La décroissance, un horizon inéluctable ?
Chronologie de la partie :
Comment quantifier l’influence de l’homme sur la nature ?
Les prélèvements
Indice de réserves : linéaire ou exponentiel ?
Avant les années soixante-dix, la durée de vie des gisements s'estimait à l'aide d'un indice statique : les réserves connues étaient simplement divisées par la consommation annuelle. On obtenait ainsi un ordre de grandeur en années.
Les auteurs du rapport du Club de Rome, Limits to Growth, [1] ont préféré à cet indice statique un indice exponentiel pour traduire l'épuisement accéléré des ressources sous l'effet de la croissance. En effet, la consommation croit d'année en année de façon exponentielle, ce qui réduit d'autant la durée de vie des gisements. L'indice exponentiel est donné par la formule :
Avec :
g : croissance de la consommation + 1
R : réserves connues
C : consommation actuelles
y : nombre d'années restantes
Les conclusions sont alors bien différentes :
D'après ces données, les réserves connues en pétrole (en 1972) se seraient épuisées en 1992. Cela ne signifie pas pour autant que le monde se serait trouvé en pénurie compte tenu des découvertes. Cela dit l'indice exponentiel donne une idée plus juste de la vitesse avec laquelle s'épuisent les ressources.
Quelles réserves ?
Le calculs d'indices sur la base des ressources connues a donné lieu à quelques malentendus :
•de la part de certains écologistes qui ont par exemple annoncé l'épuisement total du pétrole pour 1992 (ce que ne disait pas le rapport du Club de Rome)
•de la part de sceptiques qui ont vu dans la permanence du pétrole après 1992 la preuve de l'incompétence des auteurs du rapport (entre autres, Bjorn Lamborg dans L'Ecologiste sceptique) [2]
Il convient de différencier
•gisement, terme scientifique, accumulation de matériel géologique
•réserve, terme minier, désignant les ressources exploitables
Un gisement devient une réserve si les conditions suivantes sont réunies :
•autorisation politique
•faisabilité technique
•rentabilité (seuil économique d'exploitabilité atteint)
Les réserves mondiales varient donc avec :
•des décisions comme le traité sur l'Antarctique qui y interdit l'exploitation de ressources minérales
•les percées technologiques comme celles qui permettent aujourd’hui d'exploiter les gisements non-conventionnels (sables bitumineux)
•le prix des minerais ou du baril qui rend ou non rentable l'exploitation de certain gisements
Les grandes variations entre les différents calculs tiennent à l'estimation des réserves probables.
Prenons l'exemple du pétrole : Colin Campbell et Jean Laherrère, géologues, membres de l'association pour l'étude du pic pétrolier et gazier (ASPO) :
« notaient d’abord que les estimations des réserves mondiales étaient imprécises et fluctuantes, tant pour des raisons techniques que politiques. » [3]
Les compagnies pétrolières et les pays exportateurs de pétrole ont tendance à surévaluer leurs réserves. La production des pays de l'OPEP est en effet indexé sur leurs réserves : pour pouvoir produire plus, il leur suffit d'enfler leurs réserves. Ainsi Laherrère estime que « tous les membres de l'OPEP trichent et sur les réserves et sur les productions » [4][5]. Les agences d'état comme l'United States Geological Survey [6] (qui fait pourtant autorité) ne sont pas non plus à l'abri de conflits d'intérêts.
Sources :
[1] Meadows D. & al. (1972). Limits to Growth.
[2] Lamborg B. L'Ecologiste sceptique : 121
[3] Perrodon A & Masset J-M. Il y a juste dix ans. 10 Enjeux des géosciences. BRGM : 21
http://www.brgm.fr/publication.jsp
[4] Laherrère J. (2007). La si difficile évaluation des ressources et réserves entre technologie, marche et géopolitique. Conférence au Festival International de Géographie
http://aspofrance.viabloga.com/files/JL-FIG-reserves.pdf
[5] Laherrère J. (22/05/2008). Présentation à l'école des mines de Paris
http://aspofrance.viabloga.com/files/MinesdeParis-22Mai08.pdf
[6] Gautier D. Un point de vue géologique sur l'avenir du pétrole. 10 Enjeux des géosciences. BRGM : 18
LA CONTROVERSE
• La croissance économique au secours de la croissance démographique
• Qui de la croissance ou de la décroissance est au service de l’éthnocentrisme européen