Les deux architectes de la Tour, Herzog et Meuron, ont donné une place centrale dans leur argumentation à la forme triangulaire de cette dernière pour contrer les vives critiques contre la hauteur à Paris, qui n’ont pas manqué d’être émises dès son annonce. En effet, la hauteur des tours, caractéristique principale de ces édifices, attise généralement peur et hostilité quant à leurs effets sur les bâtiments bien moins hauts environnants. Mais les deux architectes expliquent que la forme triangulaire de la Tour lui permet de ne porter moins d’ombre sur les immeubles voisins, et en réduisant son caractère massif pour les personnes qui la regarderaient, depuis son pied ou de plus loin dans Paris.
Cela ne suffit pas à apaiser les craintes des détracteurs du projet. En particulier, les associations s’inquiétent toujours de l’impact que les ombres portées de la Tour auront sur son voisinage : selon une intervention de l’association de défense de l’environnement des Hautes-Seines datant de 2008 donc des premières phases du projet, il y aurait un réel problème d’ombres portées, quoi qu’en disent les architectes. L’enquête publique relative à la révision du PLU de 2012 confirme la possible présence d’ombres portées, particulièrement en hiver, et de possibles désagréments causés par sa forme.
La seconde raison du refus des Tours à Paris concerne la perspective. L’association Monts 14 explique que la Tour gâchera les plus belles vues de Paris. La vue des Invalides depuis le Sacré Cœur serait littéralement « gâchée », ce dernier étant masqué par ladite Tour. Cette crainte n’est pas nouvelle et est souvent rencontrée par les projets de grande hauteur puisque dès 1909, un journaliste critiquait déjà l’arrivée des barres d'”immeubles” (pas plus de 50 mètres à l’époque) qui créaient une sorte d’écran noir, de barrière ou de ceinture, autour de Paris et à l’intérieur de Paris, et étaient à l’origine d’une rupture avec l’esthétique habituelle de la ville et de ses lieux historiques. Leur trop grande taille viendrait masquer la beauté architecturale des monuments de Paris.
Cette idée d’écran noir ou de barrière, a été réactualisée lors de notre entretien avec Bertrand Sauzay, ingénieur des ponts de formation et président de l’association ADAHPE, Association pour le Développement et l’Aménagement Harmonieux du Parc des Expositions et de ses Environs en mars dernier, et plus particulièrement de notre visite sur le terrain en sa compagnie, ce dernier nous a exposé sa vision quant aux conséquences futures de la hauteur de la Tour Triangle, particulièrement perçue de près, qui formerait alors une sorte de mur énorme. Il s’agirait donc ici de gâcher la vision même de « près », pour les riverains qui la coutoieront au quotidien. Loin d’être transparente comme l’assurent les architectes, elle sera plutôt opaque, à la place du grand espace vide qui se trouve actuellement à son emplacement, elle pourrait même aller jusqu’à créer un sentiment d’étouffement.
Enfin, la hauteur même de cette tour, plus que ses effets, pose problème. Christine Nedelec, secrétaire générale adjointe de l’association SOS Paris explique lors d’un entretien réalisé en mars 2016 que la hauteur de la Tour Triangle est un privilège accordé à quelques favorisés puisqu’il s’agit d’une dérogation à la limite fixée à 37 mètres de hauteur par le PLU. En 2010, la ville avait néanmoins autorisé des immeubles d’habitation de 50 m et des tours de bureaux de 180 mètres dans quelques quartiers stratégiques situés à la périphérie de la capitale, dont la zone de la Porte de Versailles. C’est ce qui était déjà préconisé dans le rapport écrit par un panel de citoyens en 2010. Ce ne sont donc pas uniquement les effets néfastes causés par la hauteur de la tour qui seraient à décrier, mais le fait-même que sa hauteur soit un privilège accordé à ses promoteurs et pas aux autres habitants.
Illustration 1 : Crédit SCI Triangle ; Illustration 2 : Crédit Franta Baton et Monts 14