Le dopage dans le cyclisme et dans le sport en général est devenu un sujet très en vogue. Ainsi, nombreux sont les journalistes qui s’y intéressent. Mais ces derniers peuvent venir d’horizons différents, avec des méthodes de travail de ce fait qui peuvent varier complètement. Il y a par conséquent une multitude de manières de traiter l’information sur ce sujet.
Tout d’abord il faut regarder les différentes personnes qui vont s’intéresser au dopage. Il y a bien sûr les journalistes sportifs, mais aussi parfois des journalistes « classiques » qui ne sont pas forcément spécialisés dans le sport. Au cours de nos recherches, nous nous sommes aussi aperçus que nombreux étaient les anciens acteurs du monde du cyclisme à être rentrés dans le débat et en particulier sur la recherche d’informations sur le dopage. Il y a aussi bien des coureurs que des membres du staff technique tels que les médecins ou les préparateurs. Avec le développement d’Internet, on trouve aussi des amateurs, ni professionnels du vélo ni du journalisme, qui apportent leur pierre à l’édifice, souvent à l’aide de montages vidéo qui essaient de résumer la quantité astronomique d’informations quant à ce sujet brûlant.
Les distinctions ne s’arrêtent pas là. En effet en plus d’y avoir des reporters venant d’horizons différents, au sein de chacun de ces « types » d’enquêteurs sur le dopage, les motivations semblent différer. Il y a d’abord le journaliste « classique » sportif ou pas d’ailleurs, qui fait son travail consistant à délivrer une information, la plus objective possible sur un sujet à partir de ce qu’il a pu glaner. Son objectif n’est ni de défendre ni d’attaquer le dopage, mais de mettre face-à-face des avis divergents sur celui-ci. Lorsqu’il y a des soupçons concernant un coureur par exemple, il ne les cachera pas, il essaiera d’argumenter en faveur des soupçons tout en rappelant que cela ne reste que des soupçons qui peuvent être infondés. Ensuite il y a le journaliste d’investigation qui au lieu de faire un condensé de ce qui se dit va partir à la recherche de nouvelles informations. Il peut essayer d’en chercher qui accusent ou réfutent un cas de dopage mais bien souvent, les travaux d’investigation se transforment en croisade anti-dopage. Ces travaux d’investigation peuvent aussi être menés par des non-journalistes, des médecins du sport par exemple, le plus souvent en collaboration avec des professionnels en la matière. Le début des vrais reportages d’investigation sur les pratiques dopantes dans le cyclisme est le phénomène le plus récent, ils ont commencé à apparaître après l’affaire Festina, mais se sont surtout multipliés suite aux nouveaux scandales comme l’affaire Puerto en 2006, puis l’affaire Armstrong en 2012. Ils sont entretenus par et entretiennent la suspicion générale sur les cyclistes, les performances de l’équipe Sky ont aussi engendré leur lot d’enquêtes afin de percer le secret de l’équipe. Chez les anciens du milieu cycliste, on trouve également divers intérêts. Il y a ceux qui, déjà tombés pour dopage, essaient de se refaire une place parmi les gens « honnêtes » à l’aide de révélations sur le dopage ou en accusant tout le monde, on peut citer notamment Bruno Roussel et Willy Voët après l’affaire Festina, ils ont souvent affaire à ces accusations par les coureurs actuels d’ailleurs. Tout comme l’on a d’autres protagonistes qui ont fait face au dopage dans leur carrière, l’ont dénoncé, et essaient aujourd’hui d’assainir leur sport comme Christophe Bassons.
Par-delà les motivations, les méthodes pour parler du dopage diffèrent également. On a tout d’abord celle qui consiste à énumérer des informations déjà connues, et à faire ensuite un article « résumé », c’est la plupart du temps ce que va faire le journaliste classique qui se refuse à prendre position. Aujourd’hui, les reportages issus d’un véritable travail d’investigation et qui essaient de pousser dans leurs derniers retranchements les acteurs face au dopage sont de plus en plus fréquents. Le journaliste va donc poser des questions à des coureurs, à des membres de staff, à des scientifiques, même à des confrères. Pour essayer de prouver la culpabilité d’une équipe ou d’un coureur, parfois juste pour trouver des indices, il y a aussi plusieurs méthodes. Certains mènent une enquête classique au sein du peloton voire de la dite équipe et à l’aide de témoignages espèrent convaincre. C’est notamment ce qui est arrivé pour l’affaire Armstrong qui est tombé suite aux révélations de Floyd Landis et Tyler Hamilton, même si dans ce cas là les témoignages étaient faits dans le cadre d’une enquête judiciaire contre les personnes en question. D’autres utilisent des méthodes scientifiques telles que le calcul de puissance afin d’émettre des doutes sur un coureur à partir de performances « étalons », l’exemple fondamental en France est Antoine Vayer qui est lui même un ancien entraineur de l’équipe Festina. L’utilisation de calcul scientifique pour soupçonner des coureurs est assez récente, car elle provient à la base des méthodes qu’avaient les entraîneurs pour calculer les puissances développées par leurs coureurs, le Dr Ferrari fut le premier à utiliser de telle méthode dans les années 2000, et elles étaient déjà très décriées. Elles le sont d’ailleurs toujours, et même si les modèles s’affinent, chaque spécialiste a le sien, ce qui donne lieu a des discordes. Frédéric Grappe remet par exemple en cause les modèles utilisés par Antoine Vayer. C’est donc principalement grâce à cette méthode que les soupçons pèsent sur Chris Froome, dont les puissances développées sont caractéristiques d’un « mutant » selon Vayer.
On peut aussi remarquer le ton souvent très polémique utilisé pour les articles ou publications sur le dopage. En effet le sujet est vendeur, les journalistes usent et abusent de ce sujet dans toutes les presses, surtout lors du Tour de France, afin de faire parler d’eux. Un ton très provocateur est souvent employé dans les publications anti-dopage, évoquant des coureurs mutants, chargés…
La polémique sur le dopage est victime de son succès, il y a énormément d’articles dessus, avec des pics chaque année au moment du Tour de France pour les publications francophones, mais souvent on se contente d’accusations simples uniquement pour donner au public ce qu’il veut entendre. Cependant si cela satisfait le public, les coureurs ne l’entendent pas de la même oreille il suffit juste de regarder le traitement réservé à Froome sur la route du Tour ces dernières années : jet d’urine notamment… Ces articles donnent une très mauvaise réputation aux coureurs, médecins, et équipes en général, sans preuve irréfutable à l’appui: à terme cela pourrait mettre en danger réel la vie des coureurs. Il faut néanmoins souligner le travail très sérieux que font beaucoup de journalistes ou autres acteurs spécialisés dans le dopage qui arrivent à mener des enquêtes très sérieuses.
Les sponsors sont aussi forcement touchés par le traitement de l’information dans le cyclisme. En effet sponsoriser des équipes cataloguées comme dopées, donc tricheuses, peut faire plus de mal que de bien à l’image de leur marque. La firme Rabobank s’est d’ailleurs retirée du peloton en 2012 au moment de l’affaire Armstrong, laissant l’équipe qu’elle finançait avec un nom arbitraire: Blanco. Cependant l’impact négatif qu’ont les affaires de dopages sur les sponsors et les organisateurs est remis en question par ceux qui expliquent que les revenus générés par le cyclisme n’ont pas diminué depuis Festina bien au contraire. Maintenant on peut quand même s’intéresser au problème suivant : si les journaux sportifs gagnent leur vie grâce à la popularité des courses et aux sponsors ont-ils intérêt à dénoncer un dopage qui la diminuerait ou les ferait fuir?
Le cyclisme est de surcroît un sport très particulier sachant que les principales courses sont organisées par les journaux eux-mêmes. Le groupe Amaury organise notamment le Tour, la Vuelta, Paris-Roubaix, mais il est aussi propriétaire du journal l’Equipe… De la même façon la Gazzeta dello Sport organise le Giro en Italie. On peut dès lors se poser la question de l’objectivité de ces journaux sur la question du dopage sachant qu’une affaire de dopage qui éclate c’est un manque à gagner économique pour les organisateurs des compétitions (retrait de sponsor, diminution du public etc.…). Les journalistes ont-ils alors réellement intérêt à enquêter sérieusement sur des affaires de dopage alors que des révélations pourraient faire perdre de l’argent à ceux qui les paient ? Dans le cas de l’Equipe c’est encore plus embêtant sachant qu’il est le seul journal sportif de France, il a donc un certain monopôle de l’information et est aussi le seul à pouvoir mener une véritable enquête d’envergure. De la même façon les journalistes de France Télévisions sont aussi très critiqués pour leur laxisme vis-à-vis du dopage. On leur reproche en premier lieu l’emploi de consultants entachés dans leur carrière par des affaires de dopage (Laurent Fignon, Laurent Jalabert…) mais aussi leur tendance à être très tolérants face aux coureurs « suspects ». Le deuxième argument trouve une justification dans le fait qu’ils ne peuvent pas accuser sans preuve. Il n’en reste pas moins que le premier point est problématique : il est difficile de condamner officiellement le dopage à l’antenne lorsqu’on l’a soi-même utilisé au cours de sa carrière.
Source:
Nos entretiens avec JC Ollivier et Stephane Huby
http://www.amaury.com/aso.shtml
http://www.la-croix.com/Archives/2013-06-26/L-ancien-cycliste-Laurent-Jalabert-accuse-de-dopage-2013-06-26-979039
http://www.francetvsport.fr/l-uci-comprend-le-retrait-de-rabobank-116433
http://www.lemonde.fr/sport/article/2010/05/20/floyd-landis-avoue-s-etre-dope-et-accuse-le-cyclisme-americain_1360263_3242.html