Procyclicité potentielle du nouveau ratio de solvabilité proposé lors des accords de Bâle II

Avec l’avènement du nouveau ratio MacDonough qui exige des fonds propres d’autant plus importants que le profil des établissements débiteurs est risqué, de nombreux acteurs de l’économie se sont inquiétés de la « procyclicité » potentielle du dispositif mis en place par Bâle II.  « Procyclique » est un terme utilisé pour caractériser la capacité d’un phénomène ou d’une mesure à amplifier le cycle économique. 

 

Selon les détracteurs du nouveau ratio de solvabilité, les variations dans la notation des clients par la banque, en induisant des variations dans les exigences en fonds propres,  généreraient  une vague de « crédit facile »  dans les périodes de croissance économique,  et  au contraire une réduction drastique de l’offre de crédit  au moment des récessions.  Ceci produirait  ainsi une grande amplitude entre le creux et le sommet de chaque cycle, ce qui nuirait à l’efficacité de l’activité économique.

 

En réponse à cette préoccupation, le Comité de Bâle assure qu’il a anticipé cette procyclicité potentielle lors de l’élaboration du nouveau dispositif en équilibrant au mieux la sensibilité au risque du ratio et le lissage des exigences en fonds propres pour éviter une volatilité trop importante au cours du cycle. En effet, pour ce qui est de la sensibilité, le Comité part du principe que la « morsure » des exigences de solvabilité  étant d’autant plus forte que le risque s’accroît, la réaction de la banque sera immédiate et ira dans le sens d’une réduction des investissements risqués.  Le Comité va même jusqu’à affirmer qu’une fois déployé le dispositif de Bâle II  permettra de réduire les effets cycliques dus aux variations des notations des clients.

 

Une autre crainte, formulée par Michel Aglietta, actuellement professeur d’économie à l’Université Paris X et qui était à l’époque membre du Conseil d’Analyse Economique auprès du Premier Ministre, est celle d’une standardisation systématique des outils de gestion des risques de crédit par les banques,  en vue d’établir un modèle de gestion unique. M. Aglietta redoute que l’homogénéisation des systèmes les rende à terme moins efficaces, et puisse même produire de grands retournements d’ensemble lors des récessions, ce qui amplifierait alors l’instabilité déjà perceptible en bas de cycle. 

 

Là encore, le Comité de Bâle a anticipé cette objection en se fixant comme ligne de conduite de laisser la liberté aux banques de choisir les modèles de calcul de fonds propres (cf Bâle I-vers un nouveau ratio de solvabilité) qui leur convenaient le mieux selon leurs activités. D’autre part, en plus de ce choix possible des modèles de calcul, les méthodes de notations sont assez variables suivant l’agence de notation sollicitée (ainsi Moody’s, Fitch ou Standard&Poor’s ont chacune leur échelle de notation)  si la notation est externe, et si la notation est interne à la banque, la diversité est alors plus qu’assurée au vu de toutes les options disponibles et de la marge de liberté accordée par le Comité. En définitive, la diversité des systèmes employés par chaque banque  est un gage de stabilité lors de la traversée du cycle.

 

Enfin, en ce qui concerne les craintes portant sur la volatilité  des  notations  des clients,  les banques sont en train de rassembler des données sur les probabilités de défaut de leurs clients sur une moyenne de long terme. Ainsi, la dégradation de la qualité de signature du client n’engendre pas, à court terme, de dégradation importante des notations du client. De plus,  si dégradation de notation il y a  lors de la renotation annuelle du client,  celle-ci est décalée dans l’année par rapport aux renotations des autres clients, ce qui permet d’éviter les éventuelles surréactions.

 

En fin de compte, il ressort au lendemain des accords de Bâle que les craintes relatives à la procyclicité potentielle semblent avoir été bien prises en compte par le Comité, et il s’avère que les dispositifs mis en place contribuent plutôt à renforcer la stabilité  financière  en atténuant l’effet  déstabilisant des cycles par un lissage des notations et des exigences en fonds propres correspondantes sur des données de moyen terme.