Alors que les contestations de SOS Loire Vivante ont conduit à l’abandon du projet de barrage à Serre de la Fare, l’Etat français se lance dans une grande réforme des politiques d’Etat en matière de gestion de l’eau, tout d’abord par le biais de la Loi sur l’Eau, puis surtout par l’annonce du Plan Loire Grandeur Nature (PLGN) en 1994. Ce plan de gestion des questions relatives à la vie de la Loire replace la migration des poissons au centre du débat sur l’impact de l’hydroélectrique. EDF réalise de nouvelles améliorations techniques au niveau du barrage et de l’usine de Monistrol. C’est en 1996 que commence la procédure de renouvellement de la concession d’exploitation. En 2000, le préfet donne un avis de principe favorable au renouvellement de la concession, ce qui se traduit par la remise d’un dossier plus complet en 2002. Le dossier est jugé incomplet et les choses s’emballent : EDF est sommée de réaliser une étude d’impacts plus profonde alors que le WWF lance sa campagne contre Poutès.
Le 4 janvier 1994, Michel Barnier, Ministre de l'Environnement du gouvernement Balladur, annonce le Plan Loire Grandeur Nature (PLGN). C'est un plan global d'aménagement de la Loire visant à « concilier la sécurité des personnes, la protection de l'environnement et le développement économique ». En particulier, un volet du plan aborde la question des poissons migrateurs. Il complète les actions engagées avec le concours de l'Agence de l'Eau pour améliorer la qualité des eaux, lutter contre l'eutrophisation et mettre en place une gestion hydraulique qui prenne mieux en compte l'écosystème. Pour la première fois, on envisage de supprimer des obstacles constitués par des barrages : les barrages de Maisons-Rouges sur la Vienne et Saint-Etienne-du-Vigan sur le Haut-Allier. Des opérations d'amélioration du franchissement des seuils artificiels sont mises en place en partenariat avec EDF. Ainsi, une passe à poisson est installée à l’usine de production de Monistrol d’Allier. Pour accélérer le retour des grands migrateurs, ce volet inclus aussi la construction de la salmoniculture de Chanteuges et l’interdiction de la pêche au saumon sur toute la Loire.
D'une manière générale, les règles de gestion des barrages sont redéfinies et sont prises en compte à l'occasion du renouvellement des autorisations. Notamment le débit à l'aval permettant l'équilibre des milieux aquatiques et le retour des poissons migrateurs. Ainsi, c’est à cette époque que le débit réservé du barrage de Poutès est réajusté pour améliorer l’accès du barrage.
SOS Loire Vivante subit sa dernière mutation la même année en devenant membre du réseau Européen Rivernet. Ce regroupement d’associations européennes entend peser plus lourd dans les débats européens sur les politiques environnementales.
En 1996, alors qu’il doit se plier aux nouvelles exigences du PLGN, EDF fait sa première demande au préfet suivant la procédure de renouvellement de la concession d’exploitation. Le barrage de Poutès n’a pas l’intention d’être abandonné. En signe de bonne foi, EDF continue encore et toujours de modifier ses plans d’exploitation : en 1998, le débit de sortie de l’usine de Monistrol est lui aussi modifié. La même année, les barrages de Saint-Etienne de Vigan sur l’Allier et de Maison Rouges sont effacés > (voir "cas similaires").
Suites à ces effacements, la DIREN Auvergne a mis en place des équipes de surveillance afin d’évaluer l’impact de ces effacements. Dans sa synthèse d’activité en 2004, la DIREN note que des améliorations notables ont été observées :
« Le suivi mis en place après l’effacement des barrages a mis en évidence dès 1999 des résultats très positifs en terme de recolonisation du bassin par les poissons migrateurs ; résultats qui ont d’ailleurs été confirmés au cours des années 2000 et 2001. »
En 1999, le WWF publie dans sa brochure « Les Rivières Vivantes d’Europe » ce constat alarmant : « En Eurasie, 80 % des rivières et des fleuves sont modifiés par des barrages et autres structures d’ingénierie ». Le programme mondial « Rivière Vivante », qui est alors initié par le WWF, a pour but « de protéger et de restaurer autant que possible les fonctions et l’intégrité des écosystèmes d’eau douce pour le bénéfice de toute forme de vie ».
En 2001, la salmoniculture de Chanteuges est inaugurée. Son financement semble vouloir refléter la bonne volonté de chacun. Au-delà de ça, 2000 constitue quant à elle une année charnière pour notre controverse et aura un impact notable sur la structure du problème tel qu’il est abordé actuellement. Tout d’abord parce, en 2000, le préfet de Haute-Loire donne son accord de principe au renouvellement de la concession d’exploitation du barrage de Poutès. D’autre part, la scène politique européenne est le théâtre d’une vive sensibilisation à l’environnement et deux directives européennes sont entérinées fin 2000 à quelques jours d’intervalle. Le 23 octobre 2000, la Directive Cadre sur l’Eau est adoptée. elle fixe un objectif de « bon état écologique » pour 2015. Ce bon état écologique repose sur des conditions d’habitat peu perturbées, notamment sur le plan de la circulation des espèces. Le 5 décembre 2000, la Directive Européenne sur la production d’électricité d’origine renouvelable oblige la France à atteindre une part de 10 % d’électricité d’origine renouvelable en 2010. Ces deux textes sont actuellement avancés dans controverse pour justifier l’effacement ou le maintien de Poutès.
En octobre 2002, EDF sollicite une nouvelle concession de 40 ans à l’état. L’entreprise remet donc son projet de gestion future, contenant 9 scénarii, qui est évaluée par les services déconcentrés de l’Etat. A l’issu des conférences administratives, le dossier de demande de renouvellement est jugé incomplet. EDF est alors sommée de le compléter : les chapitres concernant l’impact sur les saumons, l’impact sur les autres espèces que sont la loutre et l’anguille, les alternatives possibles, l’économie du sujet et la compatibilité avec le SDAGE sont à revoir. Le WWF se lance alors dans la bataille et lance sa campagne contre Poutès. Les principaux objectifs sont alors de sortir le problème de son cadre très local. Là où pour EDF le dossier ne concerne que 26 communes, WWF cherche à replacer l’effacement du barrage dans le cadre de son initiative mondiale « Rivières Vivantes ».