Super Size it: L'opulence du système de financement du cinéma

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Acteurs

Cartographie des acteurs



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(cliquez sur l’image pour agrandir)

 

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Les institutions


Les institutions dont le CNC (Centre national du cinéma et de l’image animée) ainsi que les régions s’illustrent comme des protagonistes clés du financement du cinéma

 

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Source : site du CNC.

Le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) a été crée en 1946 par le Gouvernement de Jean Monnet. Il s’agit d’un établissement public disposant de recettes affectées pour soutenir les arts de l’image animée, c’est également l’administration centrale en charge du secteur sous la tutelle du ministre de la Culture et de la Communication.

Le CNC est en charge de plusieurs missions:

- Préserver et diffuser le patrimoine cinématographique français

La réglementation du cinéma

Le soutien à l’économie du cinéma, de l’audiovisuel et du multimédia

La promotion du cinéma et de leur diffusion auprès de tous les publics

Pour mener à bien ces missions, le CNC dispose notamment d’un budget qui n’est pas alimenté par l’argent du contribuable. Pour plus d’informations sur l’avance sur recettes, cliquer ici.

Nous nous sommes entretenues avec un chargé de SOFICA au sein du CNC en charge de la direction du financement au sein du CNC. Il s’occupe du système des SOFICAs au sein du CNC, qui sont au nombre d’une quinzaine en France. Ce sont des sociétés pour le financement du cinéma et de l’audiovisuel et permettent aux entreprises et aux particuliers d’investir dans des films. Il a souligné le fait que beaucoup de films aujourd’hui se construisent autour d’un seul acteur, ou d’un groupe d’acteurs et qu’il n’est donc pas “illogique” (ce sont ces mots) qu’ils soient payés en conséquence. Il a aussi précisé que les problèmes de financement ne concernent pas tous les acteurs mais seulement une partie d’entre eux. Tout de même, il est bien conscient du décalage entre certaines rémunérations par rapport au travail fournit par certains acteurs.

Le CNC, dans son ensemble, s’est intéressé à la question du salaire des acteurs et notamment des têtes d’affiches. Pour la première fois, le 28 novembre 2014, lors d’un Conseil d’administration, il a pris des mesures pour limiter l’inflation des cachets des talents dans les films subventionnés par l’institution. Désormais, pour en bénéficier, la rémunération la plus forte du film ne devra dépasser 990 000 euros.

Sa présidente depuis le 15 juillet 2013, Frederique Bredin, insiste également sur l’importance de la transparence des recettes du cinéma français. Elle affirme alors qu’il s’agit d’une des priorités du CNC:

« Il était nécessaire de prendre des mesures fortes pour renforcer la transparence de la filière et la maîtrise des coûts. Et la transparence économique du secteur est très importante pour maintenir la confiance et le partage de risque entre tous les partenaires, afin d’accroître les investissements dans le secteur. » (Source: Frédérique Bredin dans les Echos)

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  • Les régions

Les régions sont des protagonistes clés dans le financement du cinéma. Elles subventionnent les films que sont tournés sur leur territoire et favorisent ainsi l’emploi en France. Pour ce faire, et préserver l’emploi local, le CNC a encouragé les collectivités territoriales et notamment les régions à participer au financement des productions cinématographiques françaises. Le centre national s’est en effet engagé dans une convention collective à verser deux euros à une collectivité territoriale lorsque cette dernière investissait un euro dans la production d’un long métrage. Cette mesure s’est ensuite étendue à la production de court métrage.

« Pour encourager l’investissement des collectivités territoriales et en particulier des régions, le CNC avait prévu dans une convention 2007-2010 le dispositif “un euro pour deux euros” » (Source: Sébastien Lachaussée)

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Les professionnels


Les professionnels ont des positions similaires relatives à la surproduction, aux salaires élevés des acteurs, à l’imprévisibilité des goûts du publics et à la multiplication des supports de visualisation. Toutefois ils s’accordent sur le fait que le système de financement du cinéma français se porte plutôt bien.

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  • Les financeurs

  1. Les Producteurs et co-producteurs

Le financement des producteurs et des co-producteurs représente environ 25% du financement global d’un film. Les producteurs sont à l’origine du projet de réalisation d’un film : ce sont eux qui choisissent les auteurs, qui réalisent le casting, etc. Les producteurs produisent de la fiction et du long-métrage. Lorsqu’ils produisent de la fiction, ils n’ont qu’un seul partenaire financier. Lorsqu’ils produisent du long-métrage, les producteurs ont, la plupart du temps, plusieurs partenaires financiers. En long métrage, il s’agit d’abord pour le producteur de faire son casting. Puis, il démarche divers partenaires financiers. Ces partenaires financiers sont variés : les régions, le CNC, les SOFICAs, les distributeurs, les chaines de télévision, le crowd-funding… Mais le producteur va également utiliser ses fonds propres. La loi oblige le producteur à financer son film à la hauteur de 5%. Mais il peut également développer des co-productions, avec un autre producteur, ou bien même avec des distributeurs. Les producteurs peuvent faire entendre leurs intérêt grâce à leur syndicat de producteur, il en existe de nombreux.

« Le producteur est le “maitre d’oeuvre” (…), il est l’architecte du projet » (Source: Entretien avec un producteur)

Les producteurs s’accordent pour dire que le nombre de films est excessif et conduit à l’obstruction du marché. De plus, ils aimeraient que les acteurs prennent plus de risques, et donc revoient leurs salaires à la baisse pour maintenir le statut du cinéma français. Ainsi, le producteur que nous avons interrogé, tout comme Vincent Maraval, dénonce le fait que les acteurs se trouvent en position de force aujourd’hui:

« Les producteurs se retrouvent assez souvent otages de comédiens qui ont demandé des cachets qui deviennent trop importants. Alors qu’aujourd’hui, le fait de donner beaucoup d’argent à un comédien ne garantit pas le fait que vous allez avoir beaucoup d’entrées en salles. » (Source: Entretien avec un producteur)

Ils soulignent que cette position est notamment due aux chaînes de télévisions, qui, étant obligées d’investir une certaine partie de leur budget annuel dans le cinéma vont avoir des cahiers des charges et des exigences fermes. Parmi elles, le désir d’avoir un acteur-vedette souvent non-négociable:

« Mais à quoi servent de tels cachets si les résultats ne se matérialisent pas en recettes économiques ? En réalité, ils permettent d’obtenir le financement des télévisions » (Source: Vincent Maraval dans sa tribune dans Le Monde)

Néanmoins, ce n’est pas pour autant que les producteurs vont condamner ce comportement en refusant de payer des acteurs réclamant des cachets qu’ils estiment trop élevés. En effet, cela apparaît comme une des fatalités du système auxquels ils doivent se soumettre dans l’exercice de leur métier.

  1. Les Distributeurs (Pathé, Gaumont, UGS, SND,…)

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Source : Wikipédia.

Les distributeurs sont chargés de la diffusion des films, de son entrée en salle et de de choisir le nombre de copies avec le producteur Les distributeurs financent à 20% le cinéma français. Ils doivent en effet acheter le droit de distribuer les films que ce soit en salles, en DVD ou en VOD (vidéo à la demande) mais aussi verser un à-valoir (qui est une sorte d’avance sur recettes) et est repartie entre la distribution des salles (env. 5%), la distribution vidéo (env. 1,5%), l’exploitation à étranger (env. 7%) et les « mandats groupés » qui sont les achats de droit de diffusion pour les salles et la vidéo par exemple (env.6%).

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Source : disponible ici.

Les distributeurs ont souvent des positions ambivalentes. Si d’une part ils remettent en cause la surproduction des films ; d’autre part ils sont convaincus que ce nombre excessif est nécessaire pour voir émerger quelques succès, mais également pour faire face à la concurrence des Etats-Unis notamment. Mais il est nécessaire de souligner le point souvent : s’ils affirment qu’il existe trop de film ; ce sont cependant eux qui distribuent ces films. Pour remédier à cette surproduction, il appartiendrait donc notamment aux distributeurs de s’auto-réguler.

Les relations entre les distributeurs et les salles sont souvent complexes. En effet, les distributeurs étant rémunérés proportionnellement aux recettes réalisées en salles, ils peuvent vouloir s’assurer une exposition maximale de l’œuvre afin de réduire leur prise de risques. Aussi, il peut exister une concurrence entre les distributeurs eux-mêmes, concernant la dizaine de films à grand succès sortant chaque année.

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  1. Les chaînes de télévision

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Source : disponible ici.

Le financeur le plus important reste les chaînes de télévision avec un financement d’environ 30%. Elles investissent de deux façons. Tout d’abord car elles sont soumises à des obligations légales qui les obligent à réinvestir une partie de leur chiffre d’affaire dans le cinéma. Canal + est la chaîne qui investit le plus dans le cinéma et dans des films aux devis variés pour répondre à la clause de diversité de ses obligations de production.

Pour plus d’informations sur le financement du cinéma, cliquer ici.

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Source : disponible ici.

Leur rôle dans le financement du cinéma est sujet à de nombreuses controverses. En effet, les films à la télévision sont aujourd’hui concurrencés par de nouveaux formats tels que les séries. Cela devient de moins en moins avantageux et plus risqué pour elles de passer un film en soirée. C’est pourquoi elles choisissent d’investir dans moins en moins de film, ce qui augmente le budget moyen des productions dans lequel elles investissent.

 

  • Les autres professionnels

  1. Les Acteurs

Les acteurs sont au coeur de la polémique lancée par Vincent Maraval. Certains d’entre eux ont réagi à ces accusations.

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Source : disponible  ici.

Dany Boon, par exemple, acteur et réalisateur français, dénonce les chiffres annoncés par Maraval lorsqu’il a lancé sa polémique sur les salaires des acteurs qu’il jugeait exorbitants. Il affirme qu’il coûte moins cher au cinéma français qu’il ne lui rapporte.

D’autres, se sont levés pour préciser que ces cachets élevés ne concernait qu’une partie infime des interprètes. Sam Karmann, acteur-réalisateur, a par exemple déploré le fait que Vincent Maraval donnait une représentation faussée du métier:

« Le titre de cet article est si maladroit qu’il va une fois de plus conforter l’idée fausse que les acteurs sont des nantis et mettre en péril le statut si fragile mais si indispensable des intermittents perçus comme des enfants gâtés. Ne cassons pas ce système extraordinaire qu’est l’intermittence, la redistribution du CNC et l’obligation des diffuseurs de financer le cinéma. » (Source: Sam Karmann pour Lemague.net)

  1. Les médias

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Source : disponible  ici.

Les journalistes ont été les acteurs qui ont mis en avant la tribune de Maraval. En effet, ils ont contribué à sa diffusion dans l’opinion publique. Leur partie pris a été de mettre en avant les cachets exhorbitants de certains acteurs. Par exemple, le titre de la tribune de Maraval (“Les acteurs français sont trop payés!), a été choisi par Le Monde lui-même.

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Les économistes


Les économistes représentent le point de vue scientifique de notre controverse. Leurs objectifs sont principalement de modéliser économiquement les enjeux  comme par exemple l’influence du salaire des acteurs dans la production d’un film, l’effet de certains facteurs sur la réduction des risques liés à la réalisation d’un film,  etc. Ils interviennent alors dans la controverse en avançant des données apparaissant comme objectives, comme résultant d’études chiffrées.

À ce titre, Olivier Bomsel, professeur d’économie et Directeur de la Chaire MINES ParisTech d’Economie des Médias et des Marques a fait, entre autres, une analyse économique de la réglementation. Il met en garde contre la fragilisation de cette dernière à cause notamment de la modification des comportements du public suite à la multiplication des supports et la diversité des offres qui lui sont proposées:

« Cette réglementation, en apparence très complexe, est aujourd’hui fragilisée par l’apparition de nouveaux systèmes de distribution et la concurrence de nouveaux programmes ou loisirs électroniques conçus directement pour la consommation domestique. A quoi s’ajoute l’annonce de l’entrée d’un second opérateur de télévision payante cherchant à exploiter la multiplicité des systèmes d’accès » (Source: Olivier Bomsel et Cécile Chamaret dans l’article « Rentabilité des investissements dans les films français »)

Arthur De Vany et David Walls, économistes américains qui se sont notamment intéressés à l’industrie des films de Hollywood, se sont posé la question des risques liés à la rentabilité d’un film dans leur étude Uncertainty in the Movie Industry: Does Star Power Reduce the Terror of the Box Office?  publiée en 1999. Ils ont recherché les facteurs pouvant prévoir le succès d’un film comme la présence de certains acteurs connus, voir reconnus. Cette étude témoigne de la difficulté de prévoir le succès d’un film. Il affirme alors qu’un acteur-vedette n’influence pas les recettes d’un film:

« The audience makes a movie a hit and no amount of “star power” or marketing hype can alter that. The real star is the movie. » (Source: A. De Vany et D. Walls dans “Uncertainty in the Movie Industry: Does Star Power Reduce the Terror of the Box Office?”)