités, menaces) ?
Oui, nous avons le devoir et l’obligation morale de lutter contre le paludisme. Les retombés économiques de la maladies sont très importantes surtout dans des pays pauvres en voie de développement, elle limite la croissance économique et enraie le développement du pays. En éliminant le paludisme, nous favorisons l’éducation notamment en limitant l’absentéisme. Les ménages auront alors moins de dépenses concernant la maladie et le niveau de vie de la population s’améliorera. Une population en bonne santé boostera l’économie.
C’est un combat qui sera long, l’histoire a montré que le paludisme pouvait facilement revenir si une prévention adéquate n’était pas mise en place après l’éradication de la maladie.
Le virus du paludisme développe tôt ou tard des résistances face aux nouveaux traitement. C’est une des raisons pour laquelle il faut continuer de chercher de nouvelles molécules et de mettre au point de nouveaux médicaments.
Un des grands défis de demain est la mise en place de budgets par les gouvernements locaux pour la lutte contre le paludisme. En effet, les dons de la part de la communauté internationale pour lutter contre la paludisme ne se maintiendront pas au niveau actuel.
Un des points clés est la volonté des gouvernements locaux de mettre la lutte contre la paludisme au centre de leurs priorités : la gestion des ressources disponibles est un défis dans de nombreux pays.
3 – Où en êtes-vous dans votre action contre le paludisme (forces, faiblesses) ?
Novartis possède un important programme de lutte contre la paludisme. Il s’intéresse tout particulièrement aux traitements et au renforcement des capacité de recherche et de développement. Novartis a produit plus de 700 millions de traitements Coartem à prix coûtant au secteur public de pays en développement touché par le paludisme, dont 250 millions d’entre eux sous forme de comprimés dispersibles adaptés aux enfants. Nous avons par ailleurs trouvé deux molécules très prometteuses actuellement en phase II de développement clinique.
4 – Comment choisir la meilleure combinaison d’outils dans la lutte ? Quels indicateurs sont les plus révélateurs ?
L’OMS a publié le « Global Technical Strategy » qui est un document général et pertinent visant à aider et à guider les décisions concernant le développement de moyens avérés et à donner les spécifications requises pour le développement d’un nouveau médicament. Le meilleur mixte de moyens et d’outils pour lutter dépend de nombreux facteurs et peut varier d’un pays à l’autre voire varier au sein d’un même pays. Les National Malaria Control Program teams faisant partie des ministères de la santé doivent coordonner le travail de recherche ainsi que celui des organisations et des ONG partenaires. Chaque programme de lutte contre le paludisme est donc propre à chaque pays.
5 – Comment gérer l’incompatibilité entre la rentabilité des labo et la lutte contre la paludisme ?
Il y a un moyen de pousser les entreprises à s’engager et à s’impliquer dans la lutte contre le paludisme. Il faut s’assurer qu’il y a un partage juste et équitable des risques pris par les laboratoires pharmaceutiques et les donneurs (risques liés au développement de nouveaux produits, à leur production et à leur vente). On pourrait aussi reconnaître de manière publique les entreprises qui sont actives dans la lutte contre le paludisme. La FDA (Food and Drug Administration) des USA a démarré un programme pour inciter les entreprises à investir en recherche et développement dans certaines maladies quelque peu abandonnées comme le paludisme ou Ebola. Si un nouveau médicament est découvert, développé avec succès et approuvé par la FDA, l’entreprise pourrait alors recevoir un permis de passer en priorité devant tous les concurrents lors du développement d’un autre médicament. La FDA statuerait alors quatre mois plus rapidement qu’habituellement sur ce nouveau médicament, permettant ainsi à l’entreprise un accès au marché bien plus rapide.
6 – Constatez-vous un lien entre le réchauffement climatique et l’expansion du paludisme ?
Certains indicateurs montrent qu’une hausse de la température pourrait permettre au paludisme de se transmettre à des altitudes plus élevées qu’aujourd’hui dans des régions d’Afrique. Ces zones étaient avant suffisamment froides pour être exemptes de paludisme.
7 – Selon vous, le paludisme est-il utilisé pour promouvoir d’autres sujets (sida, Ebola, réchauffement climatique) ?
Le paludisme est resté pendant de nombreuses années à l’ombre de l’épidémie du SIDA. Mais depuis 8-10 ans, l’attention pour le paludisme est croissante. La lutte contre le paludisme requiert des systèmes de santé publiques plus performants puisque des moyens adaptés et des mesures efficaces ne peuvent être mises en place lorsque les systèmes de santé sont déficients. Ebola a montré que les risques de santé publiques sont bien plus importants que ceux causés par le virus Ebola lui-même : l’impact d’Ebola était extrême sur les personnes souffrant de paludisme et qui n’ont pas reçu de soins adéquats.