Comment remédier à une pénurie en eau à Barcelone ?
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Les aspects environnementaux du dessalement


En résumé


Quand on parle de dessalement, on ne peut en général pas s’empêcher de parler d’environnement. Le dessalement est un gouffre d’énergie et peut même engendrer, dans certains cas, des émissions de gaz à effet de serre. Ci-contre, l’usine de dessalement de Telde (voie thermique), construite en 2001 aux Canaries, et concernée par de telles émissions.

Mais ce sont surtout les rejets directement en mer d’une eau deux fois plus salée que la moyenne qui posent question. Bien qu’aucun cas grave de destruction de la faune et de la flore marines n’ait été pour l’heure détecté, c’est bien cela que l’on redoute le plus. Mais il existe des solutions pour réduire, d’une part la consommation d’énergie, d’autre part l’impact environnemental du dessalement. L’association du dessalement et des énergies renouvelables, notamment, n’est peut-être pas une perspective si lointaine que cela.


En détails


De façon générale, l’explosion des « desaladoras » n’est pas du goût des écologistes et de certains partis de gauche. Ils fustigent des coûts énergétiques importants et des rejets de saumure en mer, une eau très concentrée en sel. La solution zéro euro et zéro pollution n’existe pas encore.

Le WWF affirme qu’il serait préférable de chercher la solution au manque d’eau potable dans les économies d’eau et dans une meilleure gestion des ressources, avant que l’augmentation des rejets de saumure ne déséquilibre les écosystèmes au point de devenir une menace pour les océans.

Et selon le WWF/Adena, le gouvernement espagnol pourrait bien enfreindre le protocole de Kyoto si toutes les stations de dessalement prévues par le Programa Agua sont construites. Et il semble bien qu’on en prenne la direction.

Une telle production d’eau dessalée exigerait une énergie de 2,4 milliards de kWh, énergie provenant pour l’essentiel de centrales thermiques à cycle combiné [gaz et vapeur], qui rejettent de grandes quantités de dioxyde de carbone. Les écologistes évaluent l’augmentation des rejets de CO2 due au dessalement dans l’atmosphère à un million de tonnes par an. Il s’agit même d’une estimation prudente, car cette hausse pourrait atteindre 2,4 millions de tonnes en cas d’application du Programa Agua dans son intégralité.

La consommation énergétique pour créer un m3 d’eau dessalée est passée de 22 kWh en 1970 à 4 kWh voire moins, aujourd’hui, mais reste très élevée. Certaines usines, comme celles de Murcie, affichent d’excellents taux de rendement, allant jusqu’à réduire la consommation d’énergie à 3 kWh par m3 d’eau dessalée.

Une famille consomme en moyenne 3,56 GWh par an. Il suffit de quelques multiplications pour se faire une idée de la quantité d’énergie consommée par le dessalement : par exemple, en 2006, l’Espagne a produit 600 millions de m3 d’eau dessalée. C’est l’équivalent de ce qu’ont consommé 700 000 familles en 2006, soit 3 millions d’habitants.

Dans le même ordre d’idée, les usines de dessalement déjà en service dans la région de Murcie, combinées à celles qui sont en projet, consommeront autant d’énergie que 800 000 habitants, soit à peu près la population de la région de Murcie.

Le ministère espagnol de l’Environnement a couplé son grand programme de dessalement avec un projet de production d’énergies renouvelables (énergie éolienne, énergie solaire, centrales à biomasse. Voir l'exemple d'ITC qui combine toutes ces technologies) visant à freiner les émissions de gaz polluants, mais pour le moment rien de significatif n’est en place. Si on en reste aux énergies conventionnelles, chaque station de dessalement mise en service nécessite l’installation d’une nouvelle ligne moyenne tension afin d’acheminer l’électricité.

Parmi les autres problèmes en jeu, le WWF/Adena met aussi en garde contre le rejet de saumure dans les eaux littorales. En effet, pour chaque litre d’eau dessalé, c’est en effet un litre de saumure qui est rejeté à la mer. Cette augmentation trop forte de la salinité risquerait de détruire à terme la faune et la flore aux alentours des usines : l’eau de mer contient en effet entre 20 et 50 g de sel par L et la saumure rejetée est deux fois plus concentrée (entre 50 et 80 g de sel par L). Ces rejets pourraient notamment endommager les herbiers de posidonie.

La posidonie est une plante à fleurs sous-marine ; les herbiers qu’elle forme constituent l’habitat privilégié de nombreuses espèces et une zone de ponte et de refuge pour de nombreuses larves et alevins ; c’est une plante essentielle à la vie aquatique. Jusqu’alors, les réseaux sous-marins qui évacuent la saumure à 5 km des côtes ont permis de résoudre ce problème, comme c’est le cas dans le bassin de la Segura, le fleuve espagnol le plus important de la région de Murcie et de la province d’Alicante, mais ces dispositifs sont coûteux.

Mais il existe d’autres solutions pour diminuer l’impact de tels rejets. Les compagnies françaises Suez et Veolia, conscientes du problème, affirment en chercher. Par exemple, la saumure de l’usine de dessalement de Carboneras est mélangée à l’eau de refroidissement de la centrale thermique attenante, afin de la diluer jusqu’à un pourcentage similaire à celui de l’eau de mer d’origine. C’est également ce que fait Suez dans sa nouvelle usine de dessalement de Barka, en Oman. Une autre solution consiste à construire l’usine à proximité d’une station de traitement des eaux résiduelles. De nombreuses stations de traitement côtières rejettent leurs eaux douces résiduelles directement dans la mer, et elles peuvent être mélangées avec la saumure.

Pour l’heure, les rejets de saumure se diluent très rapidement dans l’eau de mer et il ne semble pas y avoir d’impact sur les écosystèmes. Et les 51 millions de m³ rejetés par jour ne sont qu’une goutte d’eau à l’échelle des mers et des océans. En dépit de recherches intensives, aucun cas d’effet nuisible grave du rejet de saumure n’a pour l’instant été documenté.

« En théorie, la saumure pourrait être un problème, mais elle ne l’est généralement pas », affirme Jose Antonio Medina, président de AEDyR (Asociación Española de desalación y Reutilización), et membre du conseil d’administration de l’International Desalination Association (IDA) depuis 1999, ONG des Nations Unies.

Ci-dessus, les rejets de l’usine d’Al-Doha, au Koweït, dans le Golfe Arabo-persique. Le dessalement couvre 75% des besoins en eau du Koweït.

Les écologistes mettent aussi en garde contre d’autres rejets dans la mer, notamment des substances chimiques servant au fonctionnement ou au nettoyage des membranes filtrantes utilisées dans les stations de dessalement par osmose inverse. Mais le ministère balaie toutes ces critiques d’un revers de main en rappelant l’argument sur lequel repose tout le Programa Agua de Zapatero : le transfert des eaux de l’Ebre prévu par Plan Hydrologique National aurait coûté beaucoup plus cher, d’un point de vue aussi bien financier qu’écologique.

« On pense souvent que le dessalement a une sorte d’impact négatif sur l’environnement. C’est exactement le contraire »

Affirme Corrado Sommariva, président de l’European Desalination Society (EDS) de 2004 à 2006, et directeur divisionnaire de Mott MacDonald de 2000 à 2008.

« Par exemple, l’une des raisons du choix du dessalement en Espagne et en Australie était précisément la préservation des ressources naturelles existantes qui auraient été fortement affectées par un transfert d’eau ».

D’autre part, l’US National Research Council, antenne de la National Academy of Sciences, considère le dessalement comme une solution réaliste pour alimenter les populations en eau potable. Mais il préconise la poursuite des recherches pour réduire la consommation énergétique de cette technologie d’une part, et pour évaluer son impact réel sur l’environnement d’autre part, avant que la mer ne soit devenue notre principale source d’eau potable. Une perspective peut-être pas si lointaine.


suite de la controverse : L'exemple de Carboneras