Le jour où l'Etat me donne 10 000 fois ce qu’il donne à l’université, je supprime complètement les droit de scolarité : complètement.
Richard Descoings, ancien directeur de Science Po Paris
Les études supérieures, un investissement en capital humain ?
« Alors qu’il apparaît évident que les individus acquièrent des savoir-faire et des savoirs utiles, il n’est pas si évident que ces savoir-faire et savoirs constituent une forme de capital [et] que ce capital soit pour une part substantielle le produit d’un investissement délibéré. »
Théodore Schultz
Le capital humain est l'ensemble des aptitudes, talents, qualifications, expériences accumulés par un individu et qui déterminent en partie sa capacité à travailler ou à produire pour lui-même ou pour les autres
Introduction à l'économie de Jacques Généreux
Tout d’abord, précisons qu'aucun acteur de la controverse ne conteste le lien entre le fait de faire des études supérieures et avoir un revenu supérieur, même si celui-ci peut être très variable en fonction des études. Néanmoins, quel aurait l’augmentation des droits de scolarité sur la manière dont l’étudiant envisage sa formation? Ne tendrait-on pas vers une logique d’étudiant-client ? Voyons les différents points de vue exprimées à ce sujet.
« Les études rapportant en principe des salaires futurs plus élevés s'apparentent à un investissement (en capital humain). »
Gary Bobo et Trannoy dans « Faut-il augmenter les droits d’inscription à l’université ? »
Dans leur article, les deux universitaires adoptent une analyse très économique du problème et se placent dans la théorie du capital humain développée par Gary Becker. Ils prennent néanmoins en compte les éventuelles imperfections des marchés financiers, ce qui a pour conséquence la nécessaire intervention de l’Etat pour assurer à tous le même accès au crédit.
Le duo d'économistes Flacher - Harari Kermadec s'éloigne de ce postulat initial. Pour ces deux universitaires, tout dépend de la lecture qu'on a du problème. On peut faire le choix d'une vision de l'enseignement supérieur en tant qu'investissement, ce qui justifierait ensuite un nouveau calcul des droits de scolarité. Mais cette prise de partie ne va pas de soi.
"Le relèvement des frais d'inscription constitue en effet (avec la mise en place de prêts aménagés) le pilier d'une "éducation par capitalisation" : l'étudiant est un investisseur qui accumule du capital (humain) qu'il conviendra par la suite de rentabiliser."
David Flacher et Hugo Harari-Kermadec dans une tribune du Monde (6/09/2011)
Les deux économistes n’établissent pas ici un constat : ils ne disent pas que l’étudiant est un investisseur. Il s’agit plutôt de pointer la conception des études que se ferait la société en cas d’augmentation des droits de scolarité pour l’étudiant : celui-ci serait considéré comme un individu qui investit dans le capital humain afin dans l’attente de bénéfices futurs dans le monde professionnel. Les deux auteurs nient dans cette tribune la dimension purement économique de l’enseignement supérieur.
Dans une autre publication les deux chercheurs écrivent :
"The investment into education also reflects a desire from privileged classes to maximise “symbolic” returns, beyond the maximisation of economic ones .”
David Flacher et Hugo Harari-Kermadec dans Modeling tuition fees in presence of social heterogeneity (3 mai 2010)
Finalement, il ne s’agit pas dans cet article de nier la nature économique du débat et la notion de capital humain, mais plutôt de montrer du doigt les limites d’une telle conception. Les deux économistes montrent dans leur article qu’une logique d’éducation par capitalisation ne permettrait pas une même accessibilité pour tous à l’ES. En effet, les classes les plus privilégiées retirent un profit supérieur d’ordre symbolique de leurs études supérieures.
Enfin, Bruno Julliard conteste l'idée d'une éducation par capitalisation, considérant que l'enseignement supérieur n'est pas limité à un stricte investissement individuel.
"J’ai la conviction que l’enseignement supérieur n’est pas uniquement un service personnel et individuel, mais bien le service de la société, d’une collectivité, à destination de tous. […]"
Bruno Julliard, ancien président de l'UNEF, adjoint au maire de Paris
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