Dans le contexte actuel de difficultés sociales importantes pour les familles françaises, je pense que l’heure n’est pas, quelles qu’en soient les conditions, à augmenter le prix d’accès à un service public.
Bruno Julliard, membre du PS et adjoint au maire de Paris
Comment l'augmentation des droits de scolarité influe-t-elle sur l'accessibilité de l'enseignement supérieur ?
La première pensée que l'on a lorsqu'on pense à une augmentation des frais d'inscription est qu'une telle action risque de remettre en cause l'accessibilité à l'enseignement supérieur pour tous. Celui-ci est considéré comme un service public en France, il est primordial que quiconque, sans barrière financière ou sociale puisse y accéder. C'est bien évidemment une préoccupation importante de tous les acteurs de notre controverse. Si les études deviennent payantes comment garantir que des étudiants avec des ressources financières moindres pourront accéder à un enseignement supérieur de qualité égale à celui auquel accède un jeune d'un milieu aisé?
On remarquera que dans cette question interviennent deux paramètres: l'accessibilité à l'enseignement supérieur, et la qualité de celui-ci. Implicitement les études sont considérées comme un produit marchand: un service vendu à un client, l'étudiant. La qualité du service dépend alors logiquement du prix de celui-ci.
«Vous trouvez normal de payer plus cher dans un restaurant où on mange mieux. Il ne faut pas se voiler la face: on ne mange pas bien partout. Ça ne me semble pas aberrant, pourtant je suis fervent défenseur du service public»
Nicolas Cheimanoff
Dans une telle modélisation de l'enseignement supérieur, on comprend alors mieux la problématique de l'accessibilité financière:
Dans quelle mesure l'enseignement supérieur reste-il alors un service public?
Quels mécanismes mettre en place pour garantir l'accessibilité sans sélection financière?
Cependant,malgré la quasi gratuité des études en France, en regardant de plus près, tous les acteurs de notre controverse ou presque semblent s'accorder sur le fait qu'il y a aujourd'hui en France un clivage social entre les jeunes qui poursuivent leurs études dans le supérieur et les autres.
Les établissements du supérieur n'ont pourtant aucun moyen d'effectuer une sélection en fonction des revenus des familles. Il n'y a pas de sélection financière, mais pourtant une sélection sociale existe.
«les études sont gratuites mais ceux qui fréquentent les établissements de l'enseignement supérieur sont quand même en grande majorité des étudiants qui viennent de classes favorisées.»
Alain Trannoy
Même au sein de l'enseignement supérieur, on observe une sélection sociale en fonction de la qualité de l'enseignement (évaluée par le coup de revient à l'état d'une année d'étude par élève). Les grandes écoles accueillent majoritairement des élèves de familles favorisées alors que les élèves des universités viennent de milieux plus modestes.
«... dans notre système éducatif les deux sélections [sociale et académique] sont directement corrélés»
Bruno Julliard, adjoint au maire de Paris, décembre 2011
L'accessibilité à l'enseignement supérieur, et à des études de qualités sont donc soumis à une sélection sociale!Celle-ci n'est évidemment pas explicite, et indépendante de la volonté des grandes écoles. Toujours est-il que la gratuité de l'enseignement supérieur ne garantit pas son accessibilité à tous.
«Il faut faire attention à l’illusion du « tout-gratuit ». Ce n’est pas parce qu’on met en place un système sur le principe du « tout-gratuit » que tout le monde y a accès »
Institut Montaigne,
Comment éviter une telle sélection sociale? Les frais d'inscriptions peuvent-ils être une solution?
Jusqu'à présent, deux types de sélections potentielles ont été identifiées: une sélection financière qui pourrait être opérées par des études supérieures payantes, et une sélection sociale, plus difficile à expliquer qui n'est apparemment pas liée aux droits d'inscription.
Cependant il existe une troisième sélection qui semble plus acceptée aujourd'hui : la sélection académique. Il est évident qu'un étudiant médiocre n'a aujourd'hui pas accès aux mêmes études qu'un étudiant brillant. Mais est-ce normal? Cette dernière sélection a cela de particulier que sa mise en place est débattue: autan tout le monde s'accorde pour dire qu'il faut éviter toute sélection financière ou académique dans l'enseignement supérieur, autant de nombreux acteurs soutiennent la mise en place d'une sélection académique. Comment une augmentation des droits de scolarité peut-elle influer sur cette sélection? Va-t-elle la biaiser, la renforcer, la compléter …? Les acteurs de notre controverse ont des positions assez variées sur le sujet.
Le nœud de l'accessibilité aux études supérieures s'articule alors autour de trois sous-nœuds qui sont les trois critère sur lesquels repose cette accessibilité: la sélection financière, une sélection sociale apparemment indépendante de la sélection financière, et la sélection académique.