La décroissance, un horizon inéluctable ?

Chronologie de la partie :

 

Une croissance limitée ?

Contre l’état stationnaire ou la décroissance: les cycles économiques.

Les crises annoncent-elles la fin de la croissance ?


Pour les décroissants, la crise qui secoue aujourd’hui l’économie mondiale est la preuve que la croissance ne peut être éternelle. Pour beaucoup, comme pour Jancovici, nous sommes déjà entrés en décroissance, et Giorgos Kallis, organisateur du colloque pour la décroissance de Barcelone (février 2010), avoue volontiers que la crise a poussé de nombreux économistes ou chercheurs à rejoindre les mouvements de décroissance.


Pourtant, cet argument est violemment repoussé par les tenants d’une croissance verte, comme Claude Allègre, qui jure, en s’inspirant des travaux des économistes néoclassiques sur les cycles de croissance, que notre crise n’est pas systémique, et, qu’elle sera résolue, comme les précédentes, par l’émergence de nouvelles technologies. 


Cette opposition se retrouve en fait entre les classiques et les néoclassiques: les seconds remettent en cause l’idée même d’état stationnaire, en développant des théories autour du retour inexorable de la croissance, après toute période de récession. Pour eux, la croissance est la seule direction possible de notre économie.


Les cycles de Kondratieff (1926) : toute phase de croissance est suivie d’une récession.


Dans un cycle économique, selon Kondratieff, la phase ascendante s’accompagne progressivement d’un excès d’investissement réalisé par les entreprises pour faire face à la concurrence. Ceci provoque une hausse des prix, les industriels répercutant leurs coûts de production sur le prix des produits. Face à la forte demande de monnaie, les taux d’intérêts augmentent. Il s’ensuit un déclin de l’activité économique durant laquelle les prix baissent, à cause de l’excès de l’offre et de la baisse de la demande.


La baisse de la consommation et des investissements entraîne une diminution de la demande de monnaie, ce qui permet une purge du système et prépare le terrain pour une nouvelle phase de croissance.





Graphique


Les innovations techniques au secours de la croissance


Pour Joseph Schumpeter, les phases de croissance décrites par Kondratieff, sont lancées par la découverte de nouvelles technologies : elles correspondent à des périodes de diffusion et d’amortissement des innovations.  Durant ces périodes, la demande de biens est forte, ce qui permet une augmentation générale de la production et assure donc la croissance du PIB (Produit Intérieur Brut). Peu à peu, lorsque les agents économiques sont équipés en nouveaux produits, la demande baisse, alors que la concurrence entre les entreprises est de plus en plus rude. On parvient alors au point de retournement du cycle. La phase de récession correspond à l’élimination des stocks, à la fermeture des entreprises et des filières les moins rentables -ce que Schumpeter appelle le phénomène de « destruction créatrice », et à la préparation d’une nouvelle vague d’innovations.


Dans le modèle de Solow, qui fait l’hypothèse des rendements décroissants, l’état stationnaire prédit par les classiques n’est jamais atteints, en raison du progrès technique qui accroit la productivité. Ainsi, dans le long terme, la croissance provient du progrès technologique.


La croissance stimule les innovations techniques : limite de la loi des rendements décroissants


Plus encore, pour Paul Romer, la croissance génère elle-même le progrès technique. Ainsi, les rendements ne peuvent plus décroitre : la croissance engendre un progrès technique qui les rend constant, voire les améliore, et la croissance n’a donc plus de limite ! Grace à l’innovation technique, la croissance s’auto-entretient : elle génère l’innovation technique qui lui est nécessaire.


Comment la croissance engendre-t-elle l’innovation technique ?

  1. Plus on produit, plus on apprend à produire efficacement

  2. La croissance permet une accumulation de capital humain, grâce à l’éducation, la main d’œuvre est mieux formée, et plus en clin à innover.

  3. La croissance permet de financer des infrastructures qui stimulent l’innovation, comme les moyens de communication.


En fait, les avancées technologiques et l’enseignement échappent à la loi des rendements décroissants, ce qui rend caduque cette théorie, dans une société toute tournée vers la diffusion des savoirs.


Paul Romer, tenant de la théorie de « la croissance endogène »,  insiste sur le fait que la croissance a changé de forme au cours de l’histoire, et qu’on a «changé les recettes ». Il ne s’agit pas seulement de cuisiner plus, avec les mêmes recettes, mais de découvrir de nouvelles recettes plus efficaces, qui permettent de produire moins d’effets indésirables. Pour lui, chaque génération a perçu les limites de la croissance, que les ressources limitées et les effets indésirables induisent en l’absence d’innovation. Et chaque génération a sous-estimé son potentiel de découverte, ne parvenant pas à imaginer les innovations du futur.


Pourtant, « le modèle général recouvrant l'ensemble des formes du progrès technique est sans doute trop complexe pour être élaboré, ce qui limite la portée des résultats obtenus puisque les interactions entre plusieurs formes existantes sont ignorées», et l’optimisme de Paul Romer est critiqué par les décroissants, qui ne trouvent pas dans les découvertes passées, la preuve que les innovations nous sortiront une fois de plus de l’impasse écologique qui se profile.


Sources :


AYRES R., On the Practical Limits to Substitution, Ecological Economics Vol. 61, N°1, pp115-128, Février 2007


ROMER, P.M. (2002) Economic Growth, In The Concise Encyclopedia of Economics: Library of Economics and Liberty


GUELLEC D. et RALLE P. (1995), Les Nouvelles Théories de la croissance, La Découverte,  p. 90

 

LA CONTROVERSE


  1. Une autre approche économique


  1. Une croissance limitée ?

  2. Le point de vue des classiques

  3. Les cycles économiques

  4. De l’entropie en économie : la décroissance comme seul horizon ?


  1. Peut-on parier sur les percées technologiques ?

  2. La croissance verte

  3. Le point de vue des décroissants


  1. Des théories de la croissance à la politique

  2. Libérer ou réguler l’économie pour sauver l’environnement ?

  3. Pour des meilleurs instruments de mesure de la croissance

  4. La critique du capitalisme par les décroissants


  1. La croissance au secours des pauvres

  2. La croissance économique au secours de la croissance démographique

  3. Les décroissants pour une réduction de la natalité ?

  4. Qui de la croissance ou de la décroissance est au service de l’éthnocentrisme européen


  1. L’enjeu environnemental


  1. Comment quantifier l’influence de l’homme ?

  2. Les prélèvements

  3. Les rejets

  4. Une mesure globale, l’empreinte écologique


  1. Le lien empreinte/croissance

  2. Conditions de production

  3. Courbe de Kuznets environnementale

  4. Que vaut cette courbe de Kuznets environnementale ?


  1. Les prédictions des décroissants

  2. La catastrophe malthusienne

  3. Epuisement des ressources

  4. Empreinte écologique excessive


  1. Un autre mode de vie ?


  1. L’augmentation des besoins


  1. La santé : une croissance pathogène ?


  1. Le rapport au travail

  2. Chômage et conditions de travail

  3. Progrès technique et emploi

  4. Le plein emploi sans croissance


  1. Inégalités sociales

  2. Croissance et recul des inégalités

  3. Critique de la courbe de Kuznets


  1. Projet social des décroissants

  2. La convivialité selon Illich

  3. Pour une décroissance conviviale, aujourd’hui

 


...page précédente                    ...                   page suivante...