Jean-Marc Ferry -
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Entretien réalisé le 24 mars 2015, au domicile de Jean-Marc Ferry à Paris.
Comment vous êtes vous intéressé au revenu de base ?
« Lorsque je faisais ma thèse, je n’avais pas de subventions et je devais gagner ma vie. J’avais eu une commande sur les effets et conséquences de la diffusion des automatismes industriels dans les tissus économiques français et européens. Pour gagner ma vie, pendant ce temps j’avais reçu des textes de juristes allemands, qui avaient fait une étude sur la « doctrine des dettes odieuses ». A premier vue, il n’y a aucun rapport entre la diffusion des automatismes industriels dans les secteurs secondaires, tertiaires et primaires. Néanmoins, il en existe un et c’est cette allocation universelle.
Pourquoi ? Le raisonnement que j’ai tenu en relation avec la question de l’automatisation, c’est que si on raisonne sur le circuit économique monétaire, on a cette image d’un centre qui est l’entreprise et qui réalise deux opérations qui doivent être congruentes entre elles sur le marché. Donc d’un coté, elle produit des services et de l’autre en contrepartie elle verse des revenus sous forme de salaires. Ces revenus distribués vont aux ménages qui emploient une garde partie de leurs revenus pour la dépense qui va se porter sur le marché pour rencontrer la production qui se présente sous forme d’offre. La rencontre entre cette offre et cette demande est supposée être harmonisée par le mécanisme des prix.
La réflexion qui vient à l’esprit lorsque l’on raisonne sur la diffusion des automatismes, c’est que à la limite il n’y aurait plus de motifs de verser des revenus du travail en contrepartie de la production réalisée et que la production organique du revenu sera essentiellement des revenus du capital, qui ne suffisent pas a absorber la production. En effet avec un revenu élevé, on a une propension à épargner plus grande. On en peut pas supposer raisonnablement que la dépense des ménages viendra absorber cette offre. On risque la crise de surproduction qu’aucun système économique ne peut se permettre. On sera obligé d’alimenter les revenus des ménages de façon continue, sans contrepartie.
Pour des raisons anthropologiques, il faut que les individus puissent se construire une identité personnelle dans la reconnaissance sociale qui implique le travail, d’où le fait que j’ai relié l’idée d’un revenu de base à l’idée d’un secteur quaternaire d’activité qui ne seraient pas de type conventionnelles. C’est le seul élément d’utopie que je puisse reconnaitre a mon projet qui correspond à l’esprit romantique du travail tel que Marx avait pu l’étudier. C’est à dire l’idée que dans l’utopie marxienne, idéalement dans le travail et le produit de son travail le travailleur peut se reconnaitre et se réaliser, tant que se serait des activités autonomes et personnelles. Cela peut être dans tous les domaines du moment que ce n’est pas mécanisable, morcelable ou remplaçable par la machine. Cela peut être des activités matérielles, artistiques, communicationnelles,intellectuelles, peu importe. Le domaine est riche. Ce n’est pas totalement utopique au sens ou cela se développe sous nos yeux.
Pour moi le revenu de base est un gadget si ce n’est pas relié de façon interne à cette question de l’émergence et du développement d’un secteur quaternaire. »
Comment être sur que les gens fassent ce choix d’effectuer des activités enrichissantes qui rapportent à la société ? Qu’est ce qui garantit qu’ils ne choisiront pas de rien faire ?
« Il y a la un pari anthropologique. D’une part je pense qu’il faut que les gens soient libres. Cela les rendra plus motivés. L’Etat social actif actuel qui veut toujours renforcer la conditionnait de l’aide sociale avec des menaces à la clef, ceci est désincitatif et angoisse terriblement les gens.
Le pari que je prends c’est que d’abord il y aura de la casse sociale, mais que sur le moyen et long terme les gens ont besoin d’une identité et qu’il n’existe pas d’identité à la naissance, cela dépend de ce que l’on fait. L’identité est liée à la reconnaissance donc ce que l’on fait. Les gens ont besoin d’une identité et ne peuvent pas se faire reconnaître autrement que par leurs prestations. Comme le secteur d’activités quaternaires est un secteur libre, cela convient parfaitement aux idéaux de la jeunesse et il y aura des effets avec des échecs mais les gens tenteront de se faire reconnaitre grâce aux activités de leur choix. »
Restera-til un partage du travail ?
« Il y a un autre pari c’est que les taches dégradantes sont des taches qui ne sont pas intéressantes et qui sont automatisable. Tout ce qui est personnel peut susciter l’intérêt. Je ne vais pas décrire un paradis, mais je did que d’abord il fait faire confiance qu’ensuite il faut donner la liberté et que les gens ont besoin d’une reconnaissance trouvée dans leur activité au sein de la société. Donc tôt ou tard, ils tacheront de s’insérer, non pas dans le système de l’emploi mais dans les activité quaternaires.
Les seuls objections auxquelles j’ai dû faire face sont des objections idéologiques, jamais des objections techniques. »
Est-il possible de débattre vraiment du revenu de base, alors que tout le monde en a une idée différente ?
« Faisons un petit retour en arrière, selon moi, si on reprend l’histoire de la dette des pays du Sud à l’égard du Nord, cette dette a été déclenchée par les banques du Nord pour financer leur développement et, pendant longtemps la dette du Sud à l’égard du nord a été très fonctionnelle. Le Nord a besoin de constituer une demande solvable du reste du monde.
La création de moyens monétaire est fonctionnelle, mais ce n’est pas érable dans notre système actuel. Il faudrait remplacer le crédit par l’alimentation de revenus sans contrepartie. Les déficits et les endettements que l’on stigmatise sont fonctionnels. Il ne faut pas s’effaroucher des déséquilibres, des endettements et des déficits. L’économie ne peut pas uniquement fonctionner sur la croissance.
Il faudrait créer une monnaie internationale et pouvoir distribuer aux pays du Sud des revenus sans contrepartie. Cela implique beaucoup de choses, même si c’set complexe. Pour revenir à la question, on en parle pas de la même chose certes. J’ai des hypothèses qu’ils n’ont pas. Pour moi la création monétaire ex-nihilo est fonctionnelle et indispensable. De plus, la question du montant est selon moi idéologique. »
Vous voyez le revenu de base à quel montant ?
« J’étais parti d’une hypothèse de 15 % du PIB, qui est intuitive. J’ai raisonné de la façon suivante.
En me demandant quelles économies de substitution nous pourrions obtenir à partir du versement d’une allocation universelle, ie. quelles prestations cal pourrait-il nous épargner. En même temps il y a la question du montant de l’allocation qui doit être assez important pour permettre aux ménages de vivre décemment. Donc dans ce raisonnement intuitif j’en suis arrivé à l’idée que les économies de substitutions rentraient dans 7% du PNB.
J’ai don raisonné qu’il fallait une couverture partielle via les économies de substitution, et cela ne peut pas atteindre 50% de l’allocation au final. Concernant le montant cela atteindrait je pense près de 900€ par mois.
Cela ne règle pas la compétition et l’accès à l’emploi. Ce n’est pas grave car les gens ont donc un socle et s’ils se cassent la figure ce n’est pas dramatique. De plus, les banques sont plus incitées à prêter car il y a une petite garantie. Donc il y a une liberté réelle beaucoup plus forte. Ils peuvent mieux négocier leur emploi et leur profil d’emploi. »
A quelle échelle voyez vous le revenu de base ?
« A l’échelle européenne.
Dans une hypothèse de tension inflationnistes fortes, il est indispensable d’avoir une assiette économique puissante. Ce qui compte c’est le différentiel d’inflation avec les autres régions avec lesquelles on est en relation commerciale. Dans la mesure ou dans l’UE la part du commerce intra-communautaire est forte, la contrainte extérieure diminue. La pression que peuvent exercer les taux de change à l’extérieur de l’Europe est plus faible si la surface de la région dans laquelle on instaure l’allocation universelle est grande. C’est la raison pour laquelle j’avais pensé à l’UE.
On ne peut pas faire fi de l’inflation, même si on commerce uniquement entre nous. On ne peut pas faire l’impasse sur ces tensions inflationnistes et on doit avoir une couverture suffisante pour y faire face. Il faut trouver les 8 points qui resteraient.
Il y aurait un volet bancaire et un volet fiscal.
Il faut rationaliser la fiscalité et ne retenir en prélevant que les revenus très intéressants. Il faut faire le deuil de la justice par l’impôt, c’est répressif et anti économique, et essayer de la retrouver par l’autre côté, ie. dans les transferts.
Il faut jouer sur la modulation des prestations sociales en fonction des situations et non pas sur els prélèvements fiscaux.
Ce qui m’intéresse le plus, ce n’est pas le volet fiscal ; il n’est pas puissant. Il faut un autre système qui est le sytème bancaire ; il est puissant.
Imaginez une situation où il n’y aurait plus qu’une seule monnaie bancaire ie, la monnaie électronique. On aurait pas de monnaie fiduciaire.
On a une seule banque et une seule monnaie. la possibilité de création monétaire est infinie. Les banques peuvent s’acheter autant de monnaie qu’elles le souhaitent.
Ce fut le cas des USA, ils possédaient la monnaie internationale et pouvaient créer du dollar a volonté. Quand on possède la monnaie unique, le pouvoir d’achat absolu, on a la puissance économique. Ce que j’entend par la c’est que si les banques étaient encadrées par une charte européenne, avec des missions de responsabilités sociales, elles pourraient jouer un grand rôle, ) la fois sur les transactions, quelles pourraient affecter à des comptes individuels, qui n’auraient pas une forte liquidité.
Le truc, serait de créer une M4, c’est à dire un degré de liquidité très faible. Les montants d’allocation universelle seraient individuels, mais les comptes sans être bloqués serait peu liquides. Il y aurait des droits de tirages sociaux dans des situations qui sont animés par des services quelconques et qui examinerait les situations particulières qui justifient que l’on fasse un tirage d’argent sur son compte. Sinon, c’est bon pour al capitalisation, comme la retraite.
Les individus serait propriétaire de ce pactole, mais ça n’aurait pas d’impact inflationniste direct.
En forçant les Etats à rétablir des équilibres budgétaire, on détruit leur tissu social (cf. la Grèce ou encore le Portugal). Il ne faut pas protéger sa monnaie.
Au lieu de jouer sur le revenu disponible pour les gens, il faut jouer sur la liquidité.
Il faut comprendre trois choses :
il faut dépasser le fétichisme des équilibres. L’orthodoxie est un naufrage.
il faut faire le deuil de l’impôt. Je dis ça brutalement mais il ne faut plus compter avant tout sur l’impôt pour assurer le financement de l’économie.
la monnaie est un bien commun qui doit être contrôlée par l’Etat.
Le défaut de la construction européenne, c’est que c’set une garde entreprise de privatisation de la monnaie. Le système bancaire doit être domestiqué. Ce serait une bonne chose qu’il y ait une carte bancaire européenne qui assigne à la BCE une mission de responsabilité sociale. On ne se trouve pas dans cet état d’esprit. »