L’étude de la controverse autour du barrage de Poutès est à replacer dans le contexte énergétique de la région. Pour évaluer l’importance prise par le barrage, il est nécessaire de connaître l’état de la consommation et de la production électrique. La Haute-Loire a vu sa consommation augmentée rapidement sous l’impulsion du développement industriel. En 1999, elle a consommé 1.4 TWh alors qu’elle n’en a produit que 149 GWh. Le barrage de Poutès représente 62% de cette production.
Le cœur de la controverse porte sur le retour à une population de saumons satisfaisante. L’effacement du barrage, qui permettrait de restaurer la continuité de l’axe migratoire du Haut-Allier, est une décision qu’il faut replacer dans le contexte énergétique du département. En effet, le barrage de Poutès est recensé comme étant l’un des « grands barrages » du département et est présenté par EDF comme un élément essentiel parmi les moyens de production d’électricité en Haute-Loire.
Les données suivantes ont été tirées de l’étude d’Energie Demain commandée en 2002 par la WWF. Celle-ci recense très précisément les chiffres de la consommation locale et fait apparaître la spécificité du département.
On notera que la consommation électrique totale en France en 1999 est de l’ordre de 390 TWh. La Haute-Loire représente donc 0.35 % de la consommation française.
Le département est caractérisé par un fort développement industriel comparé à celui des services et des activités tertiaires. Ceci se ressent particulièrement au niveau du profil de consommation d’électricité. Une étude comparative entre 1987 et 1999 de l’évolution de la demande énergétique du secteur industriel en comparaison de celui de la demande des foyers démontre l’explosion de l’industrie dans ce secteur : la demande a ainsi augmenté de 8% pour l’industrie alors qu’elle n’a augmenté que de 2,5% pour les foyers résidentiels (voir figure 1).
En revanche, la Haute Loire se caractérise par un déficit de production très important. En 1999, la DGEMP (Direction Générale de l’Energie et des Matières Premières) annonce une production annuelle de 149 GWh. D’ores et déjà, on constate qu’il existe un facteur 10 entre la consommation et la production.
Jusqu’en 2005, la production était uniquement hydroélectrique. La Haute-Loire possède 58 centrales hydroélectriques installées à travers tout le département. La puissance installée est de 108MW et elle assure à elle seule la production des 149GWh annuels.
Depuis 2005, deux parcs à éoliennes ont été installés ou sont en cours d’installation. L’un se situe à Ally-Mercoeur où les 26 éoliennes en place représentent une puissance de 39 MW avec une production annuelle attendue de 80GWh. C’est pour l’instant le plus grand parc éolien français. En 2008, le parc de St-Jean Lacham devrait pouvoir produire 25 GWh avec ses 9 éoliennes, ce qui devrait porter la production électrique totale de la Haute-Loire à 255GWh, dont 41 % d’origine éolienne.
Intéressons nous maintenant au poids de Poutès dans ce dispositif. Le complexe de Poutès-Monistrol est divisé en deux parties (liens vers la présentation technique). Nous reprendrons la dénomination utilisée par Energies Demain dans son étude :
Sur les 149 GWh produits annuellement par hydroélectricité, Monistrol 1 produit en moyenne 52 GWh et Monistrol 2 produit 41 GWh (Source : EDF, 1997), c'est-à-dire respectivement : 34% et 28% de la production totale de la Haute-Loire (voir figure 4). Le complexe de Poutès-Monistrol est donc responsable de la production de 62% de l’énergie hydroélectrique ! C’est de ce chiffre qu’il tire son appellation de « Grand Barrage ». Néanmoins, à l’échelle nationale, cela ne représente que 0,03 % de la production.
En 2004, la production hydroélectrique française était de 59 TWh (DGEMP, 1999). En prenant les chiffres précédant, Poutès ne représente que 0.15 % de cette production. De nouveau, il apparaît un débat « d’échelles ». L’hydroélectrique permet de produire rapidement en augmentant le débit d’eau dans les turbines de l’usine. Ainsi la gestion des réserves en eau au niveau du barrage permet de répondre ponctuellement à un déficit sur le réseau. C’est le principal argument des défenseurs de l’hydroélectrique. Mais, qu’elle est l’impact de la distance au barrage ? La réactivité de l’hydroélectrique est-elle amoindrie par la distance à la centrale : si en Haute-Loire la consommation s’envole soudainement, l’ensemble des barrages français autre que Poutès suffit-il à amortir le déficit provoqué ou bien est-il nécessaire de disposer d’un ouvrage majeur à l’échelle départementale ? Nous n’avons malheureusement pas obtenu de réponse à ces questions.