La question de la psychologie

 Beaucoup de chercheurs ou psychologues se posent la question de l’impact psychologique que peut avoir l’homoparentalité sur le développement de l’enfant. En effet ce modèle familial particulier est à considérer différent du modèle homoparental et il n’est donc pas immédiatement acquis que l’enfant se développera de la même façon (comme l’explique Béatrice Bourge [1]).

La controverse est donc très présente dans ce secteur, et se caractérise par des discussions entre psychologues, psychanalystes, chercheurs en psychologies, professeurs de psychologie etc. et des réflexions théoriques (qui sont très nombreuses), mais aussi par des études concrètes sur des échantillons de population. Ces dernières sont un peu moins nombreuses mais dont le nombre s’élève tout de même à une cinquantaine (quantification) qui se concentrent principalement sur les trente dernières années (et dont le bilan est fait dans un article d’Olivier Vecho et Benoît Schneider [2]). Ce faible nombre d’études pratiques (qui s’élève tout de même à une cinquantaine) s’explique par une difficulté d’obtenir des échantillons représentatifs de la société : il est nécessaire pour avoir des résultats satisfaisants de mener l’étude sur un grand nombre de personnes d’origines variées. De plus, même avec cette condition, les résultats obtenus par les différents psychologues diffèrent -s’opposent, même- à partir du moment où chacun peut choisir les facteurs qu’il désire pour mesurer l’impact psychologique d’avoir grandi dans une famille homoparentale. Par exemple, certains choisiront la relation à l’alcool et d’autres la stabilité sentimentale, certains s’intéresseront aux familles dont un des parents a déjà eu des relations homosexuelles et d’autres se limiteront aux enfants élevés par des couples homosexuels stables etc. Tant de facteurs qui font que la controverse reste très riche chez les psychologues, et qu’elle ne trouve bien entendu pas de réponse tranchée.

 

Martine Gross, Bruno Perreau et Olivier Vecho_JPG

Photo prise lors d’un colloque lgbt à Rouen, on retrouve Martine Gross, Bruno Perreau et Olivier Vecho (dont plusieurs études ont été utilisées comme source dans cet article).

Essayons tout de même de référencer les arguments qu’il peut exister pour ou contre l’homoparentalité du point de vue de la question de la psychologie pure (pour les arguments qui font intervenir des composantes sociologiques et qui sont donc à cheval sur deux questions, il faudra se référer à la section Psychologie/Sociologie, qui traite de l’interaction entre ces deux thématiques).

La première peur des psychologues reste celle d’un déséquilibre le l’enfant à long terme, par exemple la peur qu’il soit instable ou celle qu’il ait de moins bon résultats scolaires (deux facteurs qui sont bien entendu liés), une étude par Daniel Potter [3] arrive à la conclusion que les résultats se retrouvent bien affectés dans le mauvais sens.

Une deuxième peur qui reste très présente est celle que l’enfant ait des difficultés dans la construction de son identité sexuelle. Sans se limiter à l’argument simpliste que l’enfant aurait plus tendance à être homosexuel, on peut craindre par exemple, à l’instar d’Arlène Istar Lev [4] la difficulté d’un dialogue parent-enfant quant à l’explication de leur orientation sexuelle.

Ces craintes se présentent généralement sous forme d’études théoriques, qui avancent des raisonnements complexes et qui n’ont donc pas été développés ici (pour plus de précisions, se référer aux articles concernés), et qui sont ensuite appuyés par des résultats d’études (qui peuvent être menées par l’auteur de l’article ou bien menées par une autre personne, mais avec une réflexion nouvelle sur les résultats obtenus).

Il existe alors bien entendu les raisonnements théoriques inverses, qui contredisent les précédents en relevant des absurdités dans les arguments voyant un risque dans l’homoparentalité. Notons que la démarche théorique se fait globalement dans ce sens : certains voient des risques, et d’autres les démentent, tout simplement car on ne peut pas réellement montrer de manière théorique par A+B qu’il ne se passe rien de particulier dans la progression psychologique de l’enfant, mais on peut essayer de démontrer que celui qui dit qu’il se passe quelque chose se trompe (voir par exemple l’article « Back in the Gay » de William Saletan [8] qui répond à l’article « Queer as folk (…) » de Mark Regnerus [9]).

De même, certaines études arriveront à des conclusions totalement opposées, et montreront que les enfants ne présentent pas de déséquilibre notable. Les études « Homoparentalité et développement de l’enfant : bilan de trente ans de publications » [2], “Homoparentalité » [5] et « Same-sex parenting and children’s outcomes (…) »[6] aboutissent à cette conclusion et affirment donc que l’homoparentalité ne présente donc pas de problème global.

Ainsi on peut voir que malgré l’apparente rigueur des études scientifiques menées sur la question de l’homoparentalité, on ne peut pas conclure à une quelconque réponse définitive parmi les psychologues. Une étude très intéressante menée par Olivier Vecho et Benoît Schneider, « Attitude des psychologues français à l’égard de l’homoparentalité » [7] s’efforce alors à relever quels sont les points à problème parmi les psychologues. On remarque tout d’abord que l’aptitude des homosexuels à être parent est très peu remise en question, c’est plutôt le développement psychologique des enfants qui inquiète, de manière inhérente aux capacités de ces couples. La question de la mise en place d’une législation adaptée est encore plus gênante chez les psychologues.

Par ailleurs, on peut aussi constater une forte influence de la condition de chacun sur son point de vue ; la religion est un facteur important, mais aussi la formation (les psychologues ayant reçu une formation de psychanalyse ont plus tendance à être contre l’homoparentalité) ou l’expérience professionnelle (ceux ayant eu une expérience avec des couples homosexuels auront, eux, plus tendance à approuver l’homoparentalité) etc.

La controverse parmi les psychologues se retrouve par conséquent compliquée par leur condition socioprofessionnelle, et malgré la multiplication des études et des réflexions sur le thème de l’homoparentalité, la situation semble actuellement bloquée, chaque psychologue défendant son point de vue initial. En effet l’étude des différents types d’articles au sujet de la psychologie nous a conduit à constater (avec une certaine déception) que les auteurs semblent être très souvent (et des deux côtés de la controverse) très influencés dans leur raisonnement par leur intuition initiale, et guident alors leurs recherches dans le sens qui va soutenir leur point de vue. Ce problème a sans doute pour conséquence des études biaisées car non objectives.

Ce n’est donc sûrement qu’avec l’évolution des mœurs et la progression de la place des couples homosexuels dans la société que nous pourrons constater un changement dans les mentalités et voir une tendance se détacher significativement.

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  1. Bourges, Béatrice. L’homoparentalité en question, Et l’enfant dans tout ça ?, éditions du Rocher, 2008.
  2. Vecho Olivier et Schneider Benoît. « Homoparentalité et développement de l’enfant : bilan de trente ans de publications », La psychiatrie de l’enfant, 2005.
  3. Potter, Daniel. « Same sex parenting and children academic’s achievement », Journal of Marriage and Family, 2012.
  4. Istar Lev, Arlene. « How queer ! The development of sexual orientation and gender identity in LGBTQ-headed families », Family Process, 2010.
  5. Lacroix, Xavier. Homoparentalité , Études 9, 2003.
  6. Marks, Loren. « Same-sex parenting and children’s outcomes: A closer examination of the American psychological association’s brief on lesbian and gay parenting », Social Science Research, 2005.
  7. Vecho, Olivier; Pr Schneider, Benoît. « Attitude des psychologues français à l’égard de l’homoparentalité », La psychiatrie de l’enfant2012.
  8. Saletan, William. « Back in the Gay – Does a new study indict gay parenthood or make a case for gay marriage? », Slate, 2012.
  9. Regnerus, Mark. « Queers as folk – Does it make no difference if your parents are straight or gay? », Slate, 2012