Les collectivités territoriales ont une position spéciale. Tout ce qui a pu être expliqué précédemment sur les réformes ou la mesure d’efficacité ne s’applique pas dans ce secteur, l’Etat ne pouvant intervenir directement sur elles. Pour cela, elles sont aussi pointées du doigt.
Épargnées par les réformes ?
Les réformes menées au niveau national pour la fonction publique d’État n’ont pas pu être appliquées à la fonction publique territoriale. Comme le souligne l’OCDE dans son rapport de 2012 sur la RGPP, les collectivités territoriales ont une certaine indépendance garantie dans la Constitution française, si bien qu’il est impossible d’y exiger directement un changement d’organisation ou des suppressions d’emplois. Ainsi, le nombre de fonctionnaires dans la fonction publique territoriale n’a cessé d’augmenter depuis 2007. L’organisme préconise donc une révision de la Constitution afin de permettre à l’État d’intervenir dans les collectivités directement, pour qu’il puisse y mener les mêmes réformes. L’autre possibilité consisterait à diminuer les aides versées, afin de faire pression sur le budget et donc de forcer indirectement les collectivités territoriales à se renouveler. (rapport OCDE, 2012)
Une évolution à maîtriser ?
L’évolution des effectifs dans certaines collectivités semble pouvoir justifier l’implication de l’État : Paul Salen, député dans la 6ème circonscription de la Loire et ancien membre du conseil général de ce département, explique qu’en 20 ans, la taille de la communauté de communes de Saint-Galmier n’a pas changé, et il n’y a pas eu de transfert de responsabilités significatif, pourtant les effectifs ont augmenté de 38%. Il pense que la solution est un transfert de responsabilité des communes vers de grosses communautés de communes qui permettraient une mise en commun des moyens. Il imagine par exemple que chaque mairie n’ouvre qu’un jour par semaine en faisant en sorte qu’il y ait au moins une mairie d’ouverte chaque jour dans la communauté. Le même personnel pourrait donc travailler dans les différentes mairie. Cela peut aussi permettre de limiter le recours aux contractuels car la mise en commun des moyens permettrait de former des fonctionnaires pour la communauté. (Entretien avec Paul Salen, député sortant de la sixième circonscription de la Loire)
Le cumul des mandats rend pourtant difficile la possible révision de la Constitution : de nombreux élus nationaux étant élus locaux par ailleurs, cela n’irait pas en leur faveur. Fabien Gélédan espère d’ailleurs qu’avec la limitation du cumul des mandats menée sous le quinquennat Hollande, une telle réforme puisse être envisageable dans le futur. (Entretien avec Fabien Gélédan)
L’évolution rapide des effectifs de la fonction territoriale se retrouve aussi au niveau national, comme le monte ce graphique de l’INSEE :
L’augmentation, beaucoup plus rapide que dans les autres fonctions publiques, alarme des organismes comme la cour des comptes
« De 2002 à 2013, les effectifs de la fonction publique territoriale se sont accrus de 27,5 %, soit 405 000 agents supplémentaires. Pour plus de la moitié, cette évolution est venue des communes et des EPCI [établissements publics de coopération intercommunale] dont les effectifs ont augmenté de 20 %, soit 243 000 agents alors que ces entités n’ont pas fait l’objet de nouveaux transferts de compétences de la part de l’Etat, à la différence des départements et des régions. »[1]
L’Association des Maires de France s’oppose néanmoins à l’immiscion de l’État dans les collectivités. Pour elle, chaque maire doit
pouvoir calibrer le nombre de fonctionnaires dont il a besoin et ne doit donc pas être contraints par l’État. L’évolution des effectifs était selon eux nécessaire. (Chanut, J-C., février 2017)
Cependant, à l’heure actuelle, les plus petites communes souffrent d’un manque de fonctionnaires, lié à un manque de budget. Catherine Barthelet, maire de Pelousey (1500 habitants), explique qu’elle est obligée de recourir à des contractuels pour occuper tous les postes, les aides de l’État ne suffisant à former des fonctionnaires.(Entretien avec Catherine Barthelet). Ainsi, les réformes ne sont pas forcément bien vécues par les fonctionnaires, qu’ils soient d’Etat ou territoriaux.
[1]Motet, L., « Idées reçues sur les fonctionnaires (2/4) : ils sont trop nombreux ! », lemonde.fr, novembre 2016.