Au cour de notre travail nous avons réalisé différents documents visants à analyser notre controverse, nous en avons rassemblé certains dans cette page:
Conférence – Le sport comme Soft Power:
Le 2 mars 2015, nous nous sommes rendus à Sciences Po afin d’assister à une conférence intitulée « Le sport comme Soft Power : l’organisation d’événements sportifs comme instrument de puissance diplomatique ». Nous avons ainsi pu recueillir le point de vue de trois hommes politiques aux parcours variés :
Patrick Gautrat (ancien Ambassadeur de France en Pologne et au Portugal), Jean Lévy (Ambassadeur pour le sport de France), Jean-Christophe Peaucelle (ancien ambassadeur de France au Qatar).
Nous présentons ici l’essentiel du discours de ces trois personnalités.
- Patrick Gautrat
Le début de l’utilisation du sport comme Soft Power remonte à l’entre-deux-guerres, avec les régimes fasciste (JO de Berlin, 1936; Coupe du Monde en Italie, 1938). Il est évident que le sport a permis à certains pays d’apparaître à l’international et/ou de faire de la propagande de manière particulièrement efficace (Argentine 1978, Hongrie 1954). L’Allemagne de la coupe du Monde de 2006 a marqué le Monde par l’atmosphère (et moins par les équipes), ce qui a changé l’image de l’Allemagne à l’international.
Les Français sont lents à comprendre l’influence du sport au niveau diplomatique, tandis que d’autres, notamment les régimes populistes, l’ont vu bien plus tôt. En effet, le sport a d’abord été rejeté à l’échelle diplomatique, c’était une activité cantonnée à la vie privée. Cette réaction s’opposait totalement à la situation de la culture, qui intéressait quant à elle particulièrement les ambassades. De manière assez étrange, la France a réalisé de nombreux événements sportifs, mais sans lendemain. Il n’y a jamais eu de politique liée au sport, pas de politique de promotion des événements réalisés, même si la plupart des événements ont eu des effets bénéfiques, ce qui est assez paradoxal (Euro 1984, Albertville 1994).
La Coupe du Monde de 1998 marque un tournant. Malgré un retard sur la construction du parc des stades français, cette coupe du monde a été une belle compétition (équilibre financier, victoire et beaucoup de spectateurs, beaucoup de médiatisation). Il y a cependant eu des ratés : mascotte, stade de France (obsolète dès sa construction, il ne permettras pas d’obtenir de nouvelles compétitions). À cette occasion, Gautrat est nommé comme ambassadeur du sport. Les responsables sportifs français étaient à l’époque incapables de s’exprimer en anglais, ce qui a été un des manques du sport français, même si le français est une langue olympique.
Cette prise de conscience française a permis un développement important, et ainsi plus de candidatures pour des événements sportifs. Ce développement des entités d’organisations sportives s’est accompagné d’une quête de la coupe de monde, marquée par des échecs, qui, étrangement, n’ont pas freiné les velléités d’organisations françaises.
Rôle des gouvernements dans l’obtention des évènements sportifs:
Il y a une grande hypocrisie lorsqu’on différencie le souhait des fédérations sportives et celui des gouvernements quant à la candidature pour des méga-évènements. « En fin de parcours, les mouvements sportifs, c’est un peu du flan ». C’est toujours le gouvernement qui décide d’accueillir les évènements sportifs suite à des décisions politiques.
- Jean Lévy
En 2013, le ministère des affaires étrangères a créé un ambassadeur responsable du sport, afin que le sport devienne une activité quotidienne des ambassadeurs. Lévy cite les raisons de cette décision :
· Grâce à leur médiatisation, les événements sportifs sont aujourd’hui suivis dans le monde entier, et ont une influence sur l’image d’un pays.
· L’iconisation des grands sportifs (beaucoup des personnalités d’un pays sont des sportifs). Laurent Fabius a développé le concept de diplomatie économique, associé à deux autres notions, le tourisme et le sport-business. Le sport-business représente en effet 600 milliards d’euros par an (1-2% du PIB mondial), et c’est un secteur en croissance (3-4% par an).
La France, étant apte à organiser des événements sportifs, pourrait avoir son rôle à jouer dans ce domaine. Cela permettrait aussi de maintenir la place de premier pays touristique mondiale de l’hexagone. Il y a donc aujourd’hui quelqu’un au Quai d’Orsay pour gérer de manière transversale ces activités. La mission, c’est l’attractivité : attirer le maximum d’événements sportifs, avoir le maximum d’entreprises françaises participants aux grands événements sportifs internationaux, être aussi présent que possible dans les fédérations internationales, au sein desquelles la France est encore sous-représentée, et enfin faire en sorte que nous utilisions la présence et la notoriété de nos sportifs pour ajouter une nouvelle facette à l’image de la France.
M. Lévy ne différencie pas l’organisation d’événements sportifs et culturels. Les deux lui semblent liés. Le sport peut être aussi une façon de se battre pour les valeurs interculturelles. Entre autres, ces évènements peuvent être un moyen de promouvoir l’éducation sportive. Les aspects culturel, de la santé, politique sont autant d’aspects que la diplomatie sportive peut améliorer. L’Exposition universelle et les évènements sportifs ont un objectif en commun : la compétition et l’affrontement pacifique entre plusieurs pays. Il existe des points communs par rapport aux infrastructures par exemple. Quand nous entendons que la France n’a pas les moyens d’organiser des JO, nous oublions que les espagnols n’ont pas eu froid aux yeux.
Il faut sortir de cette déprime chronique qui touche la France depuis un certains moment afin de mobiliser la population, de la réunir autour d’un projet qui pourrait faire repartir la France à tous les égards (économique, mentalités…etc).
Pour les pays qui sont de jeunes organisateurs (Turquie, Brésil, Qatar), il existe un enjeu qui est de réussir, de montrer qu’ils sont capables afin de gagner en crédibilité à l’international. Concernant la France, quel est le message que l’on veut faire passer à travers l’organisation de nos événements ? Pourquoi n’y a t-il pas de travail sur l’image que nous voulons donner des français ? (Exemple de l’Angleterre 2012 : message de jeunesse, d’ouverture sur le monde, de coopération internationale)
- Jean-Christophe Peaucelle
Il est nommé ambassadeur au Qatar juste après l’obtention par le pays de la Coupe du Monde de 2022. On ne parlait que de ça à l’époque, ce qui l’a forcé à s’y intéresser pour réussir sa mission d’ambassadeur. Quand il est entré au Quai d’Orsay, personne ne parlait de sport, contrairement à ceux à quoi il a été confronté, lors de ses postes, à Istanbul par exemple, où la plupart de ses interlocuteurs parlaient du football et du championnat local. Par ailleurs, lors de ses rencontres avec l’émir qatari, celui-ci lui a demandé ce qu’il pensait du dernier match.
Pour revenir au Qatar, le sport est compris comme un moyen de se faire connaître. Comme l’a bien compris l’émir, c’est un moyen d’exister. C’est aussi un moyen essentiel de développement économique, en tant qu’élément de diversification économique, comme l’organisation de grands colloques internationaux. Le Qatar va vite, et s’y force en organisant la Coupe du Monde par exemple. En effet, avoir de l’argent a aussi des désavantages, une démotivation des jeunes, un système scolaire à la ramasse, un taux de diabète très important, tout cela étant lié aux revenus garantis à la faible population. L’argent ne suffit donc pas, il faut une volonté. Il a décidé d’impliquer toute son ambassade sur cette question, dans le cadre du lien étroit entre le pays et le sport. Les opportunités économiques liées à l’organisation de la Coupe du Monde, les cadres légaux liés au consulat, le service culturel autour du pays, l’éducation avec les lycées français… Tous les services de l’ambassade sont mobilisés. Un responsable a de plus été nommé pour tout superviser. Cette implication a même dépassé le cadre de l’ambassade, allant jusqu’aux entreprises, présentes ou non au Qatar.
Attentes des pays candidats à l’organisation d’événements sportifs:
Il y a plusieurs situations :
· Pays peu connus (Qatar) : se faire connaître, faire parler de lui, et ça marche. Ils choisissent le sport, car il n’y a pas de nombreux créneaux pour se faire une image.
· Pays développés et reconnus (Grande-Bretagne) : l’attractivité. Pour attirer des touristes, pour montrer que nous avons des entreprises capables de répondre à tous les défis que comprend l’organisation de tels événements.
· Pays émergents (Brésil, Chine) : un peu comme le Qatar, mais plus pour s’imposer sur la scène internationale que pour s’y faire connaître.
· Etats-Unis : ce furent les premiers à développer une diplomatie sportive, par l’État mais aussi par les athlètes (Black Power Mexico 1972). Par exemple, aux JO de 1980 à Los Angeles, les Américains ont fait une démonstration de leur puissance, en réalisant des JO spectaculaires, et en monopolisant les sponsors (ce qui est toujours le cas).
· Allemagne, Italie, Japon : tâche de rédemption.
· Barcelone (1988) : grands chantiers pour moderniser la ville, bénéfices durables pour la ville et la région, médiatisation de la question de l’autonomie de la région.
Différence de budget entre Qatar et Euro:
La question de pérennité des infrastructures se pose : il est évident que dans les pays comme le Qatar, tout est à construire. D’où l’importance phénoménale du budget consacré au développement (200 Mds dollars pour le Qatar).