Lien avec la controverse :
L’affaire Festina, restera gravée dans les mémoires comme le premier scandale de très grande ampleur dans le milieu cycliste. Pour la première fois, le dopage, « ultra répandu » dans le peloton de l’époque, va éclater au grand jour. En effet, à partir de l’affaire Festina, le dopage, jusqu’alors tabou, va devenir extrêmement médiatisé. D’autre part, cette affaire a également montré l’influence que certains coureurs pouvaient exercer au sein de leur équipe en incitant leurs coéquipiers à se doper pour satisfaire les exigences des sponsors inhérentes au cyclisme de haut niveau.
L’affaire a principalement révélé au grand public la généralisation du dopage comme une norme du cyclisme moderne. Il y avait déjà eu des affaires de dopage sur le Tour, comme l’affaire Pollentier en 78 ou celle Delgagdo en 88, mais elles restaient pour l’opinion publique des initiatives individuelles. L’affaire Festina a révélé que les équipes pouvaient organiser un système complexe de dopage avec notamment pour la première fois la mise en évidence de la participation active de l’équipe médicale. Le fait que la meilleure équipe française, ait été au centre de l’affaire pendant le Tour, avec dans ses rangs le coureur le plus populaire du pays, R. Virenque, a contribué aussi à l’importance de l’affaire dans celui-ci, et profondément marqué l’opinion public.
L’évidence de la pratique du dopage au sein du peloton a forcé les instances internationales du cyclisme à s’intéresser de plus près à ce problème auparavant minimisé. On a alors vu se mettre en place des méthodes plus pointues de contrôle, en investissant notamment plus d’argent dans la recherche antidopage, ou en commençant à effectuer des contrôles inopinés. Cependant elle fut quand même accusée d’un certain laxisme dans les années qui suivirent, voire de complicité dans l’affaire Armstrong; notamment dans le rapport de l’USADA( Assocation Anti-Dopage Américaine) sur celle-ci. Les scandales de dopage ne se sont pas du tout arrêtés en 98 et ont continué à revenir régulièrement dans les années 2000 : Affaire Puerto, Rasmussen…
Au cours d’une interview avec Christophe Bassons (interview), un des trois membres de l’équipe à ne pas s’être dopé, celui-ci expliqua que dans le peloton tout le monde était déjà au courant de ces pratiques répandues, et que personne n’y voyait un problème. Avant l’affaire la peur de se faire prendre n’existait quasiment pas chez les coureurs selon lui. Après l’affaire les équipes ont du faire beaucoup plus attention, et étaient beaucoup plus discrètes quant à ces pratiques. Cependant si on en croit un procès concernant réseau de fournisseurs de produit dopant en France en 2003, l’affaire a même pu avoir l’effet inverse de celui escompté, elle aurait en effet incité certains coureurs à se doper car elle a montré la démocratisation du dopage au sein du peloton et confirmé qu’il était le seul moyen de gagner.
Les coureurs de Festina n’ont pas tous pris leur retraite après le scandale, Richard Virenque a participé au Tour l’année suivante et a encore réussi a gagné deux maillots à pois en 2003 et 2004. Il avouera s’être dopé lors du procès en 2000, et même d’avoir pris une part plus active que les autres dans ce système. Christophe Moreau a notamment gagné le Critérium du Dauphiné en 2007 et a fait plusieurs places d’honneur sur le Tour. En fait contrairement aux affaires Armstrong, Rasmussen ou surtout Froome, le public français n’en voulait pas réellement à l’équipe Festina, particulièrement à son poulain Richard Virenque, le juge de l’affaire dit même avoir subi d’énormes pressions, de sa hiérarchie, du public, et fut d’ailleurs écarté du parquet après l’affaire. Plusieurs personnes expliqueront que l’on avait laissé aucune chance au coureur de devenir le premier Français à gagner le Tour depuis Hinault alors qu’il était favori. Lorsqu’on voit le traitement infligé à Froome aujourd’hui, alors qu’il n’a jamais été contrôlé positif ou eu une quelconque relation avec une affaire de dopage, on peut se poser la question suivante : les mentalités ont-elles réellement changées face au dopage ou l’indulgence dont a bénéficiée Virenque n’était-elle due qu’au chauvinisme ?
Description de l’affaire
L’équipe fut créée en 1989 sous le nom Lotus Zahor, elle est au départ une équipe espagnole pas encore considérée comme une grande équipe cycliste. En 1994 l’équipe devient andorrane et recrute le directeur sportif Bruno Roussel. L’année suivante elle prend définitivement la nationalité française, et recrute de grands coureurs français, notamment Richard Virenque. Elle brille ensuite par ses performances surtout sur le Tour de France où les performances de son leader ; trois fois maillot à pois 95, 96, 97 et deux fois sur le podium en 96 et 97, lui donne une énorme côte de popularité en France où on parle de Virenquemania. Elle gagne aussi le championnat du monde en 1997 grâce à Laurent Brochard, En 1998 l’équipe semble ne jamais avoir été aussi forte et beaucoup la considère comme la meilleure équipe au monde. Les spécialistes donnent, à l’aube Tour, de grandes chances de victoire pour Richard Virenque, synonyme de consécration pour l’équipe. Néanmoins le 8 juillet 1998, Willy Voët un soigneur de l’équipe est contrôlé à la frontière franco-belge alors qu’il est au volant d’une voiture officielle de l’équipe et qu’il se rend à Dublin pour la première étape. Ce contrôle douanier qui semble au départ anodin est le point de départ de la plus grande affaire de dopage de l’histoire du cyclisme.
L’affaire en question
Après trois jours de garde à vue Willy Voët finit par avouer un dopage organisé dans l’équipe. Il rejette la faute sur les coureurs qui sont selon lui les instigateurs de ce système, il rentrera plus tard bien plus dans les détails dans son livre Massacre à la Chaîne paru en 1999 où il explique même les méthodes utilisées pour duper les contrôles anti-dopage. Quelques jours plus tard Bruno Roussel le directeur sportif passe aussi aux aveux ce qui entraîne l’exclusion de Festina de la compétition. Là encore Roussel attaque en premier lieu les coureurs, notamment Richard Virenque qui est considéré comme le vrai chef de l’équipe incitant ses coéquipiers à se doper selon le médecin de l’équipe. Roussel explique aussi que Virenque s’est demandé , lorsqu’il a appris l’arrestation de Voët, comment allait-il faire pour courir le Tour (« Comment vais-je faire pour mes produits ? » ).
Les coureurs essaient de négocier la possibilité de rester dans le peloton, mais n’y arrivent pas. Richard Virenque organise alors une conférence de presse à l’improviste où il apparaît en pleurs et nie s’être dopé volontairement. Il n’y aura que deux autres coureurs qui nieront le dopage, tous les autres membres de l’équipe avoueront avoir été conscients de ces pratiques au sein de l’équipe. Le 23 Juillet ils sont entendus par la police, et on effectue des contrôles sur chacun d’eux, le 30 Novembre, les résultats tombent : 8 coureurs sur 9 positifs à l’EPO dont Virenque, et 4 aux amphétamines.
Festina n’est pas la seule équipe touchée par le scandale, cette affaire crée un climat de suspicion dans tout le peloton, et la police perquisitionne les hôtels de cinq autres équipes pendant le Tour au grand dam de Laurent Jalabert. Le 29 juillet les coureurs posent pied à terre au km 32 de l’étape pour protester contre les méthodes de la police. Finalement cinq autres équipes se retireront avant la fin de ce Tour 1998.
Willy Voët expliquera bien plus tard qu’il est persuadé d’avoir été victime d’un complot, qu’il a été dénoncé par les autres équipes qui étaient jalouses de la domination de Festina, et que la Police l’attendait à la frontière (video).
D’après le livre Fin de cycle-Autopsie d’un système corrompu de Pierre Ballester, Bruno Roussel accusa Jean-Marie Leblanc, directeur du Tour de l’époque, d’avoir voulu étouffer l’affaire dans les premiers jours car il ne considérait pas le dopage comme un vrai problème. Il dira que le président de l’UCI de l’époque, Hein Verbruggen, a eu la même attitude.
Le Tour 98 se termina quand même avec la victoire de Marco Pantani devant Jan Ulrich deux coureurs qui ont été contrôlés positifs au cours de leur carrière. Le Tour 99 était censé être le Tour du renouveau, avec des coureurs exclusivement propres, il voit la victoire d’un homme qui est très vite montré comme un exemple, après avoir battu le cancer, qui gagne au la main la course, puis les six éditions suivantes : Lance Armstrong, qui mit en place un système de dopage systématique et organisé au sein de son équipe US Postal au cours de ses 7 victoires, rappelant fortement les méthodes Festina (cf Affaire Armstrong-US Postal).
Pour aller plus loin:
Ce qu’il faut retenir de ces vidéos:
Ces deux vidéos d’anciens responsables de l’équipe Festina (à l’origine de la plus grande affaire de dopage organisé de l’histoire du vélo voire du sport en 1998) donnent des visions réalistes (cyniques) du rapport dopage cyclisme. Bruno Roussel parle de la « gloire » de se doper pour les coureurs, c’est une sorte de baptême pour passer au professionnalisme. Bruno Roussel dénonce alors la banalisation du dopage dans le monde du cyclisme, et même s’il pointe du doigt les coureurs et les équipes, il accuse principalement les instances dirigeantes, et tout particulièrement l’UCI, accusée d’avoir laissé se développer une culture du dopage dans le vélo en fermant les yeux sur ces pratiques depuis les années 70.
Il faut quand même souligner que ces deux avis sont à prendre avec des pincettes, ces deux personnes ayant été durement touchées par l’affaire Festina, ces accusations et révélations sonnent aussi comme un baroud d’honneur de leur part, visant à rétablir leur légitimité morale dans l’opinion publique mais surtout à se justifier de la pratique généralisée du dopage à l’époque Festina par l’argument : « Mais tout le monde faisait comme nous et les instances laissaient faire, il y a eu un complot contre nous et on a été puni pour l’exemple. »
Source:
http://www.linternaute.com/sport/cyclisme/dossier/les-derapages-du-tour-de-france/festina-la-plus-grosse-affaire-de-dopage.shtml
http://www.franceinter.fr/blog-100-jours-100-tours-laffaire-festina
https://fr.wikipedia.org/wiki/Affaire_Festina
http://www.lexpress.fr/actualite/societe/sante/virenque-dans-la-seringue_494210.html
http://www.20minutes.fr/france/9268-20030515-france-en-matiere-de-dopage-festina-a-ouvert-la-voie
http://www.lepoint.fr/actualites-societe/2009-11-12/le-juge-de-l-affaire-festina-se-met-a-table/920/0/394361
https://fr.wikipedia.org/wiki/Marco_Pantani#Affaires_de_dopage
http://www.20minutes.fr/france/9268-20030515-france-en-matiere-de-dopage-festina-a-ouvert-la-voie
Fin de cycle-Autopsie d’un système corrompu de Pierre Ballester
Massacre à la Chaîne de Willy Voët