L’eau de l’Ebre pour alimenter Barcelone ?
Avril 2008 : le projet de transvasement de l'Ebre défraie la chronique. La courte video du journal France 24 consultable ici en résume les enjeux.
En résumé
En 2000 puis en 2008, le gouvernement espagnol envisage de transvaser de l’eau depuis l’Ebre par un canal de plus de 100km. A deux reprises ces projets ont rencontré de fortes protestations.
En détails
Un projet dans la lignée de la fièvre franquiste d’infrastructures hydrauliques
Historiquement, l’une des premières solutions avancées pour pallier aux vagues de sécheresse en Catalogne est le transvasement de l’Ebre, par la construction de canaux reliant l’Ebre au Llobregat, fleuve dans lequel la compagnie publique ATLL puise l’eau pour la distribuer à ses utilisateurs. Dès les années 1970 cette idée commence à se développer, mais l’opposition des milieux politiques et des medias dans la province d’Aragon paralysent le projet. Le contexte économique avec la crise du pétrole rend par ailleurs moins urgent le besoin d’eau pour Barcelone. Les transvasements n’en sont pas moins courants en Espagne, premier pays au monde en termes du nombre de barrages et grandes infrastructures hydrauliques proportionnellement à la superficie. Un antécédent est le grand transvasement Tage-Segura, dont la construction, initialisée en 1966, s’est terminée en 1979.
L’Ebre
L’Ebre, fleuve au plus gros débit d’Espagne, débouche dans la Méditerranée à 140 km environ au sud ouest de Barcelone. Il traverse la Cantabrie, la Castille-et-León, La Rioja, la Navarre et l'Aragon avant de se jeter dans la Méditerranée en Catalogne, d’où le fait que de nombreuses régions considèrent avoir un droit d’accès à l’eau de l’Ebre.
Caractéristiques de l’Ebre :
Longueur : 928km
Superficie de son bassin : 85 362km²
Débit moyen : 426m3/s, soit 13 430hm3 annuels. Il s’agit d’un débit très irrégulier : en été il peut atteindre un dixième
seulement de son débit moyen.
Nombre de barrages dans le bassin hydrographique de l’Ebre : 172
Evolution de ce projet, en fonction de la pluie et du beau temps… et des gouvernements
Le projet de transvasement de l’Ebre est développé pour la première fois en 2000 dans le Plan Hydrologique National élaboré par le gouvernement de José Maria Aznar, dans le but de compenser les inégalités d’accès à l’eau entre le nord et le sud de l’Espagne. Le PHN prévoit de transvaser 1050 hm3 par an, soit près de 10% de son débit, au profit de plusieurs villes de l’arc méditerranéen : Barcelone, Valence, Murcie et Almeria, pour la somme de 4,2 milliards d’euros provenant de fonds européens.
Dès la publication du PHN, un tollé de manifestations y répond. Ecologistes et scientifiques dénoncent la non-viabilité économique et environnementale du transvasement de l’Ebre. La Commission Européenne de l’Environnement, chargée d’examiner le projet avant que les fonds soient accordés, demande à plusieurs reprises des précisions sur des points importants au Ministère de l’Environnement espagnol. Elle reporte à chaque fois la décision de financer le projet, jusqu’au changement de gouvernement en 2004 : le 18 juin, le conseil des ministres présidé par José Luis Zapatero annule le projet de transvasement de l’Ebre.
Il faut ensuite attendre jusqu’en 2008 pour que ce projet revienne sur le devant de la scène espagnole avec la grave sécheresse aux mois de mars et avril 2008 qui laisse les réserves d’eau des barrages en-deçà de 25% de leur capacité. Il a subi quelques modifications : l’eau ne viendra pas directement de l’Ebre, mais de Tarragone, qui reçoit de l’Ebre 120hm3 annuels par une canalisation déjà existante depuis les années 1980.
Ce nouveau projet est approuvé par José Luis Zapatero le 18 avril 2008. Remarquons au passage qu’il avait affirmé deux mois auparavant que le transvasement de l’Ebre n’aurait pas lieu, lors d’un meeting de sa campagne présidentielle le 2 mars. Mais le gouvernement joue avec les mots : le projet porte à présent le nom de mini transvasement, ou « d’apport ponctuel d’eau ». Immédiatement les présidents des régions de Murcie et Valence s’indignent, leurs régions souffrant également de la sécheresse, et ils projettent de recourir au tribunal constitutionnel. Du côté du Parti Populaire souffle aussi le mécontentement, des justifications de ce revirement sont exigées à Zapatero. Quant aux associations écologistes et à la communauté scientifique, elles refusent en bloc ce transvasement.
Le mois de mai vient changer la donne avec des fortes pluies qui renflouent les réserves d’eau en Catalogne, et en juin 2008 le décret de mini transvasement est suspendu.
Depuis lors il n’a plus été sérieusement question de transvasement de l’Ebre, mais qu’en sera-t-il à la prochaine grande sécheresse ? La réponse du gouvernement est l’usine de dessalement qui sera en fonctionnement en juin 2009, traitant 70 hm3 chaque année. Pour la Fondation Nouvelle Culture de l’Eau (FNCA), cette réponse est insuffisante, est l’accent doit être mis sur la « prévention de la sécheresse ». Cependant les propositions de la FNCA rencontrent de nombreux obstacles dans leur réalisation, notamment le non-respect des délais imposés et le manque d’intégration des propositions dans les politiques territoriales.
Après ce bref aperçu sur le sujet du transvasement de l’Ebre, vous pouvez approfondir en consultant la description des projets techniques tels qu’il avaient été présentés en 2001 puis en 2008, comprendre les liens entre les acteurs impliqués ainsi que le rôle de chacun dans l’onglet Controverse, ou vous rendre compte de la succession des événements grâce à la chronologie.
Suite de la controverse : la technique envisagée pour le détournement de l'Ebre