Super Size it: L'opulence du système de financement du cinéma

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« Il y a trop de films » : un constat unanime renvoyant à des perceptions différentes du modèle économique du cinéma français

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Malgré la diversité des opinions sur ce que nous avons appelé « la logique inflationniste » du financement du cinéma français, de nombreux protagonistes se sont accordés sur un même point. Une voix presque unanime s’élève au sein du débat : « Il y a trop de films ». C’est dans cette perspective que nos interlocuteurs ont considéré tour à tour :

«Il y a trop de films mais il ne faut pas le dire, donc personne ne le dit. »
(Source: Jean-Michel Frodon)

«Il y a tellement de films, la production française a doublée en 15 ans. »
(Source: Jean-Michel Frodon)

«On a 200 films français qui sortent (…), on a 200 américains qui arrivent en plus, et on a 200 films qui viennent d’ailleurs. Donc on a un marché qui est très très ouvert, mais globalement après, pour pouvoir sortir la tête de l’eau là-dessus, accrochez vous ! »
(Source: un producteur de cinéma et de télévision)

« il y a aussi de plus en plus de films qui sortent, et ce n’est pas pour ça que les films font plus d’entrées. »
(Source: un producteur de cinéma et de télévision)

« Donc en France on a trop de films, et ça tous les distributeurs vous le diront, 600 films, ce n’est pas possible. »
(Source: un producteur de cinéma et de télévision)

«Je pense quand même qu’aujourd’hui il y a trop de films (…) le marché est complètement embouteillé.»
(Source: un producteur de cinéma et de télévision)

« Trop de films à l’affiche, pas assez de place pour qu’ils existent.»
(Source: un responsable adjoint de production adjoint chez Pathé Production)

«Le problème du cinéma français, c’est que son financement très généreux a provoqué à la fois une envolée des coûts et une surproduction.»
(Source: Brice Couturier, Un cinéma sous subventions, chronique de France Culture)

La surproduction du nombre de films français est donc un élément de la logique inflationniste sur laquelle de nombreux protagonistes sont en accord. Cependant, que signifie :  « Il y a trop de films » ? À première vue ce constat semble peu clair et assez trivial. Nous avons donc cherché à comprendre les diverses interprétations dissimulées derrière cette voix unanime.

Commençons simplement par comprendre d’où vient cette constatation. L’analyse des chiffres permet de voir que l’inflation du nombre de films est liée à la question de la rentabilité : plusieurs protagonistes font référence à la surproduction pour désigner les films qui ne sont pas rentables. Voici quelques chiffres illustrant cette idée :

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« 90% des films ne sont pas rentables. »

« Sur 200 films sortis en 2013, seuls 20 sont rentables, c’est à dire 10%. »

« Aucun film français ayant dépensé un budget de plus de 10 millions d’euros ne rentre dans ses frais. »

(Source: Sophie LEGRAS, Cinéma français, 90% des films ne sont pas rentables, le Figaro)

Ainsi, ces pourcentages mettent en lumière une fois de plus la logique inflationniste du financement du cinéma : malgré une production de plus en plus importante, 90% d’entre eux n’étaient pas rentables en 2013. La surproduction ferait écho à des films infructueux. Le marché économique du cinéma est donc déséquilibré. Certains protagonistes dont Vincent Maraval dénoncent cette surproduction qui conduirait à un renforcement des pertes au détriment des bénéfices et de la qualité des films. Ainsi, la nécessité d’analyser les différentes positions quant à l’inflation du nombre de films prend tout son sens.

Soulignons d’ores et déjà que ces différentes conceptions de la notion de surproduction renvoient en réalité à la question du modèle économique à adopter pour le cinéma. Certes, le cinéma, n’est pas une industrie comme les autres mais il n’en reste pas moins un marché économique dans lequel la demande est incertaine et l’offre conséquente. Ainsi, deux conceptions s’opposent.

D’une part, certains protagonistes pensent que la liberté du marché doit être respectée. Favorables à une régulation de la production par le marché libre lui-même, ils s’opposent ainsi à la surproduction et aux diverses réglementations. En effet, ils remettent en cause les différentes règles et aides au financement des films qui, selon eux, contribuent au dérèglement du marché et rendent son économie artificielle. La surproduction est envisagée comme un symptôme, un obstacle à la prospérité du marché du cinéma français. Ainsi, laisser fonctionner librement les lois du marché permettrait de réduire le nombre de films en salle et un financement optimum de toute la chaîne de production de l’industrie cinématographique.

D’autre part, certains considèrent que le marché du cinéma ne doit pas être livré librement à ses lois. Ces derniers pensent que la surproduction permet de garantir la pérennité, le rayonnement et la diversité du cinéma français. En d’autres termes, ils défendent l’idée selon laquelle une offre importante permet d’assurer un minimum de films à succès en salle. Ainsi, selon eux, les différentes réglementations servent la richesse de l’offre et permettent de réguler le marché de la production cinématographique.

La tension entre les points de vue des acteurs porte donc réellement sur le degré de liberté qu’il serait préférable de laisser au marché économique du cinéma à propos de la production de films. Ainsi, pour réussir à capter l’ambivalence entre ces différentes positions, nous nous sommes donc demandés :

Quel modèle économique est le mieux adapté au marché du cinéma français ?

Plus précisément nous nous sommes questionnées sur :

Comment le marché du cinéma français est-il régulé ? Et quel degré de liberté doit-on laisser au marché de production de films pour conserver un équilibre économique selon les protagonistes ?

1) La surproduction : la position des défenseurs d’un modèle économique libéral du marché du cinéma 


Malgré ses spécificités, le cinéma reste un marché économique qui obéit, comme d’autres, à certaines règles dont celles de la concurrence, de l’homogénéité, de l’atomicité ou encore de la fluidité. Toutefois, la multiplication des productions cinématographiques semble empêcher ce marché d’atteindre un certain optimum économique auquel il est censé parvenir en s’auto-régulant. Pour les protagonistes favorables à plus de libertés pour le marché économique du cinéma, la surproduction considérée comme néfaste s’expliquerait par la réglementation, l’obligation du passage en salle pour la reconnaissance d’un film en tant que tel ainsi qu’aux différences de budgets attribués à chaque film en fonction de leur genre.

Les tenants du libéralisme imputent la surproduction à l’excès de la réglementation, résultant d’une part de l’obligation des chaînes de télévision et d’autre part du système de soutien du CNC

Conformément à la chronologie des médias, diverses réglementations ont été mises en place pour définir l’ordre et les délais dans lesquels il est possible de diffuser un film. Le concept de la chronologie des médias a été créé avec la télévision. Cette dernière a un rôle prépondérant dans le soutien de la production cinématographique puisqu’elle est soumise à des obligations de financement. De même, au sujet d’une autre forme de réglementation, le point de vue des protagonistes reste identique. Le CNC a mis en place des aides sélectives, le système d’avance sur recettes. Si certains vantent les mérites de cette aide, d’autres lui reprochent de contribuer au déséquilibre du marché.

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Aujourd’hui la télévision joue un rôle majeur dans le financement du cinéma : environ 40% du financement des productions cinématographiques sont assurés par la télévision.

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« 40% en 2013, soit des investissements qui s’élevaient à 537 millions d’euros. » (Source: GALLET L., Ces chiffres qui font la polémique du cinéma français, L’Expansion (site web), 04/01/2013).

Ce chiffre s’explique notamment par la législation qui oblige les chaînes de télévision à investir dans la production cinématographique. Si les objectifs de la chronologie des médias ainsi que des obligations de ces chaînes de télévisions paraissent utiles pour la sauvegarde et l’exploitation des films, ils sont tout de même remis en cause par les défenseurs de la liberté du marché du cinéma.

À ce titre, Vincent Maraval conteste cette réglementation qui selon lui conduit à « une logique de standardisation » dans laquelle « un film sans vedette n’a pas vocation à exister selon les télévisions » (Source: ICHER B. et PÉRON D., « Cinéma français : la flambée des prises », Libération, 31/12/2012). La présence centrale des télévisions dans le financement du cinéma entraînerait donc une concurrence accrue entre les chaînes inscrites dans une course aux superproductions et à leurs acteurs connus, très recherchés par les téléspectateurs. Le rapport Bonnell s’inscrit dans la même idée en précisant que le cinéma français est victime d’une mauvaise répartition des fonds qui lui sont destinés.

De même, au sujet des aides sélectives, aussi appelées système d’avance sur recettesle point de vue des protagonistes concernant la réglementation reste identique. Si certains vantent les mérites de cette aide, d’autres lui reprochent de contribuer au déséquilibre du marché.

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Certains protagonistes dénoncent tout d’abord le manque de partialité de cette organisation étatique:

« le CNC qui a vocation à soutenir des oeuvres un petit peu différentes, via l’avance sur recettes et les différentes aides sélectives, fait son travail, alors bien sûr il y a  un aspect politique de lobbying, des accointances, l’argent n’est pas dirigé de façon 100% sélective par rapport à la qualité des projets, mais ça c’est le cas dans tous les domaines. » 

( Source: un responsable adjoint de production adjoint chez Pathé Production)

Ainsi, si la volonté première du CNC était de réguler la production en permettant à des films singuliers, plutôt originaux rencontrant des problèmes de financement pour sortir en salle, les conséquences de cette aide semblent néfastes pour certains protagonistes dénonçant les effets pervers des aides de l’État.

Le rapport Bonnell souligne également l’insuffisance de cette mesure pour réguler les excès de la production cinématographique française :

« On voit que, par un strict système de vases communicants, la part croissante des investissements dans les films à hauts budgets diminue d’autant que la part des investissements dans les films à petit ou même moyen budgets » (Source: Rapport Bonnell)

Ces premières critiques des militants d’un marché du cinéma plus libéral illustrent donc leur position : selon eux, la surproduction est alimentée par l’excès de la règlementation issue de la chronologie des médias.

Autre exception à la française participant à l’obstruction du marché : le passage en salle obligatoire

La réputation du cinéma français à travers le monde ne fait aucun doute. Mais comment expliquer cette renommée ? Sans doute par sa singularité. Outre les diverses modalités de l’exception culturelle française, l’ensemble de nos interlocuteurs nous ont rappelé l’importance de la diffusion d’un film en salle pour qu’il soit considéré comme tel.

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Cette obligation du passage en salle propre à la France peut être également considérée comme une des raisons de l’obstruction du marché. Elle résulte d’une tradition mais est aussi une conséquence de la régulation.

« Le nombre d’entrées va déterminer beaucoup de choses. En France, (…) c’est le nombre d’entrée qui fait office de passage obligé pour un film. Généralement un film qui ne passe pas en salle, ne pourra pas avoir de succès, et aura vraiment peu de chance d’être diffusé que ce soit sur les chaînes de télévision ou sur d’autres supports. » (Source: Un chargé de SOFICA au sein du CNC)

« Si le film ne sort pas en salle, ce n’est pas un film de cinéma donc pour que votre film soit qualifié de film de cinéma, il faut que le film soit sorti en salle.” (Source: un producteur de cinéma et de télévision)

« Aux Etats-Unis, quand Warner ou Universal estiment qu’un film n’a finalement pas de potentiel en salle, et bien le film ne sort pas en salle. Ils le sortent en vidéo directement. Ainsi, le marché n’est pas saturé. De plus, ça favorise des grosses sorties. » (Source: un producteur de cinéma et de télévision)

Précisons donc que le cinéma américain a changé son état d’esprit quant à cette diffusion obligatoire en salle pour pouvoir faire varier la production. Ainsi, certains films sont directement diffusés en DVD ou VOD, sans passage en salle préalable pour pallier à la surproduction.

Un problème spécifique : les « films du milieu » 

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« On s’est rendu compte que ces films du milieu n’étaient pas financés, on met beaucoup d’argent dans les grosses productions à gros budget, ou pour les films d’auteurs à petit budget, avec un écart énorme entre les deux, mais du coup ces films ne sont pas financés. Désormais ça va mieux, mais ça reste quand même toujours une priorité de rester attentif à ces questions. » (Source: Un chargé des SOFICA au sein du CNC)

 

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Ainsi, le cumul de la réglementation faite aux télévisions et des aides de l’État entraînent à la fois une surproduction des films mais aussi un déséquilibre au détriment des films aux budgets intermédiaires. La surproduction renvoie donc à l’ensemble des problèmes faisant référence à la saturation du marché par certaines superproductions bénéficiant d’un budget élevé, soit plus de 10 millions d’euros, ou au contraire de films à budget restreint, dont certains films d’auteurs aidés par la réglementation et les aides. Cette logique s’exerce au détriment des  films  « du milieu » entre 4 et 7 millions d’euros.

D’une part, les fonds délivrés par le comité de l’avance sur recettes du CNC cumulés à d’autres types d’aides permettent d’aider excessivement, selon certains protagonistes, des films aux budgets restreints.

Jean-Marc Siroën parle par exemple de « saupoudrage » pour dénoncer la surproduction des films de moins de 4 millions d’euros qui, selon lui, nuit à la compétitivité du cinéma français, notamment par rapport au cinéma américain. (Source: Jean-Marc Siroën Le cinema, une industrie ancienne de la nouvelle économie, Revue d’économie industrielle, Persée, Vol. 91. 1er trimestre 2000. pp. 93-118 ).

D’autre part, les chaînes de télévision attentives aux mesures d’audience se livrent à une concurrence musclée pour obtenir certains types de films leur garantissant un nombre minimal de téléspectateurs. Ces films sont la plupart du temps des productions importantes, mobilisant des acteurs-vedettes aux cachets importants.

Ainsi, pour désigner le marché économique de l’industrie cinématographique en France, certains protagonistes parlent alors « d’aberration économique » ou encore « d’acharnement thérapeutique » (Source: un responsable adjoint de production adjoint chez Pathé Production). Ils dénoncent à la fois les sommes exorbitantes mobilisées pour certains films ne garantissant pas forcément un retour sur l’investissement, mais aussi des films à plus petits budgets, très aidés, qui font très peu d’entrées, et que l’on tente tout de même de diffuser en salle. Au sein du débat, certains protagonistes font donc référence à une surproduction multiple avec l’idée sous-jacente que certains types de films sont surreprésentés par rapport à d’autres, que ce soit d’un point de vue qualitatif, thématique, financier ou quantitatif.

 


La solution est donc claire selon les tenants du libéralisme :

« Il vaut mieux qu’il y ait moins de films qui soient financés un petit peu mieux, et que tout le monde gagne correctement sa vie » (Source: un producteur de cinéma et de télévision)

L’économie du cinéma devient donc de plus en plus artificielle : production et revenu ne se situent pas dans la même réalité. À ce titre Olivier Bomsel parle d’ « une logique de rentabilisation d’un film pour un régime de captation des aides publiques » dans laquelle « les pertes sont mutualisées, les bénéfices, eux, sont privés » (Source: Olivier Bomsel, interview dans Libération, Brice Couturier, Un cinéma sous subventions, chronique de France Culture ).

2) La surproduction, une condition nécessaire à la prospérité du cinéma français ? Analyse des bénéfices d’un marché régulé


 


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Si le terme « surproduction » semble renvoyer à la même réalité pour les protagonistes, en revanche ils ne s’accordent pas sur l’interprétation de cette notion qui diffère selon le modèle économique envisagé pour le cinéma. Certains s’accordent pour une vision très libérale du marché économique du cinéma puis d’autres pensent plutôt que ce dernier doit être régulé pour que le cinéma français puisse toujours rayonner sur la scène internationale. Ainsi, nous allons tenter de recenser quelques arguments de ces derniers. Tout d’abord, ils rappellent les bénéfices des aides et de la réglementation qui selon eux viennent réparer les effets néfastes du marché libéral. Ensuite, leur conception d’un marché du cinéma régulé est renforcée par la théorie de la réduction des risques : la surproduction permettrait de voir émerger un nombre minimum de succès qui n’auraient sans doute pas vu le jour au sein d’un modèle plus libéral.

Des réglementations garantes du rayonnement et de la dynamique de la production cinématographique française  

La législation oblige les chaînes de télévision à investir dans la production cinématographique. De plus, la loi du 30 septembre 1986 dispose que les éditeurs de services ne peuvent  diffuser plus de 192 films par an. Le chiffre de films autorisé s’élève à 144 pour les diffusions entre 20h30 et 22h30. Premier constat, certes trivial mais important : la législation contribue à la diffusion et au financement d’oeuvres cinématographiques.

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Ainsi, même si les films diffusés sont souvent des superproductions, choisies pour certaines caractéristiques comme la présence d’acteurs-vedettes, la télévision finance tout de même de nombreux films. La réglementation participe donc à la dynamique et aussi à la richesse de la production. Certes les obligations des chaînes de télévision peuvent sans doute contribuer à la surproduction mais elles permettent de financer de nombreux films essentiels au rayonnement du cinéma français. De plus, par exemple pour l’année 2013 :

« En première partie de soirée, les diffusions cinématographiques progressent de 26,6% par rapport à 2012. (…) En 2013, l’offre cinématographique progresse en première partie de soirée sur l’ensemble des chaînes à 1963 diffusions. Cette hausse est essentiellement portée par les chaînes de la TNT privées gratuites et notamment les nouvelles chaînes haute définition. » (Source: Bilan 2013 du CNC, les dossiers du CNC, n° 330 -mai 2014)

Ainsi, contrairement aux idées controversées sur la question de la centralité des chaînes de télévision dans le financement du cinéma français et des obligations qui leur sont soumises, elles permettent de conserver la dynamique du cinéma français.

Des aides garantes de la diversité du cinéma français sur la scène internationale 

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« Le CNC a plutôt tendance à favoriser les genres un peu moins grand public, donc le drame, le drame psychologique, la tragédie… Et c’est vrai que la comédie est un peu moins représentée (…) Les membres de la commission ont plutôt tendance à se positionner sur des films d’auteurs. Ils partent du principe que sur des films grand public, ce sont des films qu’on peut monter un peu plus facilement. Donc ils ont plutôt tendance à privilégier des films qui auraient plus de mal à être commercialisés. » ( Source: un producteur de cinéma et de télévision)

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Revenons désormais au système d’avance sur recette. Malgré la controverse qui porte sur ce système, ces aides ont fait leurs preuves pour le financement de certains films d’auteurs dont Le Pianiste de Michael Haneke (2000) et d’autres. Précisons que le devis moyen de ces films s’élève à 0,34 million d’euros (Source: Bilan 2013 du CNC, les dossiers du CNC, n° 330 -mai 2014). Ainsi, les avances sur recettes sont attribuées à des films aux budgets réduits et favorisent certains genres selon ce producteur de cinéma et de télévision.

Vanter les mérites de cette aide permet de comprendre que la règlementation est une garantie qui fait du marché français une industrie cinématographique pérenne, diversifiée, toujours concurrentielle sur la scène internationale.

De même, il ne faut pas oublier que certaines superproductions permettent également de maintenir le système du financement du cinéma en bonne posture. Ainsi la superproduction peut également être envisagée comme une garantie contre les risques et contre l’imprévisibilité des succès.

La surproduction : un moyen de réduire l’imprévisibilité des succès des films 

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L’économie du cinéma étant caractérisée par sa grande imprévisibilité, la surproduction est parfois perçue comme un moyen de limiter les risques d’échec. En effet, étant donné qu’un succès semble assez imprévisible selon certains économistes comme De Vany, il semble cohérent de vouloir maximiser les chances de succès en multipliant le nombre de films produits. Quelques succès pourront ainsi participer au financement et garantir la prospérité de l’industrie cinématographique française.

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Une production excessive serait donc nécessaire pour préserver la diversité des offres : le modèle inflationniste serait indispensable au maintien du statut du film français dans le monde. La comparaison avec le déclin de l’industrie cinématographique italienne peut par exemple nous encourager à prendre en considération cet argument.

De plus, l’accroissement de la concurrence serait corrélée au maintien de la qualité et de la compétitivité du cinéma français:

« Le problème d’un distributeur français c’est aussi qu’il est en compétition avec des distributeurs américains et leurs blockbusters. Pathé, fait des films français, UGC  également, donc ils sont aussi obligés de sortir beaucoup de films français pour pouvoir aligner. » (Source: un producteur de cinéma et de télévision)

La concurrence des films américains présent sur le marché semble également confirmer le point de vue favorable à la surproduction pour la préservation du cinéma français.

Toutefois, quelque soit le point de vue que l’on peut avoir sur la surproduction, quelque soit la conception idéale du marché du cinéma français, plutôt libéral, ou au contraire régulé, l’important est de réfléchir à la question du partage du marché pour préserver son équilibre.

Dans cette perceptive, des améliorations sont envisageables:

« Il faudrait qu’on puisse aider les producteurs de petits films à passer du côté un peu plus ambitieux, et pour ça il faut que les groupes fassent l’effort d’aller chercher des talents un peu plus confidentiels, que les chaînes soutiennent des films un peu plus singuliers, et que l’État soutienne d’avantage des auteurs qui ont passé ce cap là. » ( Source: un responsable adjoint de production adjoint chez Pathé Production)


Ainsi, « il y a trop de films ». Selon une partie des protagonistes, cette surproduction s’alimente par les aides, comme les avances sur recettes mais aussi par la réglementation et notamment les obligations faites à la télévision. Mais ce constat illustre un problème bien plus important soulevé par le débat : la surproduction entraîne un dérèglement du marché. En effet, malgré l’échec de nombreuses productions cinématographiques, l’industrie du cinéma se finance par d’autres intermédiaires et continue donc à produire des films dans une économie qui devient de plus en plus artificielle : production et revenu ne se situent pas dans la même réalité.

À l’inverse, la surproduction garantit par son offre importante un minimum de succès et donc d’entrées en salle, une diversité des genres et donc la renommée mondiale du cinéma français selon d’autres protagonistes.

Suite de la  controverse.