« Le langage est l’essence de l’homme », affirme Emile Benveniste. Vecteur de communication, reflet de notre identité et de notre culture, cette faculté que l’on dit spécifique de l’homme nous intrigue et nous fascine depuis déjà bien des siècles. Comment les langues sont elles apparues sur Terre ? Les premières peuplades humaines en Afrique parlaient elle une seule et même langue avant de se lancer à la conquête des autres continents ? Les langues que l’on rencontre aujourd’hui à la surface de la Terre sont elles toutes issues de la même langue mère ? Les outils de la linguistique actuelle nous permettent ils de remonter jusqu’à ce premier langage ?
A l’heure actuelle, plus de 6000 langues sont parlées à la surface de la terre. De nombreux mythes tentent d’expliquer cette diversité et le plus célèbre d’entre eux est très certainement celui de la tour de Babel. Selon ce mythe biblique, les hommes auraient d’abord tous parlé la même langue avant que Dieu ne décide de multiplier les langues afin d’empêcher la coopération entre les hommes qui voulaient construire une tour pour atteindre son royaume. Ne pouvant plus communiquer, ils arrêtèrent la construction et se dispersèrent à la surface de la terre.
De nombreux linguistes se sont intéressés aux différences entre les langues mais également à ce qui les rassemble.
Pourtant, la quête de la langue mère a été l’objet de bien des tabous. La société linguistique de Paris, créée en 1866, proscrira les discussions idéologiques pouvant découler du débat sur l’origine des langues en stipulant dans l’article 2 de ses statuts que : « La Société n’admet aucune communication concernant, soit l’origine du langage, soit la création d’une langue universelle. »
Au début des années 1980, le linguiste Joseph Greenberg réduit la diversité des langues africaines à quatre macrofamilles, puis les quelque 200 familles indépendantes des Amériques à seulement trois familles. Dans les années 1990, le linguiste américain Merritt Ruhlen, reprenant les travaux de Greenberg, dégage dès 1992 une douzaine de macrofamilles susceptibles de regrouper toutes les langues du monde. En 1994, il va même plus loin, en mettant en évidence 27 racines universelles qui seraient celles de la langue mère.
Si les quatre macrofamilles de langues africaines sont aujourd’hui acceptées par de nombreux linguistes, les travaux de Ruhlen sont hautement controversés. Différents groupes de scientifiques s’opposent sur la validité des méthodes employées et sur la portée des résultats obtenus par Ruhlen et ses collègues. Aujourd’hui encore, il n’y a pas de consensus à ce sujet au sein de la communauté scientifique.