Comment rem�dier � une p�nurie en eau � Barcelone ?
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Oppositions et limites


En r�sum�

Le projet de transfert a rencontr� de nombreuses oppositions. M�me si les impacts environnementaux sont, bien qu�existants, secondaires, de nombreuses manifestations ont remis en cause son utilit�, au nom de principe comme la gestion raisonn�e de l�eau. Des craintes sont �galement apparues, avec l�id�e que l�eau transf�r�e du Rh�ne ne soit qu�une fa�on d��viter de d�polluer le Llobregat.

Enfin le projet met en �vidence divers enjeux politico-�conomiques et r�v�le une certaine tension entre le pouvoir central espagnol et les autorit�s catalanes. Catalogne elle-m�me soumise � un fort lobby agricole, qui tend � faire augmenter les zones irrigu�es. Les deux pouvoirs ont tout de m�me trouv� un point de concorde dans le refus du projet, que ce soit du projet original de BRL et ATLL, �cart� par Aznar en 2001 et Zapatero en 2004, ou de sa reprise dans le projet Aqua Domitia de la r�gion Languedoc-Roussillon, refus� par Montilla fin 2008.




En d�tails

Environnement


Conform�ment � une proc�dure administrative, les caract�ristiques du projet, et de ses travaux, doivent r�pondre aux exigences et aux dispositions du Sch�ma Directeur d'Am�nagement et de Gestion des Eaux (SDAGE). Pour cela, le comit� de bassin Rh�ne-M�diterran�e-Corse a pos� en 1997 certaines questions environnementales relatives � la conception du projet, son impact sur les milieux aquatiques et les cons�quences en mati�re de gestion de l�eau.

Principalement, trois points ont �t� abord�s, qui sont : l�impact des pr�l�vements sur les �tiages du Rh�ne, leur influence sur la construction du delta et au niveau de la dynamique de l�estuaire, et du coin sal�.

Les p�riodes de plus faible d�bit apparaissent g�n�ralement en septembre et octobre, et peuvent descendre jusqu�� 320 m�tres cube par seconde ; dans ce cas l�, le droit d�eau et le pr�l�vement repr�sentent un quart du d�bit d��tiage. Cependant, le projet pr�voit de stopper les pr�l�vements dans de pareils cas critiques. Deux points n�ont pas �t� pris en compte, selon Michel Drain. Rien n�emp�che l�Espagne de solliciter un d�bit plus important que celui pr�vu au d�part (de 15 m�tres cube par seconde), de plus le r�chauffement climatique tend � rendre sensibles les diminutions de d�bit du Rh�ne.

Deuxi�mement, le volume de particules solides transport� par le canal envisag� par BRL ne repr�sente qu�une part infime du volume v�hicul� par le Rh�ne, et ne repr�sente aucun danger pour la construction du delta. En effet, la totalit� des particules, constitu�es principalement de limon, qui transitent a un poids estim� de 7 � 13 millions de tonnes, tandis que les particules pr�lev�es sont �valu�es � 7 � 20 tonnes. N�anmoins, elles repr�sentent un poids suppl�mentaire pour l�exploitant qui devra proc�der au nettoyage r�gulier de la canalisation.

Enfin, le projet a des cons�quences sur le coin sal� de l�estuaire du Rh�ne. Le coin sal� d�signe un banc d�eau sal�e, qui s�introduit dans l�eau douce sans pour autant se m�langer. La position et la longueur de l�interface d�pend principalement du volume d��tiage du fleuve et de la topographie du son lit, qui varie en fonction des mati�res en suspension transport�es et de leur volume. Des simulations, prenant en consid�ration les d�bits de pr�l�vement, le fond marin et les volumes d��tiages, ont conduit aux constatations suivantes : le coin sal�, qui ne remonte aujourd�hui qu�� environ 30 km au dessus de l�embouchure, grandirait de fa�on importante avec la baisse du volume d��tiage et de l�augmentation du fond marin, mais de mani�re n�gligeable vis-�-vis des pr�l�vements ; cependant on sait que ceux-ci ont une action, m�me faible, sur le volume d��tiage et le volume de particules solides transport�es.

C�est au regard de ces conclusions que l�un des directeurs de la Lyonnaise des eaux, JP Blanc, dit en 1999 que � l�Aqueduc est la solution la plus �cologique [en comparaison de toutes celles propos�es pour alimenter Barcelone] �

Cependant, il est bon de pr�ciser que le comit� scientifique, r�unissant 13 experts, qui fut constitu� pour r�pondre aux interrogations du SDAGE, le fut par BRL elle-m�me.

En ce qui concerne l�alternative au projet pr�sent�e en 2002 et caract�ris�e par la pr�sence de canalisations sous-marines, elle n�a pas �t� bien accueillie par World Wildlife Fund (WWF) alert� par la probable extinction partielle de l�algue poseidonia, engendr�e par les canalisations.


Enjeux politico-�conomiques.


Du point de vue de BRL, la construction de la conduite jusqu�en Espagne relevait d�un double motif. Celui d�alimenter Barcelone et de pouvoir desservir une partie de la r�gion Languedoc �galement, et l�attrait �conomique d�une telle r�alisation, qui, par la vente d�un droit d�eau qu�elle poss�de, lui permettait de se sortir de la crise financi�re qu�elle accusait au d�but des ann�es 1990. Mais la demande en eaux de la part d�ATLL ayant �t� sur�valu�e, le profit repr�sent� par sa vente a alors diminu�, ainsi que l�int�r�t de BRL pour le projet, autour de l�ann�e 2000.

Parall�lement, la r�gion Languedoc-Roussillon, qui rappelons le pr�voyait dans son projet de permettre des � piquages � � divers endroits de la canalisation pour alimenter les r�gions situ�es aux alentours de son trac�, a soutenu aussi l�id�e. Plus r�cemment, dans l�alternative moderne du projet de conduite d�eau vers le sud, Aqua Domitia (*) , pr�sent�e et soutenue par Georges Fr�che, pr�sident du conseil r�gional, celle-ci proposait de prolonger l�aqueduc pr�vu jusqu'� la fronti�re espagnol, et pourquoi Barcelone. Cet accord aurait permis de soulager la r�gion Languedoc-Roussillon d�une part des investissements : l�Espagne aurait particip� � hauteur de 40% - le projet total est �valu� � 150 millions d�euros -.

(*) Le projet Aqua Domitia est un projet qui reprend, en 2008, l�id�e du transvasement du Rh�ne, fleuve le plus puissant de M�diterran�e, pour alimenter la r�gion Languedoc-Roussillon en eau. Il est question de prolonger le canal Philippe Lamour, qui dessert d�j� Montpellier depuis 50 ans, par un r�seau de canalisations enterr�es sur environ 130 km pour alimenter le nord-ouest de Montpellier et le bas de la r�gion Languedoc jusqu�� l�Aube. Une demande avait �t� faite � la Catalogne, afin de prolonger le projet jusqu�� Barcelone ou jusqu�� la fronti�re au cas o� la ville espagnole voudrait se connecter plus tard, mais la proposition a �t� refus�e en novembre 2008 par le pr�sident de la Generalitat de Catalogne, Jos� Montilla. Le projet en France est, jusqu�� pr�sent, maintenu.

Du c�t� espagnol, le projet de d�tournement du Rh�ne a �galement subi certaines pressions et certains lobbys.

En Catalogne, l�une des r�gions de l�Espagne les plus irrigu�es, il existe un puissant lobby agricole qui pousse � l�extension des terres irrigu�es et des quantit�s d�eau disponibles. Ces m�mes groupes ont soutenu le projet.

De l�autre c�t�, le gouvernement central d�Espagne s�oppose r�guli�rement au projet. Aznar �carte le projet du Plan Hydrologique National en 2001, et Zapatero annonce en 2004 qu�il ne r�alisera aucun transfert massif d�eau interbassin. Ceci a rejoint de nombreuses manifestations espagnoles � l�encontre du d�tournement du Rh�ne vers Barcelone et les transferts d�eau en g�n�ral. Il y a eu trois manifestations importantes : � Saragosse en octobre 2000, � Barcelone en f�vrier 2001 et Madrid en mars 2001.

On voit donc que ce projet a mat�rialis� un conflit entre le gouvernement central contre le projet et la Catalogne, pouss�e par des lobbys agricoles, et ses volont�s d�ind�pendance vis-�-vis du gouvernement central ; m�me si Jos� Montilla, pr�sident de la Generaltat de Catalogne, a refus� fin 2008 de mani�re d�finitive - on parle d�un �cartement du projet pour au moins 20 ans - de rejoindre Aqua Domitia.

A une �chelle plus grande, le Parlement europ�en a soutenu le projet pour installer et favoriser une connexion europ�enne, d�autant qu�il concerne la gestion d�une ressource vitale. Ce projet repr�sentait aussi l�un des plus importants transvasements d�eau en Europe, alors qu�ils sont fr�quents et plus impressionnants, en longueur et capacit�, en Asie et en Am�rique.

Cette id�e a �t� reprise par l�UNESCO, dont l�un des experts �tait aussi membre du comit� scientifique mis en place par BRL pour r�aliser l��tude de faisabilit� et valider le projet, qui prit position en faveur du projet au nom de la � gestion partag�e de ressource �. De plus l�UNESCO a organis� en 1999 une r�union en faveur du transfert Rh�ne-Barcelone ; parmi les 121 membres repr�sentant 21 nationalit�s il y avait 23 fran�ais et 53 espagnols. Aucune publication ne r�sulta de cette r�union.

Ce projet de d�tournement a ainsi mis en relation diff�rents acteurs, qui avait tous des enjeux politico-�conomiques dans sa r�alisation ou non.


Utilit� r�elle du projet ?


L�id�e du transfert des eaux du Rh�ne vers Barcelone et la demande espagnole � BRL en 1993 ont �t� motiv�es par le besoin en eau de la ville � cette p�riode, dus aux diff�rentes s�cheresses et aux nombreuses terres irrigu�es, et par une n�cessit� future, en vue de l�augmentation de la population. En 1999, ATLL a �t� capable de fournir 500 millions de m�tres cube et la demande estim� de Barcelone en 2025 �tait �valu� � 650 millions de m�tres cube d�eau, par an.

Cependant, l�augmentation de la population de la r�gion a �t� surestim�, et les 400 millions de m�tres cube demand�s � BRL semblent exag�r�s, car on observe non seulement une augmentation de la population moins importante que pr�vue mais surtout une consommation de l�eau nettement inf�rieure aux pr�visions, avec l��mergence de principes comme le d�veloppement durable et la gestion raisonn�e de l�eau.

D�autre part, m�me si l�on prend en compte les chiffres annonc�s en 1999, le d�ficit en eau serait de 150 millions de m�tres cube par an, loin de la demande de 400 millions de m�tres cube par an. Mais rappelons que l�eau du Llobregat, dont vient la majorit� de l�eau utilis�e par ATLL pour desservir Barcelone, est tr�s pollu�e, car elle traverse une zone sal�e et se charge en sels � cet endroit. Malgr� les diff�rentes installations, la teneur en sels peut atteindre 500 mg/L, ce qui est juste en dessous des normes europ�ennes. Un apport en eau douce du Rh�ne permettrait de diluer le sel et �viter un investissement dans un syst�me d�osmose inverse par exemple. En d�autres termes, sur la demande r�duite de 350 millions de m�tres cube par an, faite apr�s une r�estimation des besoins, seulement 45% correspondent aux besoins de la population, les 55% restants seraient destin�s � d�polluer le Llobregat. De nombreux membres du comit� scientifique mis en place par ATTL ont craint que la r�alisation de ce projet ne soit un pr�texte pour ne pas d�polluer r�ellement le Llobregat.

Enfin le projet se heurte � une utilisation raisonn�e et une gestion citoyenne de l�eau, ce qui remet grandement en cause son utilit�.

On voit donc que le projet de d�tournement d�une partie des eaux du Rh�ne a �t� confront� � de nombreuses oppositions mais surtout diff�rentes limites lors de son cheminement, de sa pr�sentation en 1993 � son abandon d�finitif fin 2008. Ces oppositions remettent principalement en cause son utilit�, au nom d�une gestion raisonn�e de l�eau, et d�noncent les lobbys qui sont derri�re, plus qu�elles n�en accusent les dangers environnementaux.



Suite de la controverse : le D�tournement de l'Ebre