Une guerre des chiffres

contro-pieto/ juin 5, 2017/ Guerre des chiffres

Cette page vous propose de voir l’intégralité du problème des chiffres qui rythment la controverse. En effet, ces chiffres sont nombreux car ils sont issus de rapports différents. De plus, la production de rapports distincts pose la question de leurs résultats qui peuvent être discordants.

Pourquoi plusieurs rapports ?

GUERRE, n.f. Lutte entre des personnes, hostilité [1]

L’expression « guerre des chiffres » est employée pour la première fois par la journaliste du Monde, Leatitia Van Eeckhout, afin d’objectiver l’enjeu qui existe derrière la publication de plusieurs rapports d’enquête. L’expression est particulièrement adaptée puisque ces rapports ont des conclusions divergentes à propos de l’impact réel de la piétonisation sur Paris. L’expression est par la suite relayée dans des articles de presse et semble dire quelque chose sur l’arène dans laquelle se déroule la controverse.

Nous pouvons diviser les rapports en deux catégories : ceux commandés par la région Ile-de-France, et ceux commandés par la mairie de Paris. Ces deux types de rapports produisent des résultats différents quant aux effets de la piétonnisation des berges rive droite. Un problème se pose donc : pourquoi existe-t-il plusieurs rapports ?

La question de l’existence de deux catégories de rapports peut effectivement se poser. Au premier abord, celle de l’existence des rapports de la région Ile-de-France semble peu pertinente. La mairie ayant la compétence en matière de voirie, il est nécessaire de se demander pourquoi la région a commandé ces rapports. Si sa légitimité à le faire paraît faible, elle existe réellement dans les conséquences qu’a la fermeture des berges rive droite. La mesure impacte les automobilistes, parisiens comme franciliens. Les habitants de la région qui prenaient quotidiennement leur voiture pour traverser Paris sont donc directement touchés par cette dernière. En publiant des rapports, la région Ile-de-France peut ainsi pointer du doigt les inconvénients de la fermeture des voies sur berge.

Durant cette controverse, la région Ile-de-France et la mairie de Paris se sont fortement opposées notamment au sujet des impacts que la piétonisation de la rive droite aura sur Paris. C’est par presse interposée que Valérie Pécresse et Anne Hidalgo défendent leurs position : alors que la première affirme que le projet aura des conséquences désastreuses sur la circulation et la qualité de l’air, la seconde assure le contraire. Pour étayer leur propos, chacune se dote d’un comité de suivi pour apporter des preuves scientifiques. Valérie Pécresse s’appuie sur l’IAU tandis qu’Anne Hidalgo finance des rapports réalisés notamment par Airparif ou BruitParif. Les rapports de l’une et de l’autre se contredisent alors.

A titre d’exemple, dans un rapport d’étape[2] faisant le bilan de la période hivernale de 2016, l’IAU constate un report conséquent de la circulation, à la suite de la fermeture des voies sur berge rive droite:

« sur les deux principaux itinéraires de report (quais hauts et boulevard Saint-Germain), les augmentations de trafic sur l’ensemble de la journée demeurent toujours aussi significatives »

Cependant, questionnée par la Commission d’enquête publique en août 2016[3], la ville de Paris assurait :

« Le report principal de circulation sur le quai haut rive droite ne représentera qu’une partie limitée (moins de 25%) du trafic actuel du quai bas et, au global, les flux cumulés quais bas et quais hauts seront en baisse, entraînant également localement un impact positif sur la qualité de l’air comme le volet « air et santé » de l’étude d’impact le démontre.».

Face à ces résultats contradictoires, le dialogue semble stérile : tandis que Valérie Pécresse estime que les chiffres révèlent la gravité de la situation[4], les soutiens d’Anne Hidalgo les contestent et dénoncent une campagne de désinformation de la part de Présidente de la Région Ile-de-France[5].

[1] Larousse en ligne


[2] Institut d’aménagement et d’urbanisme d’Ile de France (2017), Comité régional de suivi et d’évaluation des impacts de la piétonisation des voies sur berge rive droite à Paris – 3e rapport d’étape – Bilan septembre à décembre 2016, Paris, 32 p. Consulté le 12 avril 2017. Disponible sur : https://www.iau-idf.fr/fileadmin/DataStorage/SavoirFaire/NosTravaux/Amenagement/voiesberges/Rapport3-ComiteRegionVSB-19012017.pdf

[3] Mairie de Paris (2016), Rapport d’enquête – Enquête publique – projet d’aménagement des berges de seine rive droite a paris – du mercredi 8 juin 2016 au vendredi 8 juillet 2016 inclus, Paris, 104 p. Consulté le 12 avril 2017. Disponible sur https://api-site.paris.fr/images/84463.

[4] PIALOT D., « Voie sur berges : la guerre des chiffres », La Tribune, publié le 27 janvier 2017. Consulté le 31 mai 2017. Disponible sur http://www.latribune.fr/regions/ile-de-france/voies-sur-berges-la-guerre-des-chiffres-633663.html

[5] VAN EECKHOUT L., « Circulation à Paris, la guerre des chiffres », Le Monde, publié le 18 novembre 2016. Consulté le 31 mai 2017.

Différence entre les chiffres

Les rapports montrent tous, dans l’ensemble, une hausse du temps de trafic aux heures de pointe, une hausse des décibels sur ces horaires, ainsi que légère hausse du temps de trajet pour les transports collectifs : seule l’interprétation des chiffres diffère.

Dans ses conclusions[6], l’IAU pointe une augmentation du temps de circulation au cours du mois de novembre 2016, imputable au report sur les quais hauts et le Boulevard St-Germain.

Source : Comité régional de suivi et d’évaluation des impacts de la piétonisation des voies sur berge rive droite à Paris – 3e rapport d’étape de l’IAU

Plus largement, le comité régional note une augmentation de 74% du temps de trafic, entre septembre 2015 et septembre 2016.

Une augmentation du temps de parcours est également constatée par la Ville de Paris mais elle n’est pas du même ordre : l’allongement serait de 39% entre 2015 et 2016[7]

Il y a donc bien un point sur lequel tout le monde s’accorde : les temps de parcours sont allongés du fait de la fermeture des voies sur les berges rive droite. Cependant, l’interprétation des chiffres donnés, qui sont différents mais qui convergent tout de même, s’avère moins consensuelle. En effet, alors que la Ville affirme que « La situation est donc encourageante et cohérente avec les prévisions de l’étude d’impact », Valérie Pécresse estime que « la pollution de l’air s’aggrave».[8]

L’absence d’interprétation uniforme s’avère d’autant plus problématique que selon Olivier Blond[9], Président de l’association Respire et membre du conseil d’administration d’Airparif, certains opposants au projet se seraient servis des chiffres à tort, notamment en omettant les travaux publics et les grèves de RER durant l’été alors que ceux-ci ont eu un impact sur le trafic routier.

En somme, s’il existe des contradictions, entre les différents rapports, portant sur la hauteur des chiffres,  Christophe Nadjovski les explique par une différence de méthodologie. Il affirme notamment que les rapports commandés par la Mairie de Paris suivent une méthodologie stricte, une méthodologie qui serait différente de celle adoptée par l’IAU [10]. En outre, les rapports ne se baseraient pas sur les mêmes données[11] : les différents comités d’enquêtes ne s’appuieraient pas sur les mêmes jours, ni sur les mêmes tranches d’horaire, ce qui expliquerait les divergences. Ceci sous-entendrait donc que la région et la ville ne mesureraient pas les mêmes phénomènes, de sorte que le débat autour des chiffres n’aurait plus lieu d’être.

[6] Institut d’aménagement et d’urbanisme d’Ile de France (2017), Comité régional de suivi et d’évaluation des impacts de la piétonisation des voies sur berge rive droite à Paris – 3e rapport d’étape – Bilan septembre à décembre 2016, Paris, 32 p. Consulté le 12 avril 2017. Disponible sur : https://www.iau-idf.fr/fileadmin/DataStorage/SavoirFaire/NosTravaux/Amenagement/voiesberges/Rapport3-ComiteRegionVSB-19012017.pdf

[7] VAN EECKHOUT L., « Circulation à Paris, la guerre des chiffres », Le Monde, publié le 18 novembre 2016. Consulté le 31 mai 2017.

[8] PIALOT D., « Voie sur berges : la guerre des chiffres », La Tribune, publié le 27 janvier 2017. Consulté le 31 mai 2017. Disponible sur http://www.latribune.fr/regions/ile-de-france/voies-sur-berges-la-guerre-des-chiffres-633663.html

[9] BLOND O., « Berges de Seine : aux opposants de bien lire les documents d’Airparif avant de s’exprimer ! », Le Monde, publié le 14 septembre 2016. Consulté le 28 mai 2017. Disponible sur : http://www.lemonde.fr/idees/article/2016/09/13/berges-de-seine-aux-opposants-de-bien-lire-les-documents-d-airparif_4996819_3232.html

[10] « Voies sur berges : « des difficultés localisées dans le centre de Paris », interview téléphonique avec Christophe Najdowski, RTL

[11] VAN EECKHOUT L., « Circulation à Paris, la guerre des chiffres », Le Monde, publié le 18 novembre 2016. Consulté le 31 mai 2017