Les processus spécifiques de la lecture sont les processus perceptifs et cognitifs qui permettent de faire en sorte que la forme physique du signal graphique ne constitue plus un obstacle à la compréhension du message écrit. La lecture (en tant qu'activité cognitive) implique un ensemble de transformations de représentations mentales d'entrée en d'autres représentations de sortie, transformations qui mettent en oeuvre différentes aires du cerveau.
L'identification du mot exige l'activation de ces trois représentations. La reconnaissance du mot, qu'elle soit globale ou le résultat d'un déchiffrage ne mène pas automatiquement à sa représentation sémantique. La reconnaissance visuelle, l'accès au lexique mental, la récupération du sens de chaque mot, leur intégration dans le contexte de la phrase, leur prononciation : tout cela mobilise plus d'une dizaine d'aires cérébrales réparties dans différentes régions.
Lire comporte de nombreux aspects culturels arbitraires. D'ailleurs, la lecture est une invention culturelle trop récente pour que notre cerveau ait pu s'y adapter au cours de son évolution. Et pourtant, chez tous les individus, dans toutes les cultures, les mécanismes de l'identification invariante des mots reposent sur la même région cérébrale, à quelques millimètres près, appelée « aire de la forme visuelle des mots » . Cette région paraît ne s'« activer » que pour reconnaître des mots écrits. Tant dans sa connectivité que dans ses mécanismes intimes, elle paraît remarquablement adaptée à la fonction d'identifier les mots. Elle le fait avec une rapidité surprenante et une invariance pour la position et la forme des lettres sans laquelle nous ne pourrions pas lire.
Un autre résultat important, établi grâce à l'IRM, est que le cerveau traite de manière différente les images et les lettres. C'est l'hémisphère droit qui s'occupe des dessins, et ce en partant du global pour aller au détail. A l'inverse, les lettres et idéogrammes sont traités par l'hémisphère gauche, qui fonctionne de manière analytique et synthétique, c'est-à-dire en partant des éléments de base pour construire l'ensemble.
Concernant la dynamique d'apprentissage de la lecture, la science a ainsi mis en évidence que le cerveau, aussi bien chez l'enfant que chez l'adulte, part du détail pour aller au général.
Les principaux résultats des recherches en neurosciences portent sur l'importance des traitements phonologiques durant la lecture. Ainsi, si l'on en croit de nombreuses études, tant neuroscientifiques que dans le domaine des sciences cognitives, les compétences phonologiques influencent positivement l'apprentissage de la lecture. La reconnaissance automatique des mots se ferait en activant des représentations orthographiques, mais également des représentations phonologiques. Des travaux d'imagerie cérébrale laissent d'ailleurs penser que les traitements orthographiques et phonologiques dans la reconnaissance des mots font partie d'un réseau neuronal commun. Certaines études ont d'ailleurs exhibé la supériorité des résultats obtenus avec un mode d'apprentissage explicite du code alphabétique, consistant à fournir à l'élève la correspondance graphème-phonème.
Il faudrait par conséquent un moyen pédagogique qui permette à l'enfant de se constituer des lexiques de correspondances phono-graphémiques. Des études (voir un exemple d'étude), ont montré les effets positifs d'un entraînement à l'habileté d'analyse phonémique intentionnelle sur le développement de l'habileté à la lecture. Le facteur crucial du processus d'apprentissage de la lecture serait l'utilisation intensive de la procédure de décodage phonologique séquentiel et contrôlé fondé sur l'apprentissage des correspondances graphophonologiques. L'apprentissage du décodage porte donc sur les graphèmes, les phonèmes, et la mise en correspondance des deux. Idéalement, l'apprentissage des éléments de la structure phonologique devrait idéalement se situer avant celui de la langue écrite, par exemple à travers certaines activités spécifiques dès l'école maternelle.
Contrairement à ce que suppose l'approche « whole-language » (Goodman), les mots ne semblent pas se fixer dans la mémoire des enfants à force de les regarder ou à force que d'autres les lisent pour eux.
Ainsi, une hypothèse forte qui se dégage des recherches récentes est que l'automatisation de la reconnaissance des mots écrits est probablement la conséquence de l'utilisation répétée du décodage graphophonologique séquentiel. Il s'agirait de la constitution d'un système articulé de représentations phonologiques et orthographiques qui répondent aux groupes de lettres présents dans le mot écrit. D'après José Morais, si l'enfant reconnaît en moyenne 1000 mots écrits nouveaux chaque année, c'est parce qu'il utilise le code : il est en effet plus facile d'apprendre la règle et les exceptions à la règle que d'apprendre tous les patrons orthographiques utilisés.
Ainsi, de nombreuses recherches sur l'efficacité des méthodes de lecture laissent penser que les méthodes qui mettent l'accent sur l'enseignement du décodage sont plus efficaces. Ce n'est pas un apprentissage naturel, mais, au contraire, cela requiert un enseignement systématique.
Les méthodes synthétiques peuvent être sub-divisées en deux catégories : d'un côté, les méthodes synthétiques à entrée phonique qui partent des sons pour aller vers les lettres de l'alphabet et sont, de ce fait, invalidées par les neurosciences; de l'autre côté, les méthodes synthétiques classiques qui sont validées par les neurosciences.
Pourquoi ? Parce que ce modèle d'approche pédagogique correspond au principe de mécanisme de fonctionnement du cerveau, lequel consiste à aller, d'une part, du visuel (les graphies) à l'auditif (les phonies) et, d'autre part, des éléments simples (les lettres de l'alphabet) aux éléments complexes (les combinaisons des lettres de l'alphabet que sont les syllabes, les mots, les phrases et les textes).
Tel est le raisonnement tenu par Bernard Wemague, linguiste et enseignant. Selon lui : « Depuis l'avènement du procédé qualifié de « phonologique » ou de « phonémique » né d'une erreur d'adaptation, à l'enseignement de la lecture, des travaux de recherche en linguistique, les enseignants mais non les parents, vont des sons aux lettres de l'alphabet. » Selon lui, les neurosciences, ainsi que d'autres disciplines scientifiques, permettent de démontrer que la démarche pédagogique de lecture qui part des sons pour aller aux lettres de l'alphabet est mal fondée.
De plus, l'affirmation du caractère nuisible de l'apprentissage explicite des correspondances graphophonologiques est obsolète au regard à la fois de l'évolution des modèles théoriques, des données expérimentales et des évaluations pédagogiques. Toute pédagogie qui prônerait une concentration exclusive sur le code serait tout autant en contradiction avec l'avancée des connaissances sur l'apprentissage de la lecture. L'ensemble des recherches de psychologie cognitivistes appuie fortement la recommandation selon laquelle la pédagogie de la lecture ne doit délaisser ni le sens, ni la phonologie.
Certaines études neuroscientifiques permettent encore, en analysant le processus de lecture et les difficultés que cette dernière peut poser, de mettre en lumière certains points importants pour un bon apprentissage.
Ainsi, la lecture réclame une capacité d'identification de très petites variations de formes, qui est à travailler. On a également remarqué des confusions de sons proches sur le plan analogique (b/p/d), assez fréquentes chez 30 à 40 % des jeunes enfants de 6 ans. Ceci est dû à des anomalies neurologiques, indépendantes du niveau socio-économique, perturbatrices au moment de l'apprentissage de la lecture. Il leur faut donc une aide pour les corriger.
Il ne faut pas non plus négliger l'importance du temps. En effet, les différentes opérations à effectuer doivent débouchent sur une solution avant que les souvenirs rappelés de la mémoire ne soient effacés. Ceci n'est pas évident en début d'apprentissage de la lecture. Il est alors nécessaire de travailler la rapidité du processus de prise de conscience phonologique.
Enfin, selon le docteur Ghislaine Wettstein-Badour, il vaut mieux privilégier les méthodes imprimées en noir et blanc (meilleur contraste qui facilite le travail du fovéa) et sans images. En effet, les images, sollicitant l'hémisphère droit du cerveau, empêchent le gauche, qui s'occupe de la lecture, de « travailler pleinement ».
Pour conclure, insistons sur l'importance de nuancer les allégations des neurosciences. Roland Goigoux affirme par exemple que les résultats des sciences cognitives ne permettent pas de conclure quant à la supériorité de telle ou telle méthode, elles ne sont pas assez avancées pour valider ou invalider telle ou telle pratique. Cependant elles permettent d'indiquer les composantes que la pédagogie n'a pas le droit d'oublier.
Ainsi, si de nombreuses recherches en neurosciences et sciences cognitives prétendent conclure à la supériorité de méthodes privilégiant le décodage, par rapport à la méthode analytique, une étude de Content et Leybeart du laboratoire de psychologie cognitive de Bruxelles a obtenu le résultat inverse, au grand étonnement des deux chercheurs ! Selon M.Goigoux, par ignorance ou malveillance il y a une véritable « campagne d'intox » sur les réalités pédagogiques : phonèmes et syllabes ne sont pas l'apanage des seules méthodes synthétiques, la méthode analytique (de Freinet) inclue également une étude des relations graphophonologiques. La syllabe joue un rôle capital comme base des processus de comparaison.
Il ne faut pas oublier que l'apprentissage de la lecture ne passe pas uniquement par une méthode. L'enseignant y joue un rôle très important : l'effet maître prend souvent le pas sur l'effet méthode.