Autour de la table des négociations

Table

Avant de s’intéresser au rapport Canfin et à la régulation des CDS, il est important de voir le cheminement d’un texte de loi européen. Trois grandes entités se partagent le travail et ont des rôles bien différents : le Parlement, le Conseil et la Commission. Cette dernière a le quasi-monopole de l’initiative legislative, c’est-à-dire que c’est elle qui propose les sujets qui seront traités par les lois. Une fois cette proposition faite, un rapporteur est nommé, ce dernier étant un parlementaire européen. Cette nomination se fait au sein de la commission parlementaire concernée. Le rapporteur est celui qui va rédiger la loi en réalisant ce travail en compagnie de la Commission. Ces textes sont par ailleurs rédigés avec l’aide des états membres via le Conseil. C’est pourquoi il est important de noter que le Parlement et le Conseil possèdent le même pouvoir : ils sont égaux. Différentes étapes rythment la naissance d’une loi : première lecture, deuxième lecture voire même conciliation. Une fois la loi rédigée, elle doit alors être adoptée par le Parlement et le Conseil. Lorsque cette dernière étape est passée, c’est aux différents états de veiller à son application.

L’organisation des institutions européennes met bien en valeur un grand nombre d’intervenants dans le processus législatif. Cependant il serait naïf de croire que personne ne cherche à modifier ce processus à son avantage. Le rôle et le pouvoir des lobbyistes sont très importants dans les arcades des institutions européennes. Grâce à une influence politique certaine, la place qu’ils occupent autour de la table des négociations est extrêmement importante. Jean-Paul Gauzès, qui était à l’époque membre de la commission des affaires économiques et monétaires, résume parfaitement les différents angles d’attaque des lobbyistes.  » Leur travail d’influence commence dès la préparation du texte à la commission. Les représentants de ces professions commencent auprès des fonctionnaires de la commission à expliquer leur point de vue, les idées à ne pas adopter. Avant de mettre en route un projet de texte, la commission lance une consultation et ceux qui sont intéressés par ce sujet peuvent faire part de leurs remarques. « Les lobbyistes interviennent auprès des gouvernements et des parlementaires. Des gens viennent vous expliquer que vos idées sont idiotes. En général cette phase échoue », nous a déclaré Jean-Paul Gauzès. Face à un député consciencieux, cette première étape n’est là que pour faire valoir les opinions des lobbyistes, en effet le texte étant encore extrêmement jeune, aucune demande précise n’est faite sur le contenu du texte. Si présentées ainsi, ces pressions exercées sur les députés peuvent sembler douteuses, les discussions qui en résultent sont souvent utiles pour les députés qui peuvent ainsi découvrir les points de vue des différents acteurs.

Dans le cadre de la loi de 2012,  » les banques, les fonds, les gens qui font du shadow banking, essaient de faire en sorte que les règles soient les moins contraignantes possibles ». C’est ainsi qu’un député comme Jean-Paul Gauzès a eu 198 réunions avec des lobbyistes (entre 1 et 15 personnes) en l’espace d’un an et demi. Pour organiser ce travail, les banques françaises sont extrêmement bien organisées. Elles sont tout d’abord organisées autour de la fédération bancaire française dirigée par Jean-François Pons, puis ont chacunes des lobbyistes. Face à une telle armée, les députés européens adoptent des positions très différentes : il y a ceux qui ne veulent recevoir personne, il y a ceux qui veulent recevoir tout le monde mais qui ne tiennent pas compte … Par ailleurs, beaucoup de moyens sont utilisés pour amener la loi dans un certain sens voulu tant par les lobbyistes que par des députés opposés. Un bon exemple est l’utilisation des langues. La majorité des textes est rédigé en anglais, mais l’ensemble des députés n’étant pas forcément très à l’aise avec la langue de Shakespeare, il est simple d’introduire des faibles nuances qui ont de fortes conséquences.

Le point de vue présenté ci-dessus est celui des parlementaires européens. Cependant, il nous a semblé utile de rencontrer les personnes qui se trouvaient face à ces élus. C’est pourquoi nous avons rencontré un membre de l’ISDA (International Swaps and Derivatives Association) qui est un organisme ayant eu une place majeure lors de la rédaction de la loi sur les CDS. Leur rôle a été de mettre en valeur les avantages que présentaient de tels produits financiers. En effet, les politiques font souvent l’objet de pressions de la part de leurs électeurs, qui sont souvent opposés à une finance où produits dérivés et trading à haute fréquence sont présents. L’ISDA avait alors pour but de défendre les avantages de tels produits en insistant notamment sur la baisse des taux d’intérêts qu’ils peuvent entrainer (voir Un risque systémique qui fait débat).

Pour plus d’informations sur les négociations et la rédaction de la loi, veuillez consulter la partie : Une loi technique. .

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