Quelles justifications pour une une nouvelle étude ?

    Depuis l’introduction des contraceptifs oraux combinés (COC) sur le marché en 1961, le risque de thrombose veineuse avec les COC est bien établi. Ce risque a fait l’objet de nombreuses publications dans la littérature et est suivi au niveau national, européen et mondial par les autorités de santé. La composition des COC a évolué depuis les années 1960 : le contenu en éthinylestradiol (EE) a par exemple été diminué afin de limiter les risques d’effets indésirables.

    Les pilules estroprogestatives de 3ème et de 4ème génération ont été régulièrement évaluées par l’Agence européenne du médicament (EMA), la Food and Drug Administration (FDA) aux États-Unis, l’ANSM en France ainsi que par d’autres agences (canadiennes, danoises notamment).

La reconnaissance d’un risque supérieur de thrombose

    En 2001, l’EMA réévalue le risque de thrombose veineuse avec les COC de 3ème génération contenant du désogestrel ou du gestodène. Elle conclut qu’il existait un sur-risque de thrombose veineuse par rapport aux COC de 2ème génération avec les COC de 3ème génération contenant 30 µg d’éthinylestradiol (EE) et du désogestrel ou du gestodène. Pour les COC de 3ème génération contenant 20 µg d’EE, les données épidémiologiques ne suggèrent pas que le sur-risque soit moindre par rapport aux COC de 3ème génération contenant 30 µg d’EE. Enfin, l’Agence européenne a également conclu que le rapport bénéfice/risque des COC de 3ème génération restait positif et que le sur-risque de thrombose veineuse devait être mentionné dans l’Autorisation de Mise sur le Marché (AMM) des pilules de 3ème génération. En septembre 2001 pourtant, la France alerte les professionnels de santé sur le risque thromboembolique veineux des contraceptifs estroprogestatifs de 3ème  génération.

    En 2002, une étude est publiée à Zurich par la Société suisse de Gynécologie et d’Obstétrique. La commission de qualité des médicaments annonce alors que les accidents thromboemboliques veineux font partie des effets indésirables rares associés à la prise d’une pilule  contraceptive oestroprogestative. Il n’y a donc pas lieu de modifier la prescription d’une pilule de 3ème génération chez une patiente déjà sous pilule.  Le risque de développer une thrombose est maximal lors de la première année d’utilisation, et ceci aussi bien pour une pilule de deuxième que pour une troisième génération. Selon elle, Le bénéfice-risque est largement en faveur de la pilule combinée. Chez les patientes sous pilule combinée, il est primordial d’évaluer régulièrement tous les facteurs de risque artériels et/ou veineux (tabac, hypertension, hyperlipidémie, obésité, anamnèse familiale, âge>35 ans,…). En présence de facteurs de risques cardiovasculaires, le stérilet ou les contraceptifs progestatifs (minipilule, dépôt, implant) sont indiqués. Toutefois si l’on désire prescrire une pilule combinée et en l’absence de contre-indications absolues, les nouvelles utilisatrices devraient préférentiellement bénéficier d’une deuxième génération. Cette dernière pourrait être remplacée au besoin après une année par une troisième génération.

    En France cependant, le scepticisme persiste au sujet des pilules de troisième génération. La Haute Autorité de Santé (HAS), chargée d’évaluer les médicaments, publie des rapports en 2002 puis en 2007, dans lesquels la Commission de la transparence indiquait de prescrire les pilules de 3ème génération qu’en deuxième intention car même si le service médicale rendu est important, l’amélioration du service médical rendu par rapport aux pilules de deuxième génération n’était pas suffisant.

Une étude danoise qui confirme les suspicions

    En 2011, la publication d’une étude menée au Danemark portant sur 1,2 million de femmes entre janvier 2001 et décembre 2009, concernant le risque de thrombose veineuse avec les COC contenant de la drospirénone (4ème génération) déclenche une réflexion européenne par l’EMA. Publiée dans British Medical Journal, c’est l’étude épidémiologique la plus vaste jamais menée en la matière. Le sur-risque de thrombose veineuse pour les COC contenant de la drospirénone, par rapport aux COC de deuxième génération y est confirmé. Ce sur-risque serait similaire à celui observé avec les COC de troisième génération (contenant du gestodène ou du désogestrel) et deux fois plus élevé que celui observé avec les COC de 2ème  génération (contenant du lévonorgestrel).

    L’ANSM réagit et publie deux communiqués, en novembre 2011 et en octobre 2012, sur le risque de thrombose veineuse avec les COC :

« Ce risque reste rare, mais en l’absence d’études comparatives montrant un bénéfice supplémentaire pour les pilules de 3ème génération et pour les pilules contenant de la drospirénone, la prescription par des pilules de 2e génération contenant du lévonorgestrel est recommandée en première intention, lorsqu’une contraception orale estroprogestative a été choisie. »[1]

    D’autres pays réévaluent également le rapport bénéfice/risque des COC de troisième et quatrième génération au regard du risque de thrombose veineuse (Etats-Unis, Canada, Danemark). Pourtant, tous les avis qui en ressortent concordent : si une mise à jour de l’information sur ce risque dans les résumés des caractéristiques du produit est nécessaire, le rapport bénéfice/risque reste positif pour ces COC et elles resteront autorisées à la vente.

Le scandale médiatique qui précipite les évènements

   Il faudra attendre le scandale médiatique provoqué par Marion Larat et la publication de plus en plus intensive de nombres de décès dus aux pilules de 3ème et 4ème génération dans la presse (comme le montre la figure ci dessous) ainsi que des risques liés à leur prescription (sur-risques de thromboses veineuses et d’embolies pulmonaires), pour voir Marisol Touraine, Ministre des Affaires sociales et de la Santé, décider de mettre fin au remboursement des pilules contraceptives de 3ème génération à partir du 31 mars 2013.

Quantification6

Evolution de l’intérêt pour la recherche « pilules troisième génération » en France (source : Google Trends)

    Alors que l’ANSM avait depuis 2007 préconisé par plusieurs communiqués de privilégier les prescriptions de pilules de 2ème génération par rapport aux 3èmes et 4ème générations, la HAS quant à elle remet aussi en cause l’avantage des pilules de dernières générations dans sa note publiée en novembre 2012 :

“Aucune étude jusqu’à présent n’a démontré que les pilules de 3ème génération avaient un intérêt clinique supplémentaire par rapport aux pilules de 1ère et 2ème génération sur les effets indésirables”.[2]

Face à cette contradiction et poussée par la pression médiatique, Marisol Touraine demande à l’EMA et l’ANSM de nouvelles études.

Venez découvrir le détail de ces études et les conclusions qui en ont été tirées.

 Source des citations :

[1] : Site de l’ANSM :  Contraceptifs oraux combinés  et risque de thrombose veineuse : prescription des pilules de 2e génération contenant du lévonorgestrel en première intention - Point d’information – Octobre 2012 [lien]

[2] : HAS :  Contraceptifs oraux estroprogestatifs : préférez les «pilules» de 1re ou 2e génération – Fiche BUM – Novembre 2012 [lien]