SKY dans notre controverse
Christopher Froome est aujourd’hui à l’apogée de sa carrière. Coureur très controversé, il subit avant tout de plein fouet les conséquences de l’affaire Armstrong: le cyclisme ne croit globalement plus en ses champions, la suspicion est désormais omniprésente et c’est inédit dans notre controverse. Surtout lorsque la domination est aussi écrasante, la densité de l’équipe si forte. Le britannique paye sa ressemblance avec le règne de l’américain auquel il est sans cesse comparé et subit de ce fait l’opprobre.
Il est trop tôt pour mesurer les conséquences de la suspicion qui plane sur le Kényan Blanc, d’autant plus que son règne n’est probablement pas terminé et qu’à l’heure d’aujourd’hui, il est impossible d’affirmer qu’il ait triché d’une manière ou d’une autre. Pourtant, alors que le public s’insurgeait du traitement fait à Virenque il y a 20 ans, coupable avéré de prise de produits dopants, il n’hésite pas à stigmatiser violemment le double vainqueur du Tour. Une telle absence de présomption d’innocence est inédite dans le cyclisme, comme si le public n’autorisait plus l’existence de grand champion. La notion de performance humaine est donc ici considérablement remise en cause et une profonde fracture entre les divers acteurs se dessine. D’un côté, de nombreux anciens coureurs (Cédric Vasseur, Laurent Jalabert…) n’hésitent pas à afficher publiquement leurs doutes quant aux performances du dernier vainqueur de la Grande Boucle. On retrouve également des journalistes, comme Antoine Vayer dans cet article qui dénonce très violemment le coureur. Dans l’autre camp, on trouve avant tout des adeptes de la présomption d’innocence, qui invite à la raison et à ne pas confondre diffamation et accusation. Jean Paul Ollivier explique ainsi: « De gros contrôles sont fait maintenant, et Froome est exceptionnel, c’est un très grand coureur. Il ne faut pas systématiquement stigmatiser les performances, sinon dès qu’il y a un grand champion, on peut lui dire de rentrer chez lui. »
Froome cristallise indubitablement les soupçons: AICAR, micro-doses, transfusions sanguines, dopage mécanique lui sont tour à tour reprochés. Ce qui diffère, c’est également la promptitude avec laquelle on l’attaque: jamais un coureur n’avait été publiquement autant décrié pendant sa période de domination. Cela s’explique entre autre par l’essor d’Internet où tout le monde peut être journaliste à son échelle: blogs et autres chaînes Youtube s’affairent ainsi à décortiquer ses accélérations marquantes afin d’y trouver une preuve de sa culpabilité.
SKY plus en détails: après les victoires, les doutes
SKY est une équipe de cyclisme sur route professionnelle britannique. La création de l’équipe SKY est annoncée en février 2009. 2010 fut l’année de sa première saison. L’année 2016 est donc la 7ème année de l’équipe.
Son budget est estimé à 18 millions d’euros en 2014 soit le plus gros budget du peloton.
L’équipe est aujourd’hui dirigée par Dave Brailsford et compte de nombreux coureurs de niveau international dans ses rangs.
En 2012, Bradley Wiggins devient le premier britannique à remporter le Tour de France. L’année suivante ; ainsi qu’en 2015, Christopher Froome remporte à son tour l’épreuve reine du mois de Juillet.
L’équipe SKY gagne considérablement en notoriété après son succès retentissant sur le Tour de France en 2012. Bradley Wiggins devient le premier anglais à remporter le Tour de France, et au-delà de la performance de l’homme, c’est surtout la performance de l’équipe qui est impressionnante. C’est la première année du désormais célèbre train SKY. Le team SKY est en effet connu pour sa grande maitrise de la course, sa capacité à gérer et contrôler tous les faits de course. Pour cela, il faut avant tout avoir une équipe très complète et endurante, capable de rouler à l’avant du peloton dans la plaine comme dans les cols. Et en 2012, SKY avait incontestablement cette équipe. Boasson Hagen très bon rouleur, Mickael Rogers, Richie Porte et surtout Christopher Froome comme équipier de luxe dans la montagne. Pour mettre en difficulté un coureur, il faut avant tout être capable de l’isoler, de faire sauter tous ces équipiers un par un. Or, des coureurs comme Porte et surtout Froome étaient et sont toujours parmi les tous meilleurs au monde, de telle sorte qu’ils étaient parfois meilleurs que les leaders de certaines équipes. Ainsi , les coéquipiers de Wiggins étaient capables d’imprimer un rythme permettant d’écrémer doucement le groupe des favoris par le bas jusqu’à se retrouver seule. SKY fut beaucoup critiquée pour le manque de spectacle et de panache inhérent à cette stratégie de course. Pire, une scène surréaliste survient dans la montée de la Toussuire. Froome, l’une des révélations du Tour, vainqueur en force sur la Planche des Belles Filles devant tous les favoris et premier lieutenant du maillot jaune Wiggins, imprime un train d’enfer pour décramponner les derniers suiveurs. Suite à un changement de rythme brutal, il fait exploser tous les coureurs encore en course, y compris son leader. Panique dans l’oreillette, on hurle à Froome d’attendre son leader qui a du mal à suivre. Froome s’exécute au détriment du spectacle, suscitant l’incompréhension totale chez les spectateurs et les journalistes. Quelques jours plus tard, dans la montée de l’Alpe d’Huez, Wiggins a de nouveau du mal à suivre, Froome doit à nouveau l’attendre, on comprend alors que le meilleur n’est pas celui qui porte la tunique jaune. De par sa volonté de respecter la hiérarchie, SKY froisse les attentes du public et va à l’encontre des principes du sport : la course se fait à l’oreillette et non avec les jambes.
Le dévouement est total, le régional de l’étape ou le bon équipier n’a même pas son billet de sortie comme à l’époque de Bernard Hinault ou de Greg Lemond. Ce collectif surprend par sa puissance, sa densité. Geraint Thomas, plutôt un mec de classique, roule à bloc dans la montée et termine 6e à La Pierre-Saint-Martin (Pyrénées-Atlantiques), mardi. Il me rappelle Georges Hincapie. Passeur de pavés au grand gabarit (1,90m, 82 kilos), devenu le capitaine de route d’Armstrong, Hincapie avait devancé tous les grimpeurs à Saint-Lary Soulan en 2005… Et Richie Porte, c’est Tyler Hamilton ! Ces gars-là, ils sont là pour tuer le Tour, pas pour faire rêver.
Pierre Ballester, Libération – 15 Juillet 2015
Froome fait exploser Wiggins dans la montée de la Toussuire
L’année suivante, l’ordre a changé : Froome vient cette fois-ci en leader pour gagner, un an après avoir été bridé par sa propre équipe. Froome impose alors une domination sans partage : deux arrivées aux sommets, deux accélérations fulgurantes et deux victoires sensationnelles pour le Britannique. A Ax 3 Domaines puis dans le Ventoux, Froome est de très loin le meilleur et ça se voit. Pire, son lieutenant Richie Porte termine deuxième dans les Pyrénées juste derrière son leader, comme si SKY ne laissait que des miettes à la concurrence. Sa suprématie est incontestable. Trop ?
Une défaillance dans l’Alpe d’Huez rappelle au monde que même le britannique a des limites, mais le jeune Quintana n’est assurément pas en mesure de rivaliser avec lui. Pas encore. Après 2012, la victoire de Froome est méritée mais le doute déjà bien présent.
2014 est une année sans, Froome chute à plusieurs reprises, blessures et abandon. Porte prend le leadership mais n’est pas en mesure de rivaliser avec la concurrence, le Tour n’est plus à l’heure anglaise.
Le Tour 2015 ressemble bien plus à son homologue de 2013. Froome, revanchard, gère parfaitement les pavés piégeurs de début de Tour et sort extrêmement bien placé de la partie pré-montagne. Dès la Pierre Saint Martin, première montée, il écrase la concurrence. Porte finit à nouveau deuxième derrière son leader, se payant le luxe de doubler Nairo Quintana dans les derniers hectomètres. Cette phénoménale domination éveille les soupçons : dopage biologique, dopage mécanique : peu de personnes croient en la performance de Christopher Froome. Cédric Vasseur, ancien coureur et consultant moto pour France TV parle de « vélo qui semble avancer tout seul ». Il suffit de ce fait d’armes pour déchainer les passions : plateaux ovoïdes, visites des bus, publications des puissances développées, SKY tente tout pour justifier les performances de ces coureurs. Bien que sans preuve évidente, le public se déchaine contre l’équipe britannique. Froome expliquera avoir pendant la suite du Tour subit insultes, jets de verres (pleins) de bières voire d’urine. Porte expliquera s’être fait agresser dans les 21 virages de l’Alpe. Beaucoup d’aficionados, encore sous le coup des récents scandales de dopage, ne croient pas en la performance de Froome et le condamnent sans preuve. SKY devient l’équipe dans le viseur des médias et de la foule pour avoir gagné l’épreuve reine du cyclisme 3 fois en quatre ans. Progression spectaculaire, morphologie suspecte, technique de pédalage atypique : tout est avancé pour les accuser. Aujourd’hui, il est impossible d’émettre un jugement objectif sur son cas, contrairement à de nombreux champions du passé comme Indurain, Pantani ou Armstrong. Chacun est libre de faire son propre choix.
Froome et les Sky ne se rendent même pas compte qu’ils impriment le même dégoût (qu’Armstrong, NDLR) sur cette épreuve. (…) L’aspect sportif de cette course a été gâché, spolié par des performances hors de la normale depuis des décennies. On a vu s’opérer une renonciation du public. Les politiques ? Tous pourris ! Les cyclistes? Tous dopés ! Et après cette capitulation, qu’est-ce qu’on fait ? Les principaux acteurs n’essaient même plus de s’en défendre.
Pierre Ballester, Libération- 15 Juillet 2015
Pour aller plus loin:
Ce qu’il faut retenir de cette vidéo:
Cette vidéo ne pourra pas, par définition, être objective. Cependant elle donne la parole à la défense sur le cas Froome. On y voit donc M.Brailsford, donner plusieurs arguments pour défendre les performances de son équipe. Il se justifie surtout du manque de transparence sur les pratiques de la Sky dont il est souvent accusé. Il explique notamment qu’il a ouvert à tous les journalistes la porte de son bus pendant le Tour de France, pour qu’ils puissent vérifier par eux-mêmes, qu’il ne s’y passe rien d’illégal. Brailsford va même plus loin : il explique que c’est même les membres de son équipe qui demande à être plus contrôlés par les autorités afin de faire taire tout soupçon définitivement. Il dit par exemple, que c’est « grâce » à l’insistance de Chris Froome que celui-ci se fait maintenant contrôlé régulièrement à Tenerife pour son stage de présaison. Brailsford finit par proposer à l’UCI, un nouveau procédé pour surveiller encore plus les équipes, c’est d’assigner à chaque équipe un observateur de l’UCI, qui serait toute l’année avec l’équipe et qui aurait accès à tout dans cette équipe afin de vérifier la légalité des pratiques effectuées.
Ce qu’il faut retenir de cette vidéo:
Performances de Chris Froome analysées par Pierre Sallet (Dr en physiologie) : Ces vidéos sur les performances de Froome montrent un avis unanime des médecins sur les performances du britannique. Elles sont comparables à celles d’Armstrong, Ulrich, Pantani…. Autrement dit, à des coureurs ayant reconnu s’être dopés. Elles sont considérées comme des performances de « mutants ».
Ce qu’il faut retenir de cette vidéo:
On a ici le droit à une brève analyse par Antoine Vayer des performances de Froome sur le Tour 2013.
Source:
https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89quipe_cycliste_Sky
http://fr.uci.ch/road/ranking/
https://www.theguardian.com/sport/2009/feb/26/cycling-tour-de-france-mark-cavendish
http://www.francetvsport.fr/wiggins-et-la-revolution-sky-11545