La controverse en 2008
En résumé
La controverse sur le transvasement de l’Ebre ressurgit brusquement après quelques années d’oubli lorsque sévit une grave sécheresse en Catalogne au printemps 2008. Au mois d’avril, les barrages sont remplis à moins de 20% de leur capacité, et le Ministère de l’Environnement dépoussière un vieux dossier, toujours aussi explosif : le transvasement de l’Ebre…
En détails
Quelles différences avec le PHN ?
Le projet n’est guère modifié techniquement, puisqu’il reprend la solution envisagée en 2001 : prolonger le mini-transvasement déjà existant entre l’Ebre et Tarragone. C’est dans les objectifs du projet et le panorama des acteurs que le projet diffère. En 2008, le projet de transvasement est envisagé pour répondre à une situation d’urgence qui est la sécheresse à Barcelone. Il s’agit d’une solution d’appoint, mise en place en attendant que l’usine de dessalement d’El Prat, prévue pour mai 2009, puisse alimenter Barcelone en eau. Les canalisations, construites pour un budget de 180 millions d’euros par l’entreprise AGBAR, seront utilisées uniquement pendant 7 mois. Une contrainte imposée par le projet est que le transfert soit réversible, c’est-à-dire qu’en cas de besoin Barcelone peut alimenter Tarragone en eau. Le caractère d’urgence du transfert ne l’empêche pas de rester très contesté, d’où la prudence du gouvernement qui prend le projet avec des pincettes : lorsqu’un accord est signé entre le gouvernement central et la Généralité Catalane, les deux institutions rejettent le terme de « transvasement » et emploient plutôt ceux de « mini-transvasement » ou « apport ponctuel d’eau ». Ces précautions sont liées aux antécédents de la controverse, notamment à la polémique qui s’est développée entre 2001 et 2004. Mais les groupes écologistes ne sont pas dupes et critiquent ce projet.
Le panorama des acteurs :
Le panorama des acteurs se trouve modifié à plusieurs niveaux par rapport à celui de 2001 :
Au niveau européen, l’Union Européenne n’a plus un rôle clé dans la controverse, puisque c’est le gouvernement espagnol qui va financer le projet, et non plus les fonds de la Commission Européenne. De plus l’impact écologique du transvasement est réduit par rapport au projet de 2001 puisque l’eau à transvaser est de l’eau de toute façon prélevée de l’Ebre, que Tarragone arrive à épargner grâce à la modernisation de ses canalisations qui réduit les pertes d’eau.
Au niveau régional, la Catalogne est cette fois en accord avec Madrid, la situation d’urgence l’obligeant à accepter le transvasement.
D’autre part les régions de Murcie et Valence s’insurgent contre le projet. Elles devaient bénéficier du transvasement en 2001 et sont laissées à l’écart par le mini-transvasement. Indignées, elles menacent de recourir au tribunal Constitutionnel.
Les nouveaux enjeux du projet :
Ecologique
Social : les travaux pour la construction de la canalisation prévoient l’expropriation d’environ 600 logements dans des zones majoritairement rurales entre Tarragone et Barcelone. Cet élément fournit un argument de poids au groupe COAGRET (Communauté des personnes affectées par les barrages et transvasements).
Nouvelle culture de l’eau : Une nouvelle fois des ressources en eau sont créées (eau épargnée à Tarragone grâce à la diminution des pertes dans les canalisations vétustes)pour répondre à une demande d’eau croissante, sans adaptation de la demande aux ressources disponibles. Le gouvernement espagnol répond à ceci qu’il s’agit d’une situation de crise, ce qui justifie le transvasement. Cet avis n’est pas partagé par la Fondation Nouvelle Culture de l’Eau, qui a acquis plus encore de légitimité qu’en 2001, en créant en 2005 un groupe de suivi de la Directive Cadre de l’Eau en Espagne.
Politique : La région de Catalogne est favorisée par rapport à celles de Valence et Murcie.
Utilité du projet : Les groupes écologistes critiquent le projet de mini-transvasement à sa base même, en affirmant qu’il est inutile. En effet, les travaux prenant environ 6 mois, le transfert d’eau ne sera opérationnel qu’en novembre 2008, à une période où les débits des rivières sont suffisamment élevés pour approvisionner l’agglomération barcelonaise en eau. Les 180 millions d’euros seraient donc dépensés pour transvaser de l’eau de novembre 2008 à mai 2009 (mise en service de l’usine de dessalement), à une période où elle est superflue.
L’influence du contexte politique sur les décisions de Madrid
Avec les changements météorologiques et les élections présidentielles en parallèle, la population espagnole assiste à de spectaculaires revirement de la part du gouvernement espagnol dans la politique de l’eau. Ainsi le 2 mars 2008, à quelques semaines des élections en Espagne, qui opposent Zapatero, le président sortant (PSOE), à Mariano Rajoy (Partido Popular), Zapatero affirme lors d’un meeting électoral que tant qu’il sera président, le transvasement de l’Ebre n’aura pas lieu.
Quelques semaines plus tard seulement, après que Zapatero ait été élu président, le projet de transvasement de mini-transvasement de l’Ebre est approuvé par le conseil des ministres le 18 avril 2008. Le parti populaire, qui avait pourtant soutenu le premier projet de transvasement de l’Ebre, exige des explications à Zapatero pour son revirement en matière de politique de l’eau. Puis après un mois de mai pluvieux qui remplit les réserves d’eau dans les barrages, le gouvernement espagnol abolit finalement le décret qui autorisait un mini transfert d'eau de l'Ebre vers l'agglomération barcelonaise, le 6 juin 2008. La ministre espagnole de l'environnement, Elena Espinosa, a cependant défendu l'idée d'un programme national pour la gestion des eaux et n'a pas exclu la possibilité de futurs transferts de la ressource entre différents bassins, à la condition qu'ils soient écologiquement, économiquement et socialement acceptables. Des conditions qui, à son avis, n'étaient pas remplies dans le cas du transfert d'eau entre l'Ebre et Barcelone.
Mutation de la controverse
Avec les précipitations de mai 2008, on voit à nouveau la controverse disparaître du devant de la scène espagnole et muter sur un autre terrain, celui des mesures politiques pour une gestion de l’eau respectant les directives européennes. Pour poursuivre l’étude de la controverse, veuillez vous reporter à La gestion de l’eau lien vers la solution gestion de l’eau
Suite de la controverse : la chronologie