La décroissance, un horizon inéluctable ?
Chronologie de la partie :
Des théories de la croissance à la politique
La critique du capitalisme par les décroissants
Les dangers d’un « éco-soviétisme »
Dans Le Nouvel ordre écologique, Luc FERRY retrace l’histoire des mouvements écologistes et met en garde contre le discours catastrophiste des décroissants et dénonce la tendance des écologistes à la « Révolution conservatrice ». Il fustige le discours des écologistes catastrophistes, en les accusant de maquiller en vert leurs critiques du libéralisme. Pour lui, les contestations écologistes sont nées dans la prise de conscience de l’horreur du maoïsme, qui avait fait 70 millions de mort. C’est alors que certains écologistes se seraient demandé « comment continuer à critiquer les sociétés démocratiques libérales, sans être maoïstes » et rappelle la célèbre expression de Lipietz, qui serait passé du « rouge au vert ». Même s’il avoue que tous les écologistes n’ont pas eu ce parcours, il dénonce le catastrophisme de certains, comme Nicolas Hulot ou Al Gore, qui voudraient « passer de la parole aux actes », ce qui pourrait remettre en cause le modèle démocratique.
Et beaucoup de décroissants sont conscients des risques totalitaires de l’écologie. Interrogé sur le sujet, Giorgos KALLIS, économiste et chercheur pour la décroissance à l’université autonome de Barcelone, dit comprendre les inquiétudes de certains défenseurs de la démocratie. Pour lui, les idées de la décroissance doivent être diffusées par la démocratie et non pas contre la démocratie. Il ne faudrait pas vouloir forcer les citoyens à adopter des mesures de décroissance, car alors, on entrerait dans un totalitarisme vert, qui n’a rien de souhaitable. C’est d’ailleurs pour lutter contre cet écueil, que des chercheurs pour la décroissance s’intéressent à de nouvelles formes de société, centrées sur une démocratie plus locale, plus proche des citoyens, et plus participative. Giorgos KALLIS aimerait que les idées de la décroissance soient diffusées de la même façon que les idées des droits de la femme, et défendues comme la contraception : avec l’appui d’une classe politique proche du pouvoir, ces idées se sont démocratisées grâce à l’action d’associations féministes, et, ont connu une résonnance dans la société, qui a fini par les accepter car elle avait compris que ces réformes lui seraient profitables.
Le recours à la contrainte, pour sauver l’environnement, n’est pas envisagé, ou même envisageable, pour beaucoup de décroissants. Pourtant, la question fait débat au sein même de ceux qui se réclament de la décroissance. Ainsi, pour Yves COCHET, on sera amené à prendre des mesures d’exceptions pour une situation d’exception : imposer un « rationnement », limiter les possibilités de voyages et de déplacement par exemple.
Les limites de l’opposition écologiste au capitalisme
Pour Harribey, si certains décroissants exigent une « sortie de l’économie », c’est parce qu’ils confondent la rationalité de l’économie, qui vise à améliorer le sort de l’humanité, en réduisant, en économisant l’effort individuel de l’homme, et la « rationalité de la rentabilité », qui, selon lui, s’apparente à la recherche du profit maximal. Il faut sortir de cet amalgame : la recherche de la productivité ne doit plus être confondue avec le productivisme, de même que l’économie ne serait être réduite aux défauts du capitalisme.
Sources :
HARRIBEY, « Développement ne rime pas forcément avec croissance ».Le Monde Diplomatique, juillet 2004. http://www.monde-diplomatique.fr/2004/07/HARRIBEY/11307#nh18
FERRY L, (16 mai 2010), Plus clair, émission de canal +. http://player.canalplus.fr/#/345590
KALLIS G., 17 février 2010, Entretien, Université Autonome de Barcelone.
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LA CONTROVERSE
• La croissance économique au secours de la croissance démographique
• Qui de la croissance ou de la décroissance est au service de l’éthnocentrisme européen