Comme nous l’avons vu, les impacts de l’obtention puis de l’organisation d’un événement sportif sont extrêmement nombreux et pluriels. Se pose alors la question de comment évaluer ces impacts. En effet, connaître les formes que peut prendre l’impact est une chose, mais tous les acteurs veulent surtout pouvoir prévoir ou évaluer les effets réels de l’organisation d’un événement sportif.
Acteurs impliqués
Plusieurs acteurs sont ici impliqués. Tout d’abord, les possibles pays organisateurs qui veulent déposer leurs candidatures, et les hommes politiques à leur tête, souhaitent bien évidemment connaître la rentabilité de celle-ci. Ils font donc appel à des experts pour qu’ils estiment les retombées (étude ex-ante). Les impacts prévisionnels ainsi obtenus sont confidentiels et ne sont pas diffusés au public. On pourrait aussi imaginer que ces acteurs demandent d’évaluer les retombées réelles après l’événement (étude post-ante), mais ce n’est que très rarement le cas.
On constate par ailleurs que les institutions financières s’intéressent aussi à ce sujet, mais sur une période beaucoup plus centrée sur l’événement. Les résultats qu’ils obtiennent sont cette fois-ci relayés à travers la presse.
Enfin, les organisateurs sportifs, à l’origine de l’appel à candidature pour l’événement, ne s’intéressent finalement que peu aux mesures d’impacts pour les pays organisateurs. Ils réfléchissent plutôt de manière égocentrique, en privilégiant leur intérêt lors de l’attribution des événements. Par exemple, pour l’attribution de la Coupe du Monde 2002, le choix s’est porté sur des pays, la Corée du Sud et le Japon, à fort potentiel de développement pour la FIFA, c’est-à-dire des pays qui, à terme, lui rapporteraient beaucoup d’argent.
Impacts pris en compte
Une des premières questions quand on veut mesurer ces effets est : À quels impacts allons-nous nous intéresser?
Le plus souvent la réponse est « l’impact économique », les pays organisateurs basant très généralement leurs candidatures sur l’impact sur l’économie locale, selon Patrice Bouvet. Il faut encore préciser au sein de cette catégorie ce qu’on va prendre en compte, ce qui est détaillé dans l’onglet « modèle économiques ».
En ce qui concerne la prévision des impacts, il faut, pour le faire, modéliser la situation pour pouvoir réaliser les calculs qui donneront l’état de la situation suite à l’événement. C’est pourquoi, les impacts environnementaux, politiques ou encore sociaux sont très difficile à évaluer de manière quantifiable. Ainsi, il n’existe pas, à notre connaissance, d’étude prévoyant de manière scientifique ces impacts pour un futur événement sportif. Ces impacts sont par contre énormément évalués après coup, car facilement mesurable alors.
Concernant l’impact urbain, c’est-à-dire les investissements urbains et leurs effets consentis pour l’occasion (construction de routes, rénovation d’infrastructures de la ville…), celui-ci est difficilement prévisible, hormis ses coûts, prévus de manière plus ou moins fiables. Il y a assez peu de débat sur les mesures de cet impact, sauf lorsque les coûts explosent et/ou que les investissements ne semblent pas utiles à long terme, comme ce fut le cas lors de la dernière Coupe du Monde au Brésil (2014), pour l’explosion des coûts, ou encore à Sotchi, pour les deux raisons. Les critiques viennent alors très souvent de la population locale, qui ont d’autant plus de mal à comprendre le décalage entre ces investissements chers et inutiles et leur situation au jour le jour. Les raisons des dépassements des coûts sont généralement de trois types: une sous-estimation préalable des coûts pour renforcer la candidature du pays hôte, ce qui est courant, mais que très rarement efficace selon Wladimir Andreff; des défauts inhérents à l’économie locale, tel qu’un manque d’efficacité des ouvriers, de la corruption ; et/ou des événements intervenant après l’obtention de l’organisation et influençant sur celle-ci, telle que des mesures politiques ou encore des grèves sociales.
Mesures ex ou post-ante?
Il existe deux types de mesures, les études ex-ante, réalisées avant l’événement, et même souvent avant l’obtention de son organisation, et les études post-ante, réalisées après l’événement. Les études ex-ante ont pour principal but de prévoir l’impact qu’aurait l’organisation de l’événement, afin de donner un avis sur la candidature du pays, tandis que les études post-ante servent plutôt à évaluer l’impact réel qu’a finalement eu l’événement, et à comparer avec les prévisions.
Cependant, malgré cette complémentarité entre les deux types, on observe un décalage important entre le nombre d’études ex-ante et d’études post-ante. En effet, comme nous l’avons personnellement constaté à travers nos recherches documentaires, il y a environ 5 fois plus d’études ex-ante que d’études post-ante, pourquoi?
Il y a à ceci plusieurs raisons, la première étant que récupérer les données nécessaires aux études post-ante est un travail compliqué et harassant, car ces données prennent du temps à être obtenues, et les pays ne sont pas forcément très transparents sur ces informations, comme l’explique ShiNa Li, qui a réalisé une étude post-ante sur l’impact touristique des Jeux Olympiques de Pékin (2008) en 2012 , tout en ayant à utiliser des données de 2005 sur l’économie chinoise. Une autre raison, et non des moindres est le manque d’intérêt politique à cette étude, qu’il faut tout de même financer, ce qui coûte cher. En effet, contrairement aux prévisions d’une ex-ante permettant d’appuyer une candidature, une étude post-ante ne permet que de comparer ces prévisions aux effets réels, ce que ni les économistes, ni le pays organisateur n’a intérêt à faire, comme nous le verrons dans la partie « Résultats, interprétations et conflits d’intérêts ». Les études ex-ante ont en effet tendance à surévaluer les revenus et minimiser les coûts, selon Patrice Bouvet, spécialiste de la question. Ces assertions sont cependant dénoncées par tous les concernés, que ce soit les économistes tels que Larry Dwyer ou les responsables de l’organisation de l’événement.
Pour conclure, avant de commencer à proprement parler de mesurer l’impact d’un événement, il s’agit de choisir les impacts que l’on souhaite prendre en compte. Si l’on se trouve avant l’événement à proprement parler, l’étude sera une mesure ex-ante, une mesure post-ante sinon. En fonction du type d’étude, certains impacts ne pourront être pris en compte. Par ailleurs, d’autres ne peuvent pas être combinées de manière objective pour évaluer un effet global. Ceci amène la plupart des études à s’intéresser à l’impact économique de l’événement, comme le prouve nos analyses quantitatives menées avec le logiciel Gargantext.
La façon dont sont construits et utilisés ces modèles est détaillée dans la partie « Modèle économique ».