La confrontation entre la France et l’Europe

Quels sont les liens entre l’EMA et l’ANSM ?

    L’EMA est une agence européenne qui évalue, coordonne et supervise le développement des nouveaux médicaments à usage humain et vétérinaire dans l’Union européenne. Son autorité s’exerce à travers les agences nationales, comme l’ANSM française. Ainsi, l’ANSM, qui est l’autorité française compétente en matière de pharmacovigilance et qui veille à la sécurité de l’emploi des médicaments, est un système national qui s’inscrit dans une organisation européenne. Toute décision prise au niveau européen ne peut donc être rejetée par un état membre de l’Union Européenne.

Pourquoi la décision de l’EMA contrarie-t-elle les autorités françaises ?

    Le  rapport de l’EMA, rendu public le 11 octobre 2013, n’a pas satisfait les autorités sanitaires françaises (l’ANSM et le ministère de la santé) car il ne donne pas de contre-indication à la prescription des pilules de 3ème et 4ème génération. Même si l’EMA reconnaît une multiplication par deux environ des risques d’une thrombose embolique quand une femme prend une pilule de 3ème ou 4ème génération, la conclusion du rapport ne comporte pas, selon l’ANSM, de vraie distinction entre les générations de contraceptifs. « Les bénéfices de tous les contraceptifs hormonaux combinés [associant oestrogènes et progestatifs] continuent d’être supérieurs à leurs risques » [1] estime le Comité pour l’évaluation des risques en matière de pharmacovigilance (PRAC), la commission de l’agence européenne qui a réévalué ces produits.

    Or, si l’ANSM avait demandé une réévaluation des risques encourus, c’était bien pour que l’EMA demande aux médecins de préconiser avant tout la prescription de pilules de 2ème génération, et même, au mieux, soutienne la décision française de dérembourser les pilules de 3ème et 4ème génération. Une incompréhension subsiste alors entre les deux institutions.

Comment les autorités françaises peuvent-elles réagir ?

De l’ANSM…
  • L’amélioration de l’information des professionnels et des patients

    Comme le préconise l’EMA, suite à la publication de son rapport, l’ANSM et la HAS vont entreprendre une campagne d’actualisation des notices d’utilisation des pilules de 3ème et 4ème génération, en particulier concernant les effets secondaires.

    De plus, l’ANSM, grâce à ses divers canaux d’information (réunions, communiqués, rapports…) contacte régulièrement les médecins généralistes, médecins gynécologues et sages-femmes pour les informer des actions en cours et des données nouvelles. Suite au rapport de l’EMA, elle a notamment rappelé qu’il ne faut pas que ces derniers présentent les pilules de 3ème et 4ème génération comme un premier choix de pilule contraceptive. Elle les encourage au contraire à proposer d’abord une pilule de 2ème génération à leur patiente, allant jusqu’à désigner comme une « exception »[2] la prescription d’une pilule de 3ème ou 4ème génération. L’ANSM insiste sur le fait que la « contraception oestroprogestative est contre-indiquée en cas d’antécédent ou de maladie thromboembolique veineux (phlébite, embolie pulmonaire) ou en cas d’infarctus du myocarde ou d’accident vasculaire cérébral, passés ou récents. Un certain nombre de facteurs de risque doivent être pris en compte lors de la prescription de contraceptifs oestroprogestatifs, notamment l’obésité, la période suivant l’accouchement, une intervention chirurgicale récente et des antécédents familiaux de thrombose veineuse. De même, les femmes doivent être mises en garde contre le tabagisme qui favorise la survenue d’accidents thromboemboliques artériels. Il peut être nécessaire d’interrompre la contraception orale ou de commencer un traitement préventif d’une complication thromboembolique veineuse en cas d’intervention chirurgicale, de fracture, d’immobilisation prolongée ou d’alitement. » [3]. L’important est donc d’adapter la contraception prescrite à la patiente, et de ne surtout pas négliger l’analyse des facteurs de risques auprès de chaque patiente. L’ANSM précise également qu’il n’est pas nécessaire de changer de génération de pilule si la patiente la supporte bien. En effet, les risques de thrombose embolique sont les plus importants en début de traitement, et une modification de traitement pourrait avoir des conséquences bien plus graves sur le métabolisme que la prise d’un COC de 3ème ou 4ème génération.

    Enfin, l’ANSM avait annoncé en janvier 2013 une planification de modification des règles de prescription des pilules contraceptives de 3ème et 4ème génération. L’idée était de demander aux prescripteurs de mentionner par écrit sur l’ordonnance qu’ils ont bien indiqué les risques de thrombose et d’embolie auxquels acceptent de s’exposer leurs patientes. Ainsi le médecin prescripteur ou la sage-femme aurait dû obligatoirement notifier de manière manuscrite cette donnée. Mais cette proposition ne verra jamais le jour, trop contestée par les médecins et syndicats médicaux.

  • L’encadrement de la publicité

     L’ANSM a refusé les publicités proposées par les firmes pour des COC et autres contraceptifs combinés, qui ne mettaient pas en exergue la mention de l’augmentation du risque thromboembolique veineux.

  • L’encadrement et la surveillance de l’utilisation en France

    L’ANSM compte améliorer les retours liés aux pilules de 3ème et 4ème génération. Elle rappelle que tout médecin, pharmacien, chirurgien-dentiste ou sage-femme a l’obligation de signaler immédiatement aux centres régionaux de pharmacovigilance (CRPV) tout effet indésirable grave ou inattendu. Elle a demandé aux firmes commercialisant des COC de 3ème  et de 4ème génération de lui transmettre les données relatives aux conditions actuelles d’utilisation en France et les mesures prises pour favoriser leur bon usage.

…Au Ministère

    Le ministère de la Santé et l’Inpes ont réagi en créant une nouvelle campagne de communication. Ils souhaitent faire passer un message : «La contraception qui vous correspond existe » [4]. L’objectif  est de permettre aux femmes de trouver le contraceptif le mieux adapté à leurs besoins et à leur mode de vie. «J’ai arrêté un principe simple : la bonne contraception, pour la bonne personne, au bon moment» [5], explique Marisol Touraine. Pour la ministre de la Santé, il faut que les femmes soient bien informées pour choisir «de façon éclairée» [6] leur contraceptif.

    Depuis le 18 mai 2013, des témoignages d’hommes et de femmes qui expliquent leur choix et questionnements sont diffusés sur le Web et à la radio. Le site choisirsacontraception, créé à l’initiative du Ministère des Affaires Sociales et de la Santé et l’Inpes s’adresse aux femmes et jeunes filles souhaitant choisir une contraception, s’informer et s’orienter. Pour cela, on peut y trouver une description des aspects positifs et négatifs de chaque moyen de contraception possible, y compris la pilule contraceptive.

    Des fiches mémo présentant des profils types comme une adolescente débutant sa contraception, une femme fumeuse, ou encore une femme ne désirant plus avoir d’enfants, vont aussi être distribuées aux professionnels de santé pour leur permettre d’aborder avec leurs patientes la contraception dans toute sa diversité. Selon la Haute autorité de santé (HAS), il y aurait en effet en France une norme de contraception à changer. Cette norme se traduirai par un recours au préservatif à l’entrée dans la vie sexuelle, puis l’utilisation la pilule et le passage au stérilet après avoir eu des enfants.

    Enfin, la Ministre des affaires sociales et de la santé a rappelé l’importance de la contraception et le rôle des pouvoirs publics auprès des femmes pour qu’elles gardent confiance dans la contraception et dans le moyen contraceptif qu’elles utilisent. Il s’agit notamment « d’informer, d’apporter toutes les garanties de sécurité à nos concitoyens et d’assurer que les médicaments soient utilisés à bon escient » Elle a aussi précisé la feuille de route qu’elle donnait à l’ensemble des institutions concernées, en particulier à l’ANSM.

    Néanmoins,  les syndicats et associations médicales françaises, ainsi que les consommatrices et les laboratoires pharmaceutiques, ont eux aussi réagi aux décisions prises par l’Europe et la France, soulevant de nouvelles questions. Mais que reprochent les français aux hautes autorités sanitaires ? Quelle est leur vision du rapport bénéfice/risque des pilules de 3ème et 4ème génération ? Nous vous invitions à vous rendre ici.

Sources des citations :

[1] : Pilules : l’Avis de l’Agence européenne critiqué, Le Monde, 21/10/2013

[2] : Dossier ANSM, Pilules progestatives et risque thrombotique, Quelles sont les actions mises en place par l’ANSM pour limiter le risque thromboembolique lié aux pilules estroprogestatives ? [lien]

[3] : Communiqué de l’ANSM, Contraceptifs oestroprogestatifs de 3ème génération : risque thromboembolique veineux [lien]

[4] : Communiqué de presse Inpes, Nouvelle campagne grand public, 15/05/2013 [lien]

[5] : Conférence de presse « Contraception », discours de Marisol Touraine, 15/05/2013 [lien]

[6] : [5]

[7] : Santé : « La bonne contraception pour la bonne personne », Libération, 15/05/2013 [lien]

[8] : [5]