La loi ALUR est une loi qui a été fortement médiatisée. En général, dans une telle situation, les frondeurs se font largement entendre, et l’opposition droite – gauche est assez marquée. Ce n’est pas le cas dans la controverse qui nous intéresse : la rupture n’est pas une rupture latérale de l’hémicycle, mais est au sein même du gouvernement.
Pour l’étudier, voyons d’abord qui sont les principaux acteurs politiques intervenant dans la controverse.
- Cécile Duflot, Sylvia Pinel et Emmanuelle Cosse, ministres du Logement
D’abord Cécile Duflot, puis Emmanuelle Cosse, toutes deux ont défendu la loi bec et ongles contre ses nombreux détracteurs, sur lesquels nous reviendrons. Mme Duflot, en 2012, fait de la crise du logement une des priorités du quinquennat, et lance les projets que l’on vient d’évoquer. : dans 28 zones « tendues », c’est à dire où la demande excède l’offre, le loyer est majoré ; et deux ans plus tard, la loi ALUR – dite à l’époque loi Duflot – est mise en place à Paris.
Après Cécile Duflot, c’est au tour de Sylvia Pinel, ministre du Logement d’Avril 2014 à Février 2016, de s’occuper de la loi ALUR. Deux mois après sa nomination, en Juin 2014, elle annonce vouloir modifier la loi ALUR : le 17 Octobre 2014, la loi Pinel prend le relais de la loi ALUR.
Emmanuelle Cosse reprendra le flambeau de Cécile Duflot : successeure de Sylvia Pinel, elle annonce à la radio le 30 Juin 2016 sans préavis l’extension prochaine de la zone d’application à 412 communes de l’agglomération parisienne. Un mois plus tard, son ministère met en place un qui permet aux locataires de vérifier si leur bailleur applique la loi. Cette année, le dispositif ainsi que la zone dans laquelle le site est utilisable ont été étendus à Lille. Grâce à cela, la loi gagne fortement en applicabilité et en clarté pour le public – deux points qui ont jusqu’ici fait défaut.
- Manuel Valls, premier ministre
Son principal rôle a d’abord été de limiter l’application de la loi ALUR à Paris intra-muros en Août 2014. Bien que sa décision ait été invalidée par le Conseil d’État en Mars 2017, il a opéré de nombreuses modifications sur la loi entre temps, notamment avec la loi Pinel, conduite en Octobre 2014 par la ministre du même nom.
- L’opposition gouvernementale : Valls/Duflot
Les papiers La Gazette [23] et La Voix du Nord [24] parlent de « retocage » de la loi ALUR par le Premier Ministre. Valls pense que tout n’est pas à garder dans cette loi, comme il le déclare dans une conférence de presse à Matignon en Août 2014 [24] [3] : « Ce qui marche doit être maintenu, ce qui ne marche pas doit être réétudié ou abandonné ».
« [L’encadrement des loyers] a été voté par l’unanimité de la majorité et le Premier ministre tout seul annonce son abandon, c’est inouï ! »
Cécile Duflot, lors d’une conférence de presse en Août 2014, en réponse à la décision de Manuel Valls de limiter la loi ALUR
Manuel Valls et Cécile Duflot sont donc ici des deux côtés opposés d’un même échiquier. Tandis que l’ancienne ministre du logement envisage de résoudre la crise à travers la loi qui porte son nom, le Premier Ministre en voit la solution dans l’investissement locatif. D’après cet article du Monde [26], cela passe par des avantages fiscaux pour les investisseurs et un allègement de la réglementation sur la location.
La cause première publique de l’opposition est alors ici bien mise en évidence, et est résumée par Gilles Artaud, président de Planète patrimoine, dont les propos sont rapportés dans ce même article : « Or le principal frein à l’investissement est justement cet encadrement des loyers qui inquiète les investisseurs ». Le point fondamental sur lequel M. Valls et Mme. Duflot ne s’entendent pas est donc le risque du recul de l’investissement locatif dû à la loi ALUR.