Comment remédier à une pénurie en eau à Barcelone ?
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L'exemple de Carboneras


Carboneras, 7 000 habitants, sur la côte est-andalouse. Ici ne tombent que 200 mm3 d’eau par an. Tout juste passé le parc naturel de Cabo de Gata, à deux pas de plages envahies par les touristes allemands et britanniques, un panorama industriel s’offre au regard attentif du promeneur. Au travers de nuages de poussière, un œil averti devine une cimenterie et une centrale thermique, qui s’étendent sur plusieurs hectares, ainsi qu’une usine de dessalement qui leur est contiguë. Son réservoir d’eau potable a presque la dimension d’un terrain de foot. Ses installations azur et ses tuyauteries vertes distraient le regard. En 2003, inima s’est vue adjuger l’ingénierie et les détails de conception de l’usine de Carboneras. Un consortium constitué de Degrémont, Pridesa, Befesa et inima s’est chargé de sa construction. Et depuis août 2005, c’est inima qui exploite la « desaladora ». Elle utilise la technique d’osmose inverse. C’est la plus vaste d’Europe. Elle a commencé à produire 20 000 m3 d’eau douce par jour, soit à peine 15 % de son potentiel ; désormais, elle produit 120 000 m3 d’eau par jour (44 millions de m3 par an). L’usine alimente plusieurs localités, dont Carboneras et Mojácar. Elle a peut-être sauvé cette région aride à l’est d’Almería.


L’usine de dessalement de Carboneras

Malgré le manque d’eau, le climat a fait de la région sud de l’Espagne le garde-manger du pays et d’une partie de l’Europe. Les 1 800 agriculteurs de la région s’estiment être les grands bénéficiaires de cette manne hydrique. Leurs quelque 4 800 hectares de cultures sous serre de fruits et légumes exigeant toujours plus d’eau, les puits s’épuisant les uns après les autres, beaucoup d’entre eux étaient au bord de la ruine. Malgré l’entrée en service de l’usine de dessalement, la majorité des agriculteurs continuent de pomper gratuitement leur eau dans la couche aquifère de la région. D’après les autorités andalouses, celle-ci, surexploitée, devrait être épuisée d’ici à 15 ans. Mais ils pourront alors compter sur une eau dessalée bon marché : le coût du m3 d’eau dessalée oscille ici entre 0,45 et 0,71 euro.

L’exemple de Carboneras illustre la profonde transformation de la gestion de l’eau en Espagne. L’Espagne ne craint désormais plus de voir s’arrêter le développement de son littoral méditerranéen. « Le dessalement de l’eau à grande échelle a une importance stratégique, affirme Adrian Baltanas, directeur d’Acuamed, une société étatique qui gère les « desaladoras ». Cela apporte une solution à une demande grandissante, quelle que soit la météorologie […]. Depuis deux ans, grâce à ces usines, il n’y a plus de restriction d’eau sur la Costa del Sol (côte de la province de Málaga en Andalousie, longue de 300 km, limitée à l’ouest par la province de Cádiz et à l’est par la province de Grenade), à Murcie ou à Alicante » (Libération, 8 août 2006).

La fièvre touristico-immobilière pourrait bien mettre en danger le parc naturel de Cabo de Gata. « Au lieu d’estimer les besoins en eau et d’y répondre, la tendance est à ces maudites méga-usines de dessalement pour anticiper la demande dans les dix ans à venir. Résultat, c’est un chèque en blanc pour l’urbanisme sauvage, les lotissements de luxe pour touristes résidentiels » (Mario Sanz Cruz, gardien du phare de Mar Roldán, au sud de Carboneras, Libération, 8 août 2006). Dans cette région semi-désertique, on compte déjà une bonne dizaine de terrains de golf et d’autres en projet. Même la ministre de l’Environnement du gouvernement de Zapatero de 2004 à 2008, Cristina Narbona, qui a jeté son dévolu sur les « desaladoras » plus que quiconque, avait promis de sévir en cas d’abus : « Je ne peux pas stopper la prolifération des lotissements, mais je peux, en revanche, leur refuser l’eau ».


suite de la controverse : La gestion de l'eau à Barcelone