En l’absence de solution pour lutter directement contre le virus de la dengue, Oxitec a choisi d’agir sur le vecteur de transmission de la maladie, acceptant de ne pas pouvoir contrôler les insectes relâchés dans la nature [33]. Ce constat revient à accepter de laisser la santé publique entre les pattes des moustiques, et considérer que les avantages apportés par la méthode sont suffisants pour accepter les conséquences possibles de ses inconvénients.
Il n’existe cependant pas de questionnement au niveau mondial sur le sujet, alors envisagé différemment par chaque pays. L’opposition populaire forte aux États-Unis tranche avec l’absence presque totale de réaction au Brésil, où plusieurs millions de moustiques ont cependant été relâchés pour des observations, et où l’autorisation de produire des moustiques sur le sol national a été donnée à Oxitec.
Le Web of Science (http://wokinfo.com/) permet d’observer cette différence : à la recherche du mot clé « dengue mosquito », 497 résultats proviennent des USA, contre seulement 78 au Brésil, où les lâchers de moustiques dans la nature ont déjà débuté.
L’opposition locale dans l’archipel des Keys en Floride, menée par une habitante, Mila de Mier, défend qu’il est impossible d’empêcher les moustiques relâchés d’envahir les zones habitées, et donc d’exposer les habitants à des piqûres d’insectes transgéniques [25]. Sans résultats probants, elle souligne qu’il est impossible de déterminer si cette modification génétique a des conséquences sur la santé humaine.
Les moustiques ont la possibilité de se déplacer au cours de leur existence, exposant donc un espace variable à leur présence. La direction d’Oxitec fait cependant remarquer que l’espèce incriminée, l’Aedes Aegypti, est relativement sédentaire : elle ne s’éloigne pas à plus de quelques centaines de mètres de son lieu de résidence au cours de sa vie, comme le souligne l’Institut National pour la Prévention et l’Éducation pour la Santé [2].
Les zones impactées par un lâcher localisé sont peu étendues, ce qui permet de réaliser des tests sans risquer de contaminer toute une région. Le problème se pose différemment pour ce qui est des cadavres des insectes, parfois transportés par inadvertance sur de longue distance – par avion ou par voiture – et qui expose ainsi des zones lointaines des lâchers à la présence du gène altéré [35].
Les opposants aux lâchers pointent cette volatilité des organismes génétiquement modifiés, pour mettre en cause la capacité des autorités sanitaires à limiter la présence des moustiques à une zone restreinte, et à réagir en cas d’augmentation non désirée de la présence du génome modifié dans la nature [11].
La question du contrôle de vecteurs de transmission intéresse tout particulièrement M. Christophe Boëte, directeur de recherche au CNRS, dans le cadre de la lutte contre le paludisme ; il pointe du doigt notamment le manque de recul sur la technologie utilisée, de nature très différente des outils de santé usuels, et la nécessité d’une gestion toute à fait nouvelle de cette technologie par les organismes de santé publique [19].