La question de la sociologie

 D’un point de vue purement sociologique, il est naturel que la question de l’homoparentalité fasse débat car la parentalité a toujours occupé une place très importante dans la société à partir du moment ou elle implique la notion de famille, structure fondamentale de la société. La vision “traditionnelle” de la parentalité est aujourd’hui mise à mal par des modifications profondes, avec notamment la prolifération des familles recomposées où les parents ne sont plus ceux qui ont “créé” l’enfant, mais ceux qui l’ont éduqué, comme l’expliquent Lise Mingasson et Maurice Godelier [1]. Ce type de changements marque l’ouverture à de nouveaux types de parentalité, et c’est alors que la sociologie entre dans la controverse : quelles sont les implications de ce nouveau modèle familial qu’est le modèle homoparental sur la société ?

Les études purement sociologiques se basent sur des théories menées généralement par des sociologues, appuyées par des études concrètes (contrairement au cas de la psychologie, c’est ici la pratique qui semble prédominer sur la théorie). Les études ne sont pas réellement contradictoires mais s’enrichissent entre elles comme elles ne prennent pas réellement de position pour ou contre dans le débat sur l’homoparentalité : leur parti est plutôt de constater comment le modèle familial se construit et quelles difficultés il rencontre, mais aussi quels avantages il peut finalement avoir (rappelons qu’il s’agit ici bien des études purement sociologiques : on peut retrouver des positions très tranchées qui ont une composante sociologique, mais celles-ci ont aussi une dimension psychologique et sont donc traités dans la partie Psychologie/Sociologie).

Au niveau de la perception du modèle homoparental dans la société, une étude menée par Brian Powell, Catherine Bolzendahl et Claudia Geist [2]montre par exemple que le principe de famille homoparentale n’est aux États Unis pas ancré dans les esprits au premier abord : les personnes interrogées ne les classent pas immédiatement parmi les familles, mais une partie de l’échantillon change d’avis après invitation à la réflexion.

Cependant les familles homoparentales voient leur situation et leur modèle se modifier et s’améliorer : il y a quelques années, la parenté des couples homosexuels se faisait principalement dans un contexte hétéroparental (comme les couples homosexuels n’étaient pas reconnus par la société), c’est à dire qu’une personne fondait une famille hétéroparentale qui s’effondrait lorsqu’elle se rendait compte de son homosexualité, et l’enfant était alors bien élevé dans un contexte homoparental. Au contraire, aujourd’hui la société tend de plus en plus à accepter un nouveau modèle autonome de famille homoparentale d’après Emmanuel Bourges [3], ce qui facilite et stabilise la formation de ce type de familles.

Cependant on note tout de même que ce nouveau type de familles s’inscrit toujours dans un environnement traditionnel qui les influencent : elles ont tendance à reproduire des comportements stéréotypés imposés par des pressions de la société qui les entoure. Par exemple à travers la répartition des rôles à la manière des couples hétérosexuels : Arlene Istar Lev [4], ainsi que Martha Mailfert dans son étude « Homosexualité et parenté » [5] nous montrent qu’on retrouvera notamment souvent la mise en place d’une figure affective et d’une figure qui fixe les règles. Cette constatation peut être rassurante dans le sens où l’on retrouve globalement le fonctionnement de la famille traditionnelle hétéroparentale, mais elle peut aussi inquiéter : ce comportement est-il naturel ou plutôt artificiel et uniquement engendré par des pressions de la société ? S’il semble adapté pour les couples hétérosexuels, l’est-il aussi pour les couples homosexuels ?

S’il y a ainsi des similitudes forcées avec le fonctionnement des couples hétérosexuels, il y a aussi des différences profondes. En effet une étude d’Emmanuel Bourges [3] montrent que les familles homoparentales ont tendance à mettre les relations affectives au premier plan plutôt que les relations d’ordre familial. Cette différence vient directement du fait que ces familles ne sont pas considérées comme telles par une partie de la population. On voit donc que les familles homoparentales peuvent aussi affirmer leur différence en un certain sens.

Ainsi on voit que les sociologues ont plus tendance à relever l’évolution du modèle dans la société : ils ne relèvent pas d’aberration totale dans le principe d’homoparentalité et n’affirment pas non plus la légitimité d’un tel modèle. Ressortent des études les similitudes avec le modèle hétéroparental, mais surtout les singularités de ce nouveau modèle

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  1. Godelier, Maurice et Mingasson, Lise. « Actualité de la parenté dans une perspective anthropologique », Informations sociales, 2006.

  2. Powell, Brian, Bolzendahl, Catherine, Geist Claudia et alCounted out: Same-sex relations and Americans’ definitions of family, 2010.

  3. Bourges, Emmanuel, L’homoparentalité au masculin. Le désir de l’enfant contre l’ordre social, éditions Puf, 2008.

  4. Istar Lev, Arlene. « How queer ! The development of sexual orientation and gender identity in LGBTQ-headed families », Family Process,2010.

  5. Mailfert, Martha. « Homosexualité et parentalité », Socio-anthropologie [En ligne], 2002.

  6. Ducousso-Lacaze, Alain et Grihom, Marie-José. « Pour une approche métapsychologique de l’homoparentalité », Perspectives Psy, 2009.