Offrir de la gratuité, c’est un peu comme offrir de la gratuité à l’opéra ou au théâtre, à la Comédie française, qui sont fréquentés essentiellement par des classes favorisées.
Alain Trannoy, économiste de l'EHESS
Les économistes
Au cours du siècle dernier, l’enseignement supérieur a pris une importance économique toujours plus grande. Reconnu comme étant un vecteur de croissance économique, c’est un enjeu majeur, notamment dans les pays les plus développés. Dès lors, il n’est pas étonnant que les économistes se soient saisi de la question des droits de scolarité dans l’enseignement supérieur et aient cherché à apprécier son impact, à la fois sur le plan micro économique et sur le plan macro-économique.
On va chercher ici à comprendre le rôle des économistes dans cette controverse et détailler leurs différentes contributions au débat. Par ailleurs, la question de la dimension économique de notre Controverse a été omniprésente pendant nos investigations. Elle fait l’objet d’un noeud propre.
Lors de notre enquête, nous avons eu l’occasion de rencontrer deux économistes avec des points de vue différents. Nous avons pu tout d’abord discuter avec Alain Trannoy, partisan d’une augmentation des frais de scolarité couplée à la mise en place d’un système de PARC. C’est ensuite Hugo Harari Kermadec qui nous a permis de le rencontrer et de discuter de sa préférence pour un système de financement par l’impôt sans augmentation des frais de scolarité.
Quel rôle jouent les économistes dans cette controverse ?
Face à la question des droits de scolarité, les économistes sont à la fois observateur et force de proposition. Il sont observateurs quand ils essayent d’analyser et de comprendre les intéractions que peuvent avoir les droits de scolarité sur les étudiants, l’accessibilité à l’ES, ou quand ils étudient les systèmes de financement comme les PARC. Ils sont force de propositions quand ils présentent des solutions, souvent fondées sur des modèles économiques. Il serait néanmoins trompeur de penser que ces deux facettes sont complètement indépendantes. En effet, les économistes se fondent sur leurs observations pour ensuite formuler des propositions.
Par ailleurs, on peut distinguer les études micro-économiques des études macro-économiques, même si la séparation est ici assez contestable. Certaines études se concentrent plus particulièrement sur l’effet des droits de scolarité sur le comportement des étudiants, voire des écoliers (on peut citer à titre d’exemple l’article intitulé Forward-Thinking Teens : The Effects of College Costs on Adolescent Risky Behavior de Benjamin W. Cowan. L’auteur étudie l'influence du montant des droits de scolarité sur les comportements à risques des adolescents qui ne sont pas encore en âge de s'inscrire dans un établissement de l'enseignement supérieur.) D’autres études se placent sur un plan moins individuel en s’intéressant par exemple au coût qu’aurait un financement par des PARC comparé à un financement par les impôts.
En analysant, critiquant et en proposant des mesures de politique économique, les économistes jouent donc leur rôle traditionnel: conseiller le prince. Néanmoins, le sujet qui nous concerne se distingue car il concerne directement les étudiants, et a fortiori le rapport qu’entretiennent ceux-ci avec l’institution qu’il fréquente et les professeurs qui leur enseignent. On a d’ailleurs pu se rendre compte que le vécu des économistes en tant que professeur, voire en tant qu’ancien étudiant, n’était pas sans conséquence dans leur analyse.