Si les médias relaient des accusations explicitement à l’encontre des CDS, les politiques se montrent plus méfiants. C’est toute la catégorie des produits dérivés de gré-à-gré qui sont en général désignés dans les rapports des institutions. Les CDS sont évoqués de manière plus tardive, sûrement sous la pression médiatique. A la suite de la crise financière de 2008, Jacques de Larosière remet en février 2009 un rapport [1] à la Commission européenne sur « l’avenir de la réglementation et de la surveillance financière en Europe ». Le haut fonctionnaire français y évoque l’expansion incontrôlée du marché des produits dérivés et préconise dans la 8ème recommandation la mise en place d’une chambre de compensation centrale.
Les engagements du G20 de Pittsburg de septembre 2009 apparaissent comme un écho à ce rapport. Reconnaissant l’avance de l’innovation financière sur la réglementation, les 20 membres prônent le renforcement des marchés financiers (en particulier la lutte contre les risques systémiques) ainsi qu’une transparence des transactions dérivées. [2]
« Tous les contrats dérivés échangés de gré à gré doivent faire l’objet d’un enregistrement dans des bases de données centralisées ».
« Les contrats dérivés standardisés doivent être échangés sur des plateformes électroniques et compensés dans des chambres de compensation d’ici fin 2012 ».
En décembre 2009, le conseil européen affirme à son tour la nécessité d’une réforme profonde des marchés des produits dérivés, soulignant le besoin d’une réduction des risques de contrepartie et appelant à son tour pour une transparence et une intégrité des transactions de ces produits.
Jusqu’à présent, les CDS ne sont désignés que sous l’appellation plus générale de « produit dérivé de gré-à-gré ». En mars 2010 pourtant, ce sont expressément les CDS que Nicolas Sarkozy, Angela Merkel, Georges Papandreou et Jean-Claude Juncker montrent du doigt dans une lettre ouverte [3]. Ils particularisent les recommandations de la Commission qui découlent du rapport de Larosière en rapport à cet objet spécifique et appellent la Commission à « diligenter une enquête déterminant le rôle et l’impact de la spéculation sur CDS sur les obligations des Etats européens ». Ainsi cette lettre marque un tournant dans la recherche de l’objet à réglementer. elle n’en demeure pas moins énigmatique dans la mesure où les accusations portées à l’encontre des CDS ne se basent explicitement sur aucun travail d’économiste. Elle fait résonance à l’acharnement médiatique contre cet objet financier.
En juin 2010, la résolution européenne intitulée « Marchés de produits dérivés: actions politiques futures » [4] propose : « une plus grande normalisation des produits; l’utilisation de référentiels centraux de données, un recours accru à la compensation par des contreparties centrales (Central Counter-party ou CCP) [et] une utilisation plus générale de systèmes de négociation organisés. » Elle s’appuie explicitement sur les conclusions du rapport de Larosière et les recommandations du G20 de Pittsburg. Néanmoins, et en réponse apparente à la lettre de Sarkozy-Merkel-Papandreou-Juncker, des mentions explicites à l’égard des CDS sont adressées. Ce type de produit est ainsi spécifié dans les termes du texte de loi par rapport aux autres « produits dérivés OTC ». Alors que le Parlement appelle à une « nouvelle (c’est nous qui soulignons) normalisation des conditions juridiques et des objectifs économiques des produits [dérivés OTC]», il constate l’absence de réglementation propre sur l’échange des CDS.
Enfin, la loi EMIR (European Market Infrastructure Regulation) [5] concrétise cet appel en 2012. Les CDS n’y sont pas mentionnés mais encore désignés implicitement sous la catégorie de « produit dérivé de gré à gré »
Références
[1] Groupe de Larosière(DE LAROSIERE, Jacques ; BALCEROWICZ, Leszek ; ISSING, Otmar ; MASERA, Rainer ; Mc CARTHY, Callum ; NYBERGLARS Lars ; PEREZ, José ; RUDING, Onno) Rapport réalisé sur demande du Président de la Commission européenne José Manuel Barroso en octobre 2008, et remis le 25 février 2009, 98 pages, disponible sur http://ec.europa.eu/finance/general-policy/docs/de_larosiere_report_fr.pdf [consulté le 10 janvier 2015]
[2] Déclaration des chefs d’état et de gouvernement, G20 de Pittsburg, septembre 2009, Pittsburgh, disponible sur http://www.g20.utoronto.ca/2009/2009communique0925-fr.html [consulté le 11 décembre 2014]
[3] Lettre ouverte de SARKOZY, Nicolas ; MERKEL, Angela ; Georges PAPANDREOU, et JUNCKER, Jean-Claude à l’attention de José Manuel Barroso, Président de la Commission Européenne et José Luis Rodriguez Zapatero, Président du Gouvernement Espagnol. Disponible sur http://www.lefigaro.fr/assets/pdf/Lettre-Sarkozy-Merkel-Papandreou-Juncker.pdf [consultée le 20 décembre 2014]
[4] Commission des affaires économiques et monétaires, (rapporteur : LANGEN, Werner), Rapport sur les marchés de produits dérivés : actions politiques futures (2010/2008(INI)), 7 juin 2010, disponible sur http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-//EP//TEXT+REPORT+A7-2010-0187+0+DOC+XML+V0//FR [consulté le 30 février 2015]
[5] Règlement (UE) N°648/2012 du Parlement Européen et du Conseil du 4 juillet 2012 sur les produits dérivés de gré à gré, les contreparties centrales et les référentiels centraux, disponible sur http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:32012R0648&from=FR [consulté le 5 décembre 2014]